Le nombre de migrants explose en Europe. L’UE doit-elle pour autant mettre en place une politique commune ?

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Toute la presse se focalise sur le nombre record d’immigrés clandestins qui tentent de pénétrer en Europe ces derniers mois, souvent dans des circonstances dramatiques. L’agence chargée des contrôles aux frontières de l’UE en a recensé 107.500 au cours du seul mois de juillet : trois fois plus qu’à pareille époque l’an dernier, et moitié plus qu’en juin où elle en a compté 70.000. La proportion la plus importante se dirige vers des îles grecques de la mer Egée : ils sont 50.000 à les avoir atteintes depuis les côtes turques. 340.000 personnes au total sont arrivées dans l’Union européenne de manière irrégulière depuis le début de l’année, contre 280.000 pour l’ensemble de 2014. On entend de plus en plus des discours réclamant que l’UE prenne la main face à ce problème « européen ». Les migrants sont utiles… à la mise en cause des souverainetés nationales.
 
Guerre ou pauvreté, les raisons ne manquent pas pour expliquer cet afflux exceptionnel de migrants économiques et de réfugiés prenant d’assaut les régions où ils savent pouvoir attendre hébergement, prise en charge médicale et allocations. L’Allemagne d’Angela Merkel – qui a qualifié la situation d’« extrêmement insatisfaisante » – a revu à la hausse ses prévisions de demandes d’asile en tablant sur une petite accélération des arrivées : pour 2015, on arriverait ainsi à 750.000 nouvelles demandes (pour la seule Allemagne) au lieu des 480.000 estimées au début de l’année. L’an dernier, l’UE a dénombré 625.920 demandes d’asile.
 

L’Allemagne, première destination des clandestins, veut une politique européenne commune

 
L’Allemagne fait partie des destinations les plus demandées, ce qui a conduit le chancelier allemand à déclarer, à la télévision nationale ZDF, que le pays accueille un nombre disproportionné de migrants : « Nous avons besoin d’une politique européenne commune du droit d’asile », a-t-elle martelé.
 
Devant la déferlante de demandes qu’il est évidemment impossible d’honorer toutes, cette réponse désigne la nature réelle de la situation. Stopper l’afflux est relativement simple sur le papier, même si la prise en compte de chaque cas humain, avec humanité, fait que rien n’est automatique : tout pays qui ose mettre en place une politique stricte, consistant à reconduire effectivement les demandeurs et à ne leur donner aucun espoir de prise en charge, verrait sa puissance d’attraction diminuer suffisamment pour décourager les candidats. Cela n’oblige pas à rejeter des pauvres à la mer.
 
Or il n’en est rien. L’UE cherche à prendre la main non pas en stoppant l’afflux mais en répartissant les nouveaux arrivants, en insistant sur l’accueil. Elle laisse se multiplier les images de misérables embarcations et de centres d’accueil surchargés. La situation devient intenable dans de nombreux endroits, et cela se sait : on croirait presque à une propagande qui exaspère les populations autochtones (et les immigrés légaux !) et qui est taillée sur mesure pour rendre acceptable l’idée d’une réponse européenne, alors même que la politique de droit d’asile et d’immigration demeure propre à chaque pays membre de l’Union.
 

L’UE attend pour mieux prendre en main le problème des migrants, dont le nombre explose

 
Le message revient, lancinant : les membres de l’UE doivent renoncer à ce nouveau pan de souveraineté nationale pour laisser l’Europe résoudre le problème : n’est-il pas européen ?
 
S’il l’est aujourd’hui, c’est qu’il l’est devenu par la volonté de l’Europe et par ses règlements qui ont déjà partiellement « supranationalisé » la question, avec l’ouverture des frontières dans l’espace Schengen et les dispositions qui autorisent un demandeur d’asile accueilli dans un des pays de circuler dans tous les autres…
 
Les images et les dépêches se multiplient de villes et de villages débordés par la demande. L’Allemagne est en première ligne, et les attaques contre les centres de réfugiés s’y multiplient. En Suède, les demandes d’asile ont atteint les 81.200 en 2014 et là encore l’hostilité à l’égard des immigrés est à la hausse. En Autriche, des lois sont en préparation qui pourraient obliger dès le mois d’octobre les villes et villages à accueillir des demandeurs d’asile à hauteur de 1,5 % de la population locale pour distribuer plus « équitablement » les migrants à travers le pays.
 
Toutes proportions gardées l’Autriche joue à petite échelle le scénario que prépare l’Europe : les autorités locales aux prises avec l’immigration se voient confisquer le pouvoir sur cette question au profit du gouvernement fédéral autrichien. Demain, ce seront les capitales européennes qui se verront priver, au nom de la subsidiarité à l’envers, du droit de prendre la question à bras-le-corps – à supposer qu’elles aient vraiment la volonté de le faire.
 

L’Europe, aimant pour la migration : déjà 380.000 clandestins arrivés irrégulièrement cette année

 
Les poids lourds de l’Europe, Allemagne en tête, ne font pas mystère de leur préférence pour cette solution européiste rendue « acceptable » aux yeux du peuple par la peur engendrée par l’arrivée des migrants par centaines de milliers. En attendant que l’ONU s’en mêle : elle le fait d’ailleurs à travers le Haut-Commissariat pour les réfugiés qui a déjà demandé à la Grèce, exsangue, de renforcer « d’urgence » ses structures d’accueil, tandis que le haut commissaire pour les réfugiés, Antonio Guterres, vient de déclarer à Die Welt : « Sur le long terme, il n’est pas “soutenable” que seuls deux pays de l’UE – l’Allemagne et la Suède – ayant des structures d’asile efficaces acceptent la majorité des réfugiés. »
 
Le premier point semble en tout cas acquis : inciter les Européens à se tourner vers l’UE pour exiger une solution.
 

Anne Dolhein