Le républicain Mitt Romney contre l’anti-Système Donald Trump

Mitt Romney Donald Trump
Mitt Romney lors de son discours, le jeudi 3 mars, dans l’Utah, aux Etats-Unis.

 
La panique se dévoile, l’Establishment américain se révolte bel et bien contre Donald Trump. « Imposteur », « malhonnête », « cupide », « pas très intelligent », l’ancien candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, n’a pas manqué de qualificatifs pour dénoncer le milliardaire Trump, aux victoires décidément difficiles à avaler. Son discours de jeudi à Salt Lake City donne le ton qd’une fronde uasi généralisée, étonnante et symptomatique, des conservateurs contre un candidat aux normes par trop personnelles… par trop anti-Système.
 

Mitt Romney réagit aux résultats du « Super Tuesday »

 
On peut parler d’effet « Super Tuesday ». L’homme d’affaires a remporté sept Etats sur onze, le 1er mars : il apparaît plus que jamais comme le vainqueur potentiel de l’investiture à la présidentielle de novembre prochain. Son discours de clôture en avait d’ailleurs déjà le ton.
 
Mais ce qui reste le plus intéressant est le déluge de commentaires qu’il suscite, la somme d’attaques qu’il génère, l’intensité des crispations qu’il semble obliger.
 
Et le discours du mormon Mitt Romney en est un remarquable exemple. Pour l’ancien gouverneur du Massachusetts et l’opposant malheureux d’Obama en 2012, il n’y a pas photo : Donald Trump ne peut être le candidat de 2016 à la présidence du Parti républicain.
 

Tout sauf Trump

 
« Les seules propositions de politiques sérieuses qui traitent de la vaste gamme de défis nationaux auxquels nous sommes confrontés, sont publiées aujourd’hui par Ted Cruz, Marco Rubio, et John Kasich. Un de ces hommes devrait être notre candidat » a déclaré Romney. Alors qu’il n’a approuvé officiellement aucune de ces figures politiques…
 
En gros, n’importe qui sauf Trump.
 
Mieux, de manière grandiloquente il a affirmé que le chemin choisi « aura des conséquences profondes pour le Parti républicain et, plus important, pour le pays. » Dans un sens ou dans un autre… « Si nous faisons les bons choix, l’avenir de l’Amérique sera encore meilleur que notre passé et meilleur que notre présent ».
 
« Mais si nous faisons des choix inconsidérés, l’horizon radieux que je prévois ne se matérialisera jamais. Permettez-moi de le dire clairement, si nous, les Républicains, choisissons Donald Trump comme notre candidat, les perspectives d’un avenir sûr et prospère sont grandement diminuées. »
 

« Un imposteur » malhonnête et misogyne

 
Il a argumenté sur le programme économique de Trump et sa vision de la sécurité nationale. « Même si Donald Trump a proposé très peu de mesures économiques spécifiques, le peu qu’il a dit suffit pour savoir qu’il serait très nocif pour les employés américains et les familles américaines ». Son plan fiscal « plomberait le déficit et la dette nationale. »
 
Le « successful » empire Trump ? Il n’a fait qu’en hériter, pour écraser, in fine, « les petites entreprises et les hommes et les femmes qui travaillaient pour lui ». Et d’énumérer le nombre de ses entreprises en faillite, comme Trump Airlines, Trump Magazine ou Trump Mortgage…
 
Côté politique étrangère, sa grandiloquence « alarme déjà nos alliés et alimente l’inimitié de nos ennemis. » En particulier chez les musulmans qu’il empêche ainsi de s’engager contre l’Etat Islamique (!). Il est certain que Trump va à l’encontre d’un certain nombre de poncifs républicains : il s’est longtemps plaint de la présence militaire américaine à l’étranger et de la protection que les États-Unis accordent à des alliés prospères comme l’Arabie Saoudite, le Japon et la Corée du Sud – il propose même une relation coopérative avec Moscou…
 
Mais surtout, les arguments ad hominem pleuvent. « Donald Trump est un charlatan, un imposteur. Ses promesses ne valent pas mieux qu’un diplôme de l’Université Trump. Il prend les Américains pour des pigeons ». Sa « malhonnêteté », sa « cupidité », sa « misogynie » s’ajoutent à son incapacité d’être président. La nomination de Trump ne permettra que la victoire d’Hillary Clinton.
 

Les Républicains contre l’Anti-système ?

 
La réaction de Trump fut sobre : il a simplement rappelé que Mitt Romney lui avait demandé son soutien il y a quatre ans…
 
Ce qu’il faut se demander, c’est : quelles sont les motivations de Romney ? Prépare-t-il une entrée en fanfare pour « sauver l’âme du Parti » ? Ou sert-il seulement les intérêts du Grand Old Party qui refuse visiblement toute compromission avec le diable Trump, quitte à fermer les yeux sur les scores victorieux de celui qui porte (encore) ses couleurs ?! Le Parti Républicain préfère visiblement la voix de l’Establishment à la voix prometteuse d’un populiste…
 
Car Mitt Romney avait beaucoup moins bien réussi que son comparse, il y a quatre ans, en perdant le vote de la classe ouvrière, alors que Trump semble au contraire séduire les cols bleus. Sur quoi se démarque-t-il ? Sur deux griefs de la classe ouvrière particulièrement ignorés dans l’air du temps : l’immigration illégale massive qui oppose injustement les travailleurs américains aux étrangers payés au moindre coût ; les grands accords commerciaux qui nuiront aux industries américaines et transféreront les emplois à l’étranger. Deux préoccupations tangibles pour les citoyens quand les financiers y voient davantage une source renouvelée de profits…
 
Trump les a, seul, ciblées.
 

« Hillary est un moindre mal »

 
« The Donald » passera-t-il l’obstacle des primaires du 15 mars, qui permettront aux candidats de récolter tous les délégués des États qu’ils remportent ? Marco Rubio et Ted Cruz sont toujours en lice et le GOP fait tout pour soutenir ces poulains moins récalcitrants.
 
Certains ont même déclaré qu’ils n’hésiteraient pas à voter Hillary ! Dans une lettre ouverte, publiée mercredi soir sur le site de défense « War on the Rocks », plus de 75 experts américains de la sécurité nationale et de politique étrangère se sont engagés à abandonner l’étendard républicain si Trump était choisi comme le candidat de leur parti… A côté, « Hillary est un moindre mal », selon les mots d’un ancien haut fonctionnaire du département d’Etat sous George W. Bush, Eliot Cohen.
 
Comme l’écrivait Pauline Mille, l’UMPS fait bien son entrée sur la scène étasunienne.
 

Clémentine Jallais