Le pape François et l’ennéagramme

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Un récent article d’Austin Ivereigh du site catholique Crux assure à l’occasion du 80e anniversaire du pape François que celui-ci n’est « pas opposé » à l’ennéagramme, même s’il exprime des « réserves » à propos des abus de cet outil d’analyse de caractère et de développement personnel. « Il est conscient de la manière dont on peut en user, puisque cela peut conduire vers une introspection excessive dès lors qu’il n’est pas utilisé au sein d’un cadre spirituel solide ».
 
La mise en garde est intéressante mais cette introduction sert de prétexte à un article très favorable à l’ennéagramme, dont Ivereigh assure qu’on peut retrouver la source dans les écrits des Pères du Désert, fondateurs du monachisme chrétien.
 
On y apprend même que le pape Français serait un « 8 » dans le répertoire des neuf identifiants de l’ennéagramme : « Des leaders et des lanceurs de défi… Sans peur et intuitifs, souvent directs à couper le souffle, ils se dressent instinctivement contre les élites et ont une capacité peu habituelle à identifier l’injustice et l’oppression. Ils se saisissent du pouvoir et savent à la fois le construire et l’utiliser. Ils ont une capacité extraordinaire à improviser, à vivre en mouvement, et à gérer la pression », note le journaliste.
 

Le pape François serait favorable à l’ennéagramme

 
Assurant que le pape François se trouve en compagnie de gens aussi divers –« selon leurs capacités spirituelles » – que le roi David, Martin Luther King, Fidel Castro ou Ignace de Loyola – Ivereigh y voit « typiquement des personnes de type très sensible qui en tant qu’enfants développent une carapace très coriace pour répondre à un traumatisme ».
 
Comme de nombreux outils actuels de développement personnel et spirituel, l’ennéagramme vise à aider à découvrir les « blessures » de l’enfance (à ne pas confondre avec le péché originel) qui seraient à l’origine des diverses « personnalités » choisies pour recouvrir « l’essence ». Le travail que permettrait de définir l’ennéagramme, « longtemps utilisé dans les maisons de retraite pour aider les personnes à identifier leur compulsion principale », consisterait à « racheter » ce besoin pour qu’il ne fasse pas de tort aux relations avec soi et avec autrui, explique le journaliste.
 
Il se trouve cependant qu’un document sur le New Age publié en 2003 par le Conseil pontifical pour la culture et celui pour le dialogue interreligieux ont gravement mis en garde contre l’ennéagramme, le présentant comme l’un des principaux exemples du gnosticisme New Age et comme un élément qui introduit de l’« ambiguïté dans la doctrine et la vie de la foi chrétienne ».
 

Austin Ivereigh, biographe du pape, présente l’ennéagramme

 
Ledit document refuse d’y voir un outil développé par les Pères du Désert mais retrace au contraire ses origines à l’occultiste George Gurdjieff et au soufisme, variante ésotérique de l’islam.
 
Selon le jésuite Mitch Pacwa, qui intervient souvent comme expert pour la chaîne catholique américaine EWTN, l’ennéagramme comporte de graves dangers, comme il l’a expliqué dans un livre publié en 1992 : Catholics and the New Age: How Good People are Being Drawn into Jungian Psychology, the Enneagram, and the Age of Aquarius.
 
Le P. Pacwa voit dans l’ennéagramme une « dangereuse tromperie », qui argue d’une fausse ancienneté pour éviter l’examen scientifique sérieux, et dont les bienfaits ne sont attestés « ni par le temps ni par les psychologues », seulement invoqués par ceux qui l’ont inventé et ceux qui l’enseignent. Ces derniers ne peuvent d’ailleurs pas invoquer une quelconque reconnaissance officielle.
 
Le jésuite note que de nombreux enseignements du gnostique Gurdjieff et des premiers promoteurs de l’ennéagramme restent à l’ordre du jour – comme celle, reprise par des prêtres, selon laquelle « le péché originel commence à l’âge de trois ou quatre ans lorsque les enfants choisissent une personnalité pour couvrir leur “essence” ». Essence qui renvoie « à la nature divine de l’univers et de la personne » – en cela l’ennéagramme participe de notions panthéistes aux antipodes du christianisme.
 

Les dangers de l’ennéagramme, d’origine gnostique

 
D’autres doctrines de l’ennéagramme sont encore plus explicitement antichrétiens, comme l’idée selon laquelle les neuf types sont neuf démons, les neuf visages de Dieu tournés à l’envers – comme si Dieu avait neuf visages et que ceux-ci étaient susceptibles d’être mis à l’envers… On est très loin de l’enseignement de l’Eglise sur le péché originel, le péché personnel et la Rédemption au prix de la Passion !
 
C’est tout le problème des outils comme l’ennéagramme, ou l’agapé-thérapie aujourd’hui très à la mode au nom du ‘développement spirituel », qui redéfinissent plus ou moins le péché : l’ennéagramme en associant des fautes avec les types de personnalité et au bout du compte un certain déterminisme ; l’agapé en rejetant la responsabilité d’un manque de croissance spirituelle sur une « blessure » infligée à l’enfance et dont autrui porte finalement la culpabilité.
 
Le pape est-il réellement favorable à l’ennéagramme, fût-ce prudemment ? C’est une question qui mériterait d’être éclaircie, et ce d’autant qu’Ivereigh le connaissant bien, son assertion n’est pas sans poids.
 

Anne Dolhein