Le pape François plaide pour l’accueil des migrants à Lesbos

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Sur le vol le ramenant de Lesbos à Rome, le pape François commente un dessin d’un enfant du camp de Moria : « (…) il y a un soleil qui pleure : le soleil aussi est capable de pleurer… Pleurer nous ferait aussi du bien ».

 
Le pape François s’est donc rendu dans l’île grecque de Lesbos pour y visiter un camp de réfugiés du Proche-Orient. Voyage décidé dans l’urgence, organisé en un temps record, comme s’il y avait soudain péril en la demeure alors que la crise des migrants dure déjà depuis plusieurs années, et qu’elle s’est accentuée il y a plus d’un an. Le pape a indiqué avoir répondu à la suggestion d’un collaborateur, qu’il a prise pour une injonction du Saint Esprit. Sur place il a plaidé pour l’accueil des migrants dans l’Europe, terre des droits de l’homme, et il est allé jusqu’à en ramener douze au Vatican, où ils seront pris en charge par la communauté Sant’Egidio aux contours étranges.
 
Les douze réfugiés en question – il s’agit de trois familles – sont tous musulmans. Parmi les candidats au voyage de Rome il y avait également deux familles chrétiennes. Tous avaient vu leur maison détruite par des bombardements à Damas, en Syrie. Pourquoi avoir choisi des musulmans ? Le pape François a assuré que cela ne relevait pas d’une démarche volontaire, mais que tout simplement les papiers des familles chrétiennes n’étaient pas encore en règle.
 

A Lesbos, le pape François plaide pour l’« accueil »

 
Il est difficile de croire pourtant que les autorités grecques n’eussent pas facilité le départ de chrétiens orientaux qui sont directement menacés par une persécution violente. La preuve ? Le pape a rapporté combien il avait été ému par les larmes d’un veuf syrien, musulman, père de deux enfants : « Ils s’aimaient et se respectaient mutuellement. Mais hélas cette jeune femme a été égorgée par des terroristes, parce qu’elle n’a pas voulu renier le Christ et abandonner sa foi. C’est une martyre! Et cet homme pleurait tant. »
 
Le choix, donc, de réfugiés musulmans ne saurait être interprété que comme un message par les musulmans des pays où la situation des chrétiens est aujourd’hui si précaire, et souvent tragique. N’allons pas croire que l’accueil réservé à leurs coreligionnaires par la plus haute autorité de l’Eglise romaine va induire un changement radical du regard islamique sur le christianisme. Dans les chrétiens, l’islam voit les héritiers des croisades. Et en l’Europe, l’islam voit une terre perdue à reconquérir. Si le pape François, chef de cette religion qui, aux yeux des musulmans, a formé ces terres aujourd’hui oublieuses de Dieu et des plus simples exigences de la morale, accueille des musulmans à bras ouverts, c’est bien qu’ils ont raison de s’y presser. Politiquement, c’est un désastre. Religieusement on ne peut que prier pour que Dieu donne largement des grâces de conversion aux musulmans qui sont effectivement arrivés en terre chrétienne.
 

L’accueil des migrants, un devoir de charité ?

 
A Lesbos, le Saint-Père a salué un à un 300 réfugiés d’Irak, d’Afghanistan, de Syrie, mais aussi d’Afrique et d’autres pays. Démarche de solidarité qui tient compte de toutes les raisons de ces déracinements : il y a les horreurs de la guerre, mais aussi la recherche de prospérité, le pape ne l’a pas caché, évoquant dans son discours aux migrants leur « recherche d’une vie meilleure ».
 
En fait le pape part du principe d’une fraternité universelle, qui a sa part de vérité puisque nous sommes tous des êtres humains créés par Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit et appelés à partager sa vie dans l’éternité. Mais le surnaturel ne chasse pas la nature, la réalité des patries, le besoin de protection et d’organisation qui exige d’une façon ou d’une autre existence de murs ou de barrières, de frontières, juridiques ou matérielles. Le pape a de nouveau dénoncé les murs. Il a rappelé le devoir de charité du chrétien, ce qui est son rôle et son devoir, mais le spirituel abuse de son pouvoir lorsqu’il prétend régler le temporel. Le pape n’est pas chargé du bien commun temporel des nations et ce n’est pas à lui de leur dicter leur conduite, qui plus est de manière singulièrement imprudente.
 

Le pape François veut de l’intégration et des réformes économiques

 
En accusant l’Europe d’avoir failli dans son devoir d’intégration, le pape oublie que l’Eglise a elle aussi un devoir qui aurait pu rendre moins lourds les problèmes causés par une immigration massive : celui de considérer chaque immigré, non comme une statistique mais comme visage, un être humain, une personne en attente de la vérité que l’Eglise est chargée d’enseigner à toutes les nations. Le pape a évoqué les problèmes économiques aussi bien dans les pays d’émigration que dans les pays d’immigration, appelant à des réformes économiques, mais la conversion des cœurs et l’adhésion à la vérité ne sont-elles pas des moyens plus efficaces pour régler les problèmes du monde ?
 
Le pape était accompagné du patriarche orthodoxe de la Grèce Ieronymos et du patriarche Bartholomée de Constantinople. Tous trois ont prié publiquement pour les victimes de la migration. Les orthodoxes ont intercédé pour le repos de l’âme de ceux qui sont morts dans des circonstances tragiques lors de leur voyage vers l’Occident. Le pape François a plutôt invité à ne pas les oublier, « en honorant leurs sacrifices par des actes plutôt que par des paroles ». Les observateurs ont noté le ton plus politique de sa prière, appelant au partage des biens au cours de notre voyage vers notre vraie demeure, Dieu lui-même, « tous migrants », « une famille humaine » en marche vers le même but. À cette aune, les différences nationales et religieuses ne comptent en effet plus guère. Pas même pour le salut éternel.
 

A Lesbos, les migrants servent de catalyseur au discours politique du pape François

 
La déclaration conjointe avec les deux patriarches avait un ton moins politique, œcuménisme oblige. On ne va certainement pas reprocher au pape de rappeler que face à la souffrance nous devons nous en rapporter aux « paroles du Seigneur, sur lesquelles nous serons jugés un jour : “Car, j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi… Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 35-36.40). »
 
Mais cela ne peut jamais obliger à mettre en péril grave les pays d’Europe, qui se heurtent à des différences de culture et des périls terroristes qu’on ne peut balayer à coups de bons sentiments.
 
On notera que vendredi, à la veille de son départ pour Lesbos, le pape a reçu en audience le président de la Bolivie, Evo Morales, pour une rencontre qui s’est déroulée selon Radio Vatican « dans un climat cordial, (…) avec une considération spéciale pour les politiques sociales ». Evo Morales fait partie de cette gauche sud-américaine proche du marxisme et de la théologie de la libération, avec un programme économique et social fortement teinté d’une dimension spirituelle indigène, honorant la « Terre Mère » et promouvant l’écologie religieuse, pour détourner l’expression maurassienne de « démocratie religieuse ».
 
Evo Morales participe actuellement au symposium organisé par l’Académie pontificale des sciences sociales autour de l’encyclique sociale de Jean-Paul II, Centesimus annus. Avec de tels experts, on comprend mieux les prises de position politiques et religieuses que multiplie le pape François.
 

Anne Dolhein