Vers une perpétuité effective pour les terroristes ?

Perpétuité effective terroristes
Les lois en France n’étant pas rétroactives, Salah Abdeslam ne tomberait pas sous le coup d’un tel texte.

 
Si la réclusion criminelle à perpétuité existe déjà réellement en France, les députés ont voté, au début du mois, la possibilité pour une cour d’assises de prononcer une « perpétuité dite incompressible » à l’encontre des auteurs de crimes terroristes. Cette extension d’une perpétuité effective a pris, de fait, une importance croissante dans le débat autour d’un terrorisme dont on se demande aujourd’hui s’il n’est pas devenu une réalité quotidienne, du fait de l’incurie politique des dirigeants européens.
 
Certes, la réclusion criminelle à perpétuité existe déjà en France – c’est-à-dire sans période de sûreté au-delà de laquelle une libération est envisageable. Elle a été introduite dans le Code pénal, en 1994, par Pierre Méhaignerie, garde des Sceaux du gouvernement Balladur, à la suite du meurtre d’une petite fille. Elle peut être prononcée aux assises à l’encontre d’un accusé quand la victime est âgée de moins de 15 ans et que le crime a été accompagné de viol ou d’actes de torture et de barbarie. En 2011, les meurtriers de « personnes dépositaires de l’ordre public » sont venus s’ajouter à la liste des personnes contre qui elle peut être effectivement prescrite.
 

Quelle peine pour les terroristes ?

 
A l’heure actuelle, trois criminels particulièrement dangereux sont sous le coup d’une perpétuité incompressible : Nicolas Blondiau, violeurs et meurtrier en 2011 d’une fille de 8 ans, le tueur en série Michel Fourniret, et Pierre Bodein, « Pierrot le fou », meurtrier notamment, avec un raffinement de cruauté, de la petite Jeanne-Marie Kegelin.
 
L’Assemblée nationale souhaite donc étendre le champ d’application de cette mesure aux crimes terroristes, ce qui ne concernerait de toute façon pas Salah Abdeslam, les lois n’étant pas rétroactives en l’occurrence, parce qu’elles visent à durcir l’arsenal répressif. A noter toutefois que la loi prévoit qu’après trente ans d’incarcération, un tribunal de l’application des peines peut mettre fin à cette période de sûreté perpétuelle.
 
Depuis les attentats de Bruxelles ces derniers jours, le débat a été relancé, notamment par le député Républicains Nathalie Kosciusko-Morizet. « Je pense que nous devons modifier le système pour avoir des peines de perpétuité effective, c’est-à-dire des peines de sûreté perpétuelle », a déclaré la candidate à la primaire de droite.
 
De son côté, le député Républicains Bruno Le Maire, lui aussi candidat à la primaire de la droite, a estimé que « la perpétuité réelle mérite débat et mérite examen ».
 

Perpétuité effective pour les plus dangereux

 
A gauche, une réflexion s’est ouverte sur la question. Mardi devant les députés, Manuel Valls s’est dit prêt à examiner cette proposition : « Il faut sans doute que ces condamnations soient encore plus lourdes. » De son côté, Ségolène Royal a estimé que l’idée méritait réflexion : « Cette proposition, il est tout à fait légitime de la regarder, de l’examiner et d’en débattre et de voir comment, éventuellement, elle peut être retenue dans le contexte actuel. »
 
La chose peut paraître curieuse, tant, ces dernières années, on a insisté, ici et là, pour nous dire que la perpétuité n’était pas digne de notre civilisation. En l’état actuel, cela signifierait qu’il faut, un jour ou l’autre, libérer des gens qui sont considérés comme des fous dangereux, et dont ceux qui les ont étudiés estiment que, une fois libres, ils recommenceront, comme cela a déjà été le cas.
 

La question qui… tue

 
Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas de réponse à cette situation délicate ? Pas précisément. Mais il y a un tabou : celui de la peine de mort.
 
Il n’est pas nécessaire de sursauter. Il est arrivé à plusieurs reprises que des condamnés à perpétuité, devant l’inhumanité d’une peine sans avenir, demande le rétablissement de la peine capitale à leur profit. Les exemples existent dans plusieurs pays : aux Etats-Unis, en Italie… et en France.
 
Le 16 janvier 2006, dix détenus de la centrale de Clairvaux ont ainsi signé une lettre appelant au « rétablissement effectif de la peine de mort pour nous ».
 
Ces hommes, condamnés pour crimes graves, ajoutaient : « Assez d’hypocrisie ! Dès lors qu’on nous voue en réalité à une perpétuité réelle, sans aucune perspective effective de libération à l’issue de notre peine de sûreté, nous préférons encore en finir une bonne fois pour toutes que de nous voir crever à petit feu. »
 
A quoi songent ceux qui refusent de les entendre ?
 

François le Luc