Le pape François ouvre la porte de l’Année de la miséricorde en rattachant son initiative à Vatican II

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Lors de la cérémonie d’ouverture de la « Porte sainte de l’Année de la miséricorde », mardi matin à Rome, le pape François a prononcé une courte homélie qu’il a achevée par le rattachement explicite de sa démarche à l’« esprit » du concile Vatican II, qui a marqué une « rencontre entre l’Eglise et les hommes de notre temps ». Ce jubilé extraordinaire n’est décidément pas comme les autres.
 
On comprend mieux quel sens veut donner le pape François à cette année jubilaire à travers ses multiples déclarations sur l’Eglise « hôpital de campagne » qui doit savoir « aller aux périphéries » pour attirer et soigner ceux qui – au fond – ne vivent pas selon ses règles. D’où ses fréquentes condamnations des rigoristes, des doctrinaires, de ceux qui parlent de la loi. C’est cette idée qui a présidé, on le sait, au synode sur la famille et aux décisions canoniques qui l’ont précédé, par lesquelles le pape François a imposé à marches forcées une réforme simplifiant et accélérant les procédures de nullité du mariage en instituant une démarche accélérée à la charge de l’évêque. Celle qui doit entrer en vigueur en ce premier jour de l’année de la miséricorde…
 

Le pape François ouvre la Porte sainte en demandant que la miséricorde de Dieu soit évoquée avant sa justice

 
Au cours de son homélie, après avoir rendu hommage à l’action éclatante de la grâce qui a préservé la Vierge Marie de la tache du péché originel, le pape François a donné quelques indications supplémentaires.
 
« Entrer par cette Porte signifie découvrir la profondeur de la miséricorde du Père qui nous accueille tous et qui va à la rencontre de chacun personnellement. C’est Lui qui nous cherche ! C’est Lui qui vient à notre rencontre ! Ce sera une Année pour croître dans la conviction de la miséricorde. Combien de tort est-il fait à Dieu et à sa grâce lorsqu’on affirme avant toute chose que les péchés sont punis par son jugement, sans mettre en avant au contraire qu’ils sont pardonnés par sa miséricorde (Augustin, De praedestinatione sanctorum 12,24) ! Oui, c’est vraiment ainsi. Nous devons mettre la miséricorde avant le jugement, et dans tous les cas le jugement de Dieu sera toujours à la lumière de sa miséricorde. Traverser la Porte sainte, donc, fait que nous nous sentons participants de ce mystère d’amour, de tendresse. Abandonnons toute forme de peur et de crainte, car elles ne conviennent pas à celui qui est aimé ; vivons, plutôt, la “joie de la rencontre avec la grâce qui transforme tout”. »
 
Oui, la miséricorde de Dieu est infinie et l’on peut retrouver ici les élans de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui disait ne pas craindre la justice de Dieu parce qu’elle savait qu’elle serait jugée selon sa propre misère et petitesse. Le péché impardonnable n’est-il pas de ne pas croire en la miséricorde divine et donc de rejeter sa bonté qui est prête à pardonner le pire des crimes… regrettés ?
 
Mais s’agit-il exactement de cela ? Deux remarques. Le texte de saint Augustin auquel le pape fait allusion – une réponse aux Pélagiens – renvoie à une question sur le jugement des enfants morts en bas âge avec ou sans baptême : seront-ils jugés selon les péchés qu’ils auraient faits s’ils avaient vécu ? Celui qui pense que Dieu puisse juger et qu’il ne puisse pas faire miséricorde, « Lui fait injure à Lui et à sa grâce », écrit l’évêque d’Hippone. On comprend mal l’articulation avec le fait de parler d’abord de la miséricorde ou du jugement avec ceux qui ont effectivement péché. Et deuxièmement : pour obtenir miséricorde il faut, en ayant conscience de son péché, en demander le pardon. Ce monde rejette la miséricorde parce qu’il ne croit plus au péché…
 

La porte de l’Année de la miséricorde rappelle l’ouverture de Vatican II

 
Le pape a poursuivi :
 
« Aujourd’hui, ici à Rome et dans tous les diocèses du monde, en franchissant la Porte sainte nous voulons aussi rappeler une autre porte que les pères du Concile Vatican II ont ouverte face au monde. Cet événement ne peut pas être rappelé uniquement pour la richesse des documents qui en sont issus, qui jusqu’à nous jours permettent de vérifier le grand progrès réalisé dans la foi. En premier lieu, cependant, le Concile a été une rencontre. Une véritable rencontre entre l’Eglise et les hommes de notre temps. Une rencontre signée de la force de l’Esprit qui poussait son Eglise à sortir des régions sèches qui pendant beaucoup d’années l’avaient renfermée sur elle-même, pour reprendre avec enthousiasme le chemin de la mission. C’était la reprise d’un parcours pour aller à la rencontre de tout homme là où il vit : dans sa ville, dans sa maison, sur son lieu de travail… partout où il y a une personne, l’Église est appelée à la rejoindre pour lui apporter la joie de l’Évangile et pour apporter la miséricorde et le pardon de Dieu. Une poussée missionnaire, donc, qu’après ces décennies nous reprenons avec la même force et le même enthousiasme. Le Jubilé nous provoque à cette ouverture et nous oblige à ne pas négliger l’esprit qui a jailli de Vatican II, celui du Samaritain, comme l’a rappelé le bienheureux Paul VI lors de la conclusion du Concile. Franchir la Porte Sainte nous engage à faire nôtre la miséricorde du bon Samaritain. »
 
Faut-il comprendre qu’il n’y avait pas d’esprit missionnaire avant Vatican II, ni non plus pendant « ces dernières décennies » ?
 

Anne Dolhein