Officialiser l’islam en Allemagne par un impôt d’Eglise

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La mosquée Şehitlik après la prière du vendredi pendant le ramadan, à Berlin.

 
Sur le papier cela a les allures d’une mesure d’égalité. On pourrait même croire qu’il s’agit de mieux contrôler la présence sur le sol allemand d’un nombre croissant de musulmans. Mais en proposant de mettre en place un impôt d’Eglise, à l’instar de ce qui se fait pour les catholiques, les protestants et les juifs, le CSU favorise une mesure qui aboutirait à officialiser l’islam en Allemagne.
 
Il y a une bonne semaine, la CSU (parti de l’union chrétienne sociale) réclamait un meilleur contrôle de l’islam dans le pays, à l’heure où l’on s’interroge à la fois sur la présence massive de musulmans, de plus en plus nombreux à la faveur de la crise des migrants, et sur le financement de leurs mosquées et autres institutions islamiques. Financement bien souvent assuré depuis l’étranger pour une religion qui est aussi, par sa prétention à vouloir réglementer tous les détails de la vie publique et privée, un Etat dans l’Etat.
 
Mais comment assurer alors, dans le cadre d’un État laïque, le droit à l’exercice du culte auxquels peuvent prétendre les musulmans durablement installés en Allemagne ?
 

L’islam officialisé par le paiement de l’impôt ?

 
Alexander Radwan, membre du CSU et député européen, a trouvé la réponse : « Si vous mettez fin au financement étranger des mosquées, alors il faut évidemment assurer un financement suffisant ici en Allemagne », a-t-il déclaré au Süddeutsche Zeitung. Il propose d’instituer une taxe similaire à « l’impôt d’Eglise qui existe pour les catholiques et les protestants ». Les musulmans, des chrétiens comme les autres ?
 
L’impôt d’Eglise en Allemagne est prélevé sur les revenus des individus qui annoncent leur religion sur leur déclaration fiscale : ils sont enregistrés comme catholiques, protestants ou juifs, ce qui aboutit à la récolte par l’État de sommes représentant entre 8 et 9 % de leur impôt sur le revenu total, qui sont ensuite reversés aux structures des religions correspondantes. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Eglise catholique d’Allemagne fait partie des plus riches au monde. Même si un nombre croissant d’Allemands se désinscrivent des registres dans une sorte d’apostasie fiscale.
 
Si la proposition de Radwan devait prospérer, les communautés religieuses musulmanes devraient sans doute se faire enregistrer en tant que société publique comme l’ont fait les évangéliques et d’autres sectes protestantes en Allemagne.
 

En Allemagne, mettre l’islam au même rang que l’Eglise

 
L’idée est de créer une sorte d’islam d’Europe – comme si la chose était possible – adapté au mode de vie occidental et préservé de l’extrémisme par l’absence de financement de l’islam par des pays où celui-ci est pratiqué de manière plus exacte. C’est un langage que l’on a pu entendre en France… Le secrétaire général de la CSU – le parti bavarois auquel s’est allié le CDU d’Angela Merkel – Andreas Scheuer, a exposé son programme en ce sens en affirmant que la langue des mosquées doit être l’allemand. L’idée est d’intégrer les musulmans en tant que tels mais sans « tolérer une situation où les vues extrémistes sont importées depuis l’étranger ». « L’Europe doit cultiver son propre islam », a-t-il déclaré à Die Welt.
 
Dans son viseur : la Turquie et l’Arabie Saoudite qui à l’heure actuelle déversent des sommes importantes sur l’Allemagne pour la construction des mosquées et le fonctionnement de jardins d’enfants islamiques. Scheuer voudrait voir l’ensemble des imams actifs en Allemagne formés sur place, partageant les « valeurs fondamentales » du pays. A partir du moment où on a oublié le caractère chrétien de ces dernières, c’est en effet le genre d’utopie que l’on peut imaginer.
 

« Intégrer » un « islam d’Europe » : une utopie trop répandue

 
Sans doute les membres du CSU cherchent-ils sincèrement une solution aux difficultés créées par la présence massive d’immigrés et de réfugiés musulmans. « Ceux qui ne sont pas intégrés ne peuvent pas rester ici. Nous devons mettre fin à cette fable romantique de l’intégration. Le multiculturalisme est un échec. Ceux qui ne sont pas intégrés doivent s’attendre à quitter l’Allemagne », ajoutait vertement Andreas Scheuer.
 
Mais tout cela dénote une méconnaissance tragique de la réalité de l’islam. Ou alors une volonté de le dénaturer, de le relativiser, pour le mettre sur le même plan que le christianisme qui ne croit plus en sa propre vérité.
 

Anne Dolhein