Le Pape François, l’avortement, l’homosexualité et le divorce

 

Quelques extraits de l’interview du pape François aux revues culturelles jésuites
Réalisée par le P. Antonio Spadaro, sj
 
Publiée dans la revue Etudes d’octobre 2013.
 
Je prends note de ce que le Saint Père est en train de dire et évoque le fait qu’il y a des chrétiens qui vivent dans des situations irrégulières pour l’Église ou tout au moins des situations complexes, des chrétiens qui d’une manière ou d’une autre, vivent des blessures ouvertes. Je pense aux divorcés remariés, aux couples homosexuels, aux autres situations diˆfficiles. Comment faire alors une pastorale missionnaire ?
Le pape me fait signe qu’il a compris ce que j’essaye de dire et répond :
« Nous devons annoncer l’Évangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. À Buenos Aires j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles, qui sont des “blessés sociaux” parce qu’elles se ressentent depuis toujours condamnées par l’Église. Mais ce n’est pas ce que veut l’Église. Lors de mon vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai dit que, si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela, j’ai dit ce que dit le Catéchisme [de l’Église catholique]. La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des personnes mais Dieu dans la création nous a rendu libres : l’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible. Un jour quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité.
Je lui ai alors répondu avec une autre question : “Dis-moi :
Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en
approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en
la condamnant ?” Il faut toujours considérer la personne.
Nous entrons ici dans le mystère de l’homme. Dans la vie de
tous les jours, Dieu accompagne les personnes et nous devons
les accompagner à partir de leur condition. Il faut
accompagner avec miséricorde. Quand cela arrive, l’Esprit
Saint inspire le prêtre afin qu’il dise la chose la plus juste.
C’est aussi la grandeur de la confession : le fait de juger
au cas par cas et de pouvoir discerner ce qu’il y a de mieux à
faire pour une personne qui cherche Dieu et sa grâce. Le
confessionnal n’est pas une salle de torture, mais le lieu de la
miséricorde dans lequel le Seigneur nous stimule à faire du
mieux que nous pouvons. Je pense à cette femme qui avait
subi l’échec de son mariage durant lequel elle avait avorté ;
elle s’est ensuite remariée et elle vit à présent sereine avec
cinq enfants. L’avortement lui pèse énormément et elle est
sincèrement repentie. Elle aimerait aller plus loin dans la vie
chrétienne : que fait le confesseur ?
Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à
l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes
contraceptives. Ce n’est pas possible. Je n’ai
pas beaucoup parlé de ces choses, et on me l’a reproché. Mais
lorsqu’on en parle, il faut le faire dans un contexte précis. La
pensée de l’Église, nous la connaissons, et je suis fi…ls de l’Église,
mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence.
Les enseignements, tant dogmatiques que moraux, ne
sont pas tous équivalents. Une pastorale missionnaire n’est
pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude
de doctrines à imposer avec insistance. L’annonce de type
missionnaire se concentre sur l’essentiel, sur le nécessaire,
qui est aussi ce qui passionne et attire le plus, ce qui rend le
cœur tout brûlant, comme l’eurent les disciples d’Emmaüs.
Nous devons donc trouver un nouvel équilibre, autrement
l’édi…fice moral de l’Église risque lui aussi de s’écrouler
comme un château de cartes, de perdre la fraîcheur et le
parfum de l’Évangile. L’annonce évangélique doit être plus
simple, profonde, irradiante. C’est à partir de cette annonce
que viennent ensuite les conséquences morales.
Je dis cela en pensant aussi à notre prédication et à son
contenu. Une belle homélie, une vraie homélie doit commencer
avec la première annonce, avec l’annonce du salut. Il n’y a
rien de plus solide, de plus profond et sûr que cette annonce.
Ensuite il faut faire une catéchèse, en tirer une conséquence
morale. Mais l’annonce de l’amour salvi‡fique de Dieu est premier
par rapport à l’obligation morale et religieuse.
Aujourd’hui, il semble parfois que prévaut l’ordre inverse.
L’homélie est la pierre de touche pour évaluer la proximité et
la capacité de rencontre d’un pasteur avec son peuple, parce
que celui qui prêche doit connaître le cœur de sa communauté
pour chercher où le désir de Dieu est vivant et ardent.
Le message évangélique ne peut être réduit à quelques-uns de
ses aspects qui, bien qu’importants, ne manifestent pas à eux
seuls le cœur de l’enseignement de Jésus. »