THEATRE FILME Mademoiselle Julie Cinéma ♠

Mademoiselle Julie
 
Mademoiselle Julie reste la plus célèbre des pièces de l’écrivain suédois Strindberg. Ce dramaturge constitue à peu près l’équivalent suédois de Zola, développant une œuvre naturaliste qui mêle un progressisme superficiel à une haine profonde du genre humain. Cette pièce de 1888 est adaptée assez fidèlement pour le cinéma. On s’étonnera seulement de la transposition bizarre de la Suède en Irlande. Elle démolit un ressort dramatique. En effet, si la Nuit de la Saint Jean est presque en permanence sous la lumière diurne sous les latitudes scandinaves, ce n’est plus le cas bien plus au Sud. Sans compter que le piétisme luthérien ne correspond pas à la foi catholique. A notre époque d’analphabétisme religieux, il est vrai que cela ne gênera que les connaisseurs.
 
Les acteurs, très connus, Jessica Chastain et Collin Farrell pour les deux rôles principaux, irréprochables, interprètent de manière juste les caractères de la pièce. Mais c’est celle-ci qui constitue le problème.
 
Au premier degré, elle se limite à une charge convenue contre l’aristocratie, les hiérarchies sociales. Elle paraît approuver la débrouillardise des domestiques, du moins de ceux capables de rébellion, l’esprit d’astuce du peuple, définissant au besoin sa propre morale. A l’inverse, le sens de l’honneur aristocratique y est présenté comme un chemin vers le suicide. Suicide suranné en l’occurrence : accompli par une aristocrate déshonorée après une étreinte avec un domestique, il détonne après les nombreuses amours ancillaires publiques de princesses de familles royales européennes qui encombrent nos magazines.
 
Au second degré, la misanthropie de l’auteur éclate. Il se livre à une entreprise de démolition en règle, totale, du genre humain, composé de pervers ou au mieux d’idiots et de fous. La religion chrétienne est mise au rang des idioties à travers un personnage particulièrement grotesque, pénible, qui tombe dans le déni hystérique de réalités évidentes. Mademoiselle Julie, en pleine fidélité aux intentions de l’auteur, étale cette haine de l’humanité, y compris dans ce qu’elle pourrait posséder de meilleur, que ce soit l’amour ou la Religion. L’étalage s’avère à peu près insupportable.