La pollution lumineuse avancerait-elle le début du printemps ?

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Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs britanniques estime possible que la « pollution lumineuse » provoquée par l’éclairage public urbain ait pour conséquence d’avancer le début du printemps, notamment dans les grandes villes. On constate dans de nombreux endroits que les arbres bourgeonnent plus tôt. L’éclairage public, qui a pour effet de « troubler » les arbres par rapport au cycle solaire, variable d’un lieu à l’autre, semble être en étroite relation avec l’avancement du printemps d’une semaine environ dans certains endroits.
 
Ainsi les arbres exposés à une luminosité qui n’est pas naturelle ne « perçoivent » plus correctement l’allongement des jours et réagissent comme si le calendrier était bouleversé. Leur « erreur » peut atteindre jusqu’à 7,5 jours dans les parties les plus éclairés du Royaume-Uni. On a des raisons de croire que ce bourgeonnement hâtif des arbres a des conséquences sur les autres plantes et sur le règne animal.
 

Une étude britannique fait le lien entre début de printemps précoce et pollution lumineuse

 
L’étude, la première à évaluer à grande échelle les effets de la pollution lumineuse sur les plantes et les arbres, portent sur des données relevées sur une période de 13 ans, recueillies grâce à la collaboration de « citoyens scientifiques » qui ont bénévolement consigné les dates de bourgeonnement les différentes espèces – platanes, chênes, frênes et hêtres.
 
Pour le Woodland Trust, une association pour la protection des zones boisées, l’urbanisation croissante exerce une réelle pression sur le monde de la nature, « de manière tout à fait imprévue », note une responsable scientifique. Elle espère que les nouvelles données vont permettre de prendre des décisions plus respectueuses de l’environnement.
 
« Alors qu’il devient plus difficile de prédire les saisons, notre faune native pourrait bien se trouver en difficulté d’adaptation par rapport aux fluctuations affectant habitat et sources de nourriture », souligne Kate Lewthwaite. Certains papillons de nuit hivernaux, qui se nourrissent des premières feuilles des chênes et qui à leur tour assurent le « quotidien » de plusieurs types d’oiseaux, pourraient par exemple en être affectés. Les chenilles, très dépendantes d’une synchronisation avec les saisons pourraient finir par éclore trop tard par rapport au bourgeonnement des feuilles qui les nourrissent.
 

Plus il y a d’éclairage urbain, plus le printemps est avancé

 
L’étude montre un lien de corrélation et non de causalité : pour établir ce dernier, il faudra des études plus poussées, qui confirmeront peut-être ce que suggèrent les données sur un bourgeonnement plus précoce dans les zones les plus éclairées.
 
Elle prouve aussi l’extraordinaire complexité et l’interdépendance de la nature dont les merveilles peuvent être abîmées par un comportement qui en contredit les règles.
 
L’éclairage public, souvent agressif, prive également les hommes des splendeurs de la Création : aujourd’hui un tiers de l’humanité ne peut plus voir la Voie lactée, dont la lumière est trop ténue pour concurrencer néons et autres LED encore plus aveuglants, quoiqu’« écolos » – en Europe, 60 % des habitants sont concernés. A Washington, on ne voit plus qu’une douzaine d’étoiles par nuit claire.
 

La pollution lumineuse prive 60 % des Européens de la Voie lactée

 
L’éclairage urbain, en brouillant la perception humaine de la longueur des jours pourrait également troubler les rythmes circadiens qui gouvernent les temps de veille, de sommeil, de l’appétit, et de la production d’hormones. Cet éclairage urbain – hormis peut-être pour des besoins de sécurité – n’est pourtant pas indispensable à l’homme, surtout là où il est excessif. Quelle joie d’habiter un village campagnard où l’éclairage public s’éteint avant minuit, laissant se déployer la splendeur du ciel étoilé…
 
Mais au-delà de ces considérations esthétiques, il faut souligner une réalité que l’étude britannique ne semble pas vouloir mettre en avant. On ne peut tout mettre sur le compte du « réchauffement climatique », volontiers accusé d’un dérèglement des saisons : bouc émissaire en même temps qu’épouvantail universel.
 

Anne Dolhein