Internet : sous couleur de démocratie, Macron soumet l’information à son totalitarisme moralisateur

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Emmanuel Macron va « repenser » le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de façon à mieux « réguler » l’information, notamment sur Internet, afin de « protéger » la démocratie. Les sites coupables de « fausses nouvelles » seront bloqués. Un totalitarisme moralisateur s’installe doucement.
 
Etrange début d’année. En plein réchauffement climatique, la Floride gèle sous la neige et des requins américains meurent congelés dans les eaux de Cape Cod, Massachusets. Mais la cote du président Macron, loué soit son saint nom, elle, continue à grimper, elle résulte d’un modèle mathématique non réfutable par la réalité. Va-t-il renoncer à Notre Dame des Landes ? Rapatrier en grande pompe des djihadistes « français » ? Nul ne le sait, il a trop à faire, il est occupé à moraliser le web, assainir la toile, réformer internet, protéger la démocratie et défendre l’information. Lors de ses vœux à la presse, avec les grands mots doux et gentils qu’il aime agiter, il vient d’annoncer serein la plus grande opération de censure jamais envisagée. Le totalitarisme à visage poupin est en marche.
 

Dès l’origine, l’information sur Macron est un soap opéra

 
Depuis le commencement, l’histoire de Macron est un conte, produit par de grands médias coordonnés utilisant tous les moyens de la propagande moderne, sondages compris, et s’adaptant à l’actualité du moment, à la manière des scénaristes des grandes séries télévisées. Actuellement, nous en sommes à la saison 3 : la cote de popularité est bonne parce que le président tient ses promesses, il a eu de la chance avec la conjoncture, il va être bientôt confronté à des décisions difficiles.
 
Dans cette love story avec le pouvoir, il y a une fée Carabosse, l’information alternative, Internet, les nouvelles venues d’ailleurs par le biais de sites étrangers. On l’a vu lorsque Wikileaks a fourni des informations défavorables au candidat Macron sur la fin de la campagne présidentielles : avec un ensemble touchant, les grands médias français ont passé l’information sous silence, sous prétexte qu’elle pouvait influer sur le résultat. Le Monde en particulier a entonné un couplet moralisateur : la déontologie lui interdisait de publier des faits non vérifiés. Depuis, ils l’ont été, vérifiés, mais sans doute le moment de les publier était-il passé ?
 

Le totalitarisme moralisateur nomme propagande toute critique

 
L’information alternative a plusieurs visages. Macron en a montré un du doigt. Il s’agit de la « propagande » financée par « certaines démocraties illibérales ». Par ce néologisme très anglo-saxon, notre président moralisateur désigne, en général, les « démocraties » qui utilisent d’autres méthodes que les siennes pour imposer leur volonté aux peuples, et en particulier la Russie de Vladimir Poutine, déjà accusée d’avoir fait élire Trump et provoqué le Brexit. Chacun a noté que Sputnik et RT n’étaient pas invité à écouter la bonne parole présidentielle. En mai dernier, Macron les avait traitées « d’organes d’influence ». Depuis un mois, RT émet en Français. Son public peut s’accroître. Le président y met préventivement le holà : il ne saurait y avoir deux mensonges dominants dans le même marigot, deux propagandes dans le même espace politique.
 
C’est donc tout naturellement qu’il a demandé au CSA de « lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des Etats étrangers ». Cocorico ! Voilà qui est jugé très « gaullien » par nos médias. Il ne faut plus de frontière pour empêcher la richesse du Nord d’être transférée au Sud et les migrants du Sud d’envahir le Nord, mais, en matière d’information, Macron devient soudain furieusement souverainiste.
 

Simplet Juppé approuve la censure d’internet au nom de la démocratie

 
Il ne s’agit pas dans cette affaire pour le président de sauver ses seules fesses, c’est tout le système qu’il entend protéger (« la vie démocratique ») de l’information alternative. Il appelle les journalistes à un « combat commun » contre les deux grands ennemis de la démocratie non illibérale, le « complotisme et le populisme ». Si un site reprend leur information biaisée, leurs « fausses nouvelles » leurs « fake news », alors la justice pourra « supprimer le contenu, déréfencer le site, supprimer le compte et bloquer l’accès au site » en urgence.
 
A part Simplet Juppé, définitivement amoureux de Macron, les autres nains de la chaumière politique ont un peu toussé, de Marine Le Pen à Jean Luc Mélenchon : le projet annoncé est si ouvertement liberticide qu’il marque mal. Et puis, on sait bien à gauche que, grâce à l’alliance des principaux médias, de Google et des grands réseaux sociaux, une censure discrète s’exerce déjà sur les « fake news » et les « discours haineux ».
 

Médias et réseaux sociaux censurent déjà l’information

 
Facebook, notamment, a annoncé en octobre l’embauche d’un millier de modérateurs supplémentaires chargés d’examiner les « contenus sponsorisés ». FB a en outre installé, à titre expérimental, pour ses utilisateurs canadiens, un dispositif permettant d’accéder à des informations sur l’origine des publicités. Les grands acteurs du Net ont aussi multiplié les partenariats avec les médias. Google et Facebook se sont associés à plusieurs rédactionsdont Libération en France -, à charge pour ces dernières de vérifier de potentielles fausses nouvelles signalées par les utilisateurs.
 
Comme l’a dit la nouvelle patronne du syndicat de la magistrature, Katia Dubreuil, « On ne voit pas trop quel est le vide juridique » que Macron prétend combler. Mais du coté des journalistes, on discerne mieux la stratégie du président : c’est par le portefeuille qu’il entend imposer son totalitarisme. Pour Reporter Sans Frontières, la « censure » sera exercée par les réseaux sociaux. Pour éviter les amendes colossales prévues par le projet, ils supprimeront d’eux-mêmes des « contenus » douteux. C’est ce qui se passe déjà en Allemagne, où l’on risque jusqu’à cinquante millions d’euros d’amende si l’on enfreint la loi.
 

La démocratie, c’est l’absorption du peuple par le pouvoir

 
Si l’on porte l’analyse un peu plus loin, on s’aperçoit que Macron participe à un mouvement sur lequel il faudra revenir, qui est l’évolution du domaine régalien. Les pouvoirs régaliens de l’Etat sont devenus depuis le douzième siècle la police, la justice, l’armée et les affaires étrangères. Depuis la fin du dix-neuvième siècle la franc-maçonnerie y a ajouté l’instruction publique, augmentée petit à petit par l’éducation. Aujourd’hui, quand la justice, la police, l’armée et les affaires étrangères tendent à sortir des pouvoirs régaliens de l’Etat nation, d’autres domaines y entrent, comme l’environnement et l’information, et plus généralement l’éthique. L’Etat devient le surmoi moral de la nation.
 

Macron étend le domaine régalien jusqu’au totalitarisme

 
Emmanuel Macron a illustré ce mouvement, en s’élevant lors de ses vœux à une sorte de philosophie. Il a parlé de « vérité ». Il a dit que « Toutes les paroles ne se valent pas ». Il a estimé que, pour mieux garantir la « liberté d’expression », il fallait la distinguer des rumeurs et du mensonge. En somme il a fort bien parlé. On aimerait que le président soudain moralisateur applique ces principes à d’autre domaines que la censure d’internet : quant à la diffusion de la pornographie, à la propagande pour l’avortement, l’euthanasie, la révolution LGBT, l’Etat non seulement ne s’y oppose pas, mais il la favorise. Cela dessine la morale d’Etat que défend le roi-juge Macron : oui à la chienlit révolutionnaire, non à l’information libre.
 

Pauline Mille