Big Brother : vers la numérisation des services municipaux et des poubelles au Royaume-Uni

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Les arguments ne manquent pas pour mettre en place une numérisation aussi large que possible des services municipaux au Royaume-Uni : les « councils » ou grandes communes britanniques pourraient faire 14,7 millions de livres d’économies en utilisant de nouvelles technologies plutôt que des agents humains, et cela permettrait de surveiller les personnes âgées – pour leur propre bien, bien sûr. C’est un rapport de l’association caritative Nesta qui a mis en avant ces avantages dans un rapport commandé par le gouvernement britannique, auquel a également collaboré le Public Service Transformation Network, un réseau chargé de moderniser les services payés par le contribuable pour les rendre plus efficace. Mais derrière les bonnes intentions, on perçoit la marche inéluctable vers l’accroissement du pouvoir de Big Brother.
 

Numériser les poubelles

 
L’une des mesures phares du projet consiste à équiper les poubelles de capteurs – c’est faisable d’ici à dix ans – pour que les médecins soient alertés par les services municipaux si une personne âgée omet de les sortir pendant deux semaines d’affilée. Signe possible d’un ennui de santé… Les informations prises en compte par la Ville seraient l’âge du retraité et sa mobilité ; en cas de risque, elles seraient transmises au cabinet médical local et le médecin pourrait vérifier l’état de son patient au moyen d’un simple coup de fil.
 
Impossible, à ce compte-là, de partir en vacances sans que les autorités soient au courant…
 

Les services municipaux du Royaume-Uni pourront licencier leurs agents grâce à la numérisation

 
Evidemment, la numérisation ne s’arrêterait pas là et les données circuleraient d’office à défaut d’un refus explicite des administrés, observe le rapport Nesta. L’automatisation d’un grand nombre de services permettrait aux conseils municipaux de fermer nombre de bureaux à mesure qu’ils deviendraient « digitaux par défaut – les immeubles dégagés pouvant être transformés en « espaces communautaires ».
 
Les nouvelles technologies de récolte de données pourraient aussi permettre aux travailleurs sociaux d’agir plus vite : qu’il s’agisse d’alerter les autorités de risques physiques encourus par des enfants ou de détecter les problèmes de familles qui pourraient se retrouver sans toit, le tout selon des algorithmes informatiques.
 
Un porte-parole de l’Association du gouvernement local a souligné pour sa part la cherté de telles mesures – et leur inhumanité, faudrait-il ajouter – à l’heure où les agents municipaux, éboueurs y compris, font déjà attention aux signes de difficulté chez les habitants.
 

Big Brother Watch met en garde contre la numérisation excessive

 
L’association Big Brother Watch s’inquiète de son côté des possibilités de plus en plus larges de surveillance et de profilage dont certains peuvent chercher à tirer un profit commercial ou non, et souligne que les personnes âgées, les plus vulnérables face aux nouvelles technologies, devraient être prévenues de ces dangers.
 
Dans une société de plus en plus sujette au contrôle, la collecte de données en même temps que les ordures a déjà apporté la preuve de son indiscrétion : si dans certaines communes, les capteurs permettent de ne récupérer le contenu des poubelles publiques que lorsqu’elles sont pleines (évalue-t-on les odeurs ?), à Islington, en 2008, la vérification des ordures des ménages avait été mise en place sans l’accord des habitants pour savoir s’ils triaient suffisamment et selon les règles. A l’époque, certaines municipalités avaient engagé des escouades de gamins de 8 ou 10 ans chargés – contre rémunération de chaque dénonciation – de signaler par photo ou vidéo les habitants coupables de laisser leur chien salir les trottoirs, de jeter leurs ordures de manière illégale ou de sortir leur poubelle à la mauvaise heure…
 
Tout cela se fait au nom de la citoyenneté : il s’agit tout autant d’obliger les habitants à respecter les moindres règlements locaux que de conditionner les jeunes, de l’aveu même des autorités.
 

Anne Dolhein