Nord Stream, chantage et corruption au plus haut niveau : l’enquête sur l’action des réseaux de Poutine hérités du KGB et de la Stasi

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Nord Stream est défavorable du point de vue des intérêts polonais

 
Les Espions venus avec la chaleur, telle est la traduction littérale du titre du livre-enquête du journaliste d’investigation danois Jens Høvsgaard, en forme de clin d’œil au roman d’espionnage L’Espion qui venait du froid de John Le Carré. Sorti le 1er septembre en librairies sous le titre original Spionerne der kom ind med Varmen, cet ouvrage relate comment le président russe Vladimir Poutine, ancien officier du KGB détaché à Dresde, en Allemagne de l’Est, et sa vieille connaissance de la Stasi Matthias Warnig, aujourd’hui directeur général de Nord Stream AG, ont utilisé leurs réseaux et leurs méthodes d’espions pour obtenir les autorisations nécessaires en vue de la construction et l’exploitation du gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique. D’après le journaliste, la construction de ce gazoduc a été une vaste entreprise de chantage et de corruption, ce qui ne surprend pas vraiment puisque l’on a effectivement vu des anciens Premiers ministres récompensés de leurs bons et loyaux services par des postes lucratifs.
 

En s’aidant de leurs réseaux au KGB et à la Stasi, Poutine et Warnig ont exercé chantage et corruption en faveur du projet Nord Stream

 
Il y a d’abord eu, comme tout le monde le sait, le chancelier allemand Gerhard Schröder, qui a négocié le projet avec la Russie au nom de l’Allemagne et dont le gouvernement s’est porté garant d’un crédit d’un milliard d’euros, et qui a ensuite été engagé par Gazprom pour diriger le Conseil de surveillance du consortium germano-russe chargé de construire le gazoduc.
 
Mais il y a encore eu, et c’est moins connu, l’ancien Premier ministre suédois Göran Persson passé à la direction de la société LKAB Minerals qui, en tant que fournisseur de minerai de fer pour le projet Nord Stream, fait du lobbying en sa faveur.
 
Enfin, l’ancien Premier ministre finlandais est devenu président du parlement puis consultant pour le projet Nord Stream au moment de l’invasion de la Géorgie par la Russie en 2008. Le scandale qui s’ensuivit en Finlande l’obligea à abandonner toutes ses fonctions politiques mais pas sa lucrative activité de conseil, et devait l’empêcher ensuite de devenir Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, du fait du blocage de la Pologne.
 

Nord Stream et Gazprom sont dirigés par d’anciens officiers du KGB et de la Stasi

 
Dans un entretien en langue anglaise avec le site d’information polonais spécialisé dans le secteur de l’énergie BiznesAlert.com, le journaliste danois Jens Høvsgaard rappelle aussi comment le Premier ministre de son pays, Lars Løkke Rasmussen, qui aurait pu bloquer la construction du gazoduc Nord Stream puisqu’un tronçon traverse ses eaux territoriales, a volontairement désinformé l’opinion publique et l’opposition danoises en 2009. Il l’a fait en dépit des avertissements qui venaient de Pologne, d’Ukraine et des Pays baltes sur les conséquences géopolitiques du projet.
 
« Aujourd’hui, les hommes politiques en sont plus conscients, mais comment dire non merci à Poutine et au Nord Stream si vous les avez accueillis en 2010 ? », explique l’auteur de Spionerne der kom ind med Varmen. En outre, avance-t-il encore, « Nord Stream et Gazprom sont contrôlés par d’anciens officiers du renseignement de la Stasi et du KGB. En coopération avec l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, qui exerce la fonction de président du conseil d’administration de Nord Stream, ils ont un accès direct aux décideurs au Danemark, en Suède et en Finlande. »
 

Olivier Bault