Malgré ses faiblesses, Poutine demeure l’homme fort de la Russie

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Nouveau discours, devant les deux chambres de l’Assemblée fédérale, de Vladimir Poutine, lundi, pour répondre aux attaques dont il est l’objet, quasi quotidiennement, de la part des Américains et, plus généralement, de l’ensemble des Occidentaux. Pour montrer aussi, et éventuellement démontrer, que, malgré ses faiblesses notamment dans le domaine économique, il demeure l’homme fort de la Russie. Mieux sans doute : que la Russie ne demeure forte, sur le plan international, que grâce à Poutine.
 
Passé maître, tel un joueur d’échecs, dans l’art d’anticiper les coups de son adversaire, le président de la fédération de Russie a ainsi fait part, lundi, de son « étonnement » après avoir pris connaissance – et divulgué… – des chiffres du commerce avec l’Union européenne et les Etats-Unis. En faisant lecture de ces chiffres, en effet, Vladimir Poutine a clairement insinué que les Américains profiteraient, au détriment des Européens, des sanctions infligées contre la Russie…
 

Les faiblesses des relations économiques

 
Car, si le président russe a annoncé que le commerce entre la Russie et l’Union Européenne avait bien baissé sous l’effet des sanctions, il a noté, dans le même temps, que celui avec les Etats-Unis avait au contraire augmenté. « Lorsque j’ai regardé les statistiques aujourd’hui, certaines choses m’ont surpris », a-t-il déclaré. « Les échanges commerciaux avec l’Union européenne ont chuté de 4,3%, et les importations ont aussi diminué de l’ordre de 7, 8, 10% selon les pays. » Vladimir Poutine a ainsi indiqué que la situation continuait à se « dégrader » tout spécialement avec Berlin, alors que l’Allemagne constitue l’un de ses principaux partenaires en Europe.
 
A l’inverse donc, les échanges commerciaux ont augmenté, d’après les mêmes chiffres, de 7% entre la Russie et les Etats-Unis. Les importations en provenance des Etats-Unis auraient même grimpé jusqu’à 23 %…
 
Moscou insinue donc que les Européens sont les grands perdants de la crise ukrainienne, et des sanctions qui frappent la Russie, et ce au profit des États-Unis. Alors même que ces derniers ont justement poussé l’Union européenne à accélérer le rythme des sanctions à l’encontre de la Russie. Cherchez l’erreur…
 

Les Européens demeurent dans les pas des Américains

 
Quoi qu’il en soit, si cela n’est pas bon pour les Russes, comme le reconnaît Vladimir Poutine, ce ne peut être meilleur pour les Européens. « Je vous assure, a expliqué le président russe, que personne n’a intérêt à se retrouver dans la situation actuelle, notamment en Europe. Nos échanges commerciaux avec les pays européens baissent, encore qu’il s’agisse de notre partenaire économique et commercial essentiel. »
 
Pour se faire bien comprendre, le président russe a précisé que la cause de cette situation n’était pas essentiellement le pétrole, ni les hydrocarbures en général. Il a évoqué, au contraire, certains développements dans la sphère monétaire et de crédit.
 
Mais, là encore, la Russie n’a pas trop à craindre de la bataille spéculative. Si le rouble a souffert des sanctions occidentales, et également de la crise pétrolière, Moscou a les reins suffisamment solides pour résister à cette nouvelle pression. D’abord, parce que la Russie dispose d’un important stock d’or, à savoir quelque 6% de sa masse monétaire ; ensuite, parce que sa dette publique est relativement faible : de l’ordre de 9% de son PIB – de quoi faire rêver la France ; en outre, elle dispose de réserves de change importantes, de l’ordre de 420 milliards.
 

Le moral de l’homme fort de la Russie

 
Enfin, et peut-être surtout du point de vue psychologique notamment, la spéculation ne lui fait pas peur. Comme l’expliquait l’économiste français Jacques Sapir il y a quelques jours : « On achète du dollar en vendant des roubles en début de journée, et ce mouvement fait chuter le rouble, puis on revend ces dollars, provoquant une légère remontée, mais qui reste à un niveau inférieur à celui auquel on les a acheté. Le spéculateur est ainsi gagnant. Songeons qu’il a pu acheter des dollars entre 63 et 65 roubles et les vendre entre 77 et 72 roubles, empochant ainsi un beau bénéfice. Mais, ce mercredi 17 c’est un tout autre scénario. Les achats de dollars se font entre 69 et 71 roubles, dans l’espoir de vente au-delà de 80 roubles. Mais, l’intervention de la Banque Centrale fit remonter le rouble qui à 8 h 00 est à 63 roubles pour 1 dollar. Les spéculateurs sentent que la situation leur échappe et ils multiplient les achats, faisant chuter le rouble un instant, mais l’intervention de la Banque Centrale et du Ministère des Finances sature le marché, le rouble s’apprécie, et les contrats se dénouent entre 62 et 60,5 roubles pour un dollar, ce qui entraine des pertes énormes pour les spéculateurs. »
 
On le voit : de part et d’autre, le jeu spéculatif a cours, chacun annonçant la défaite de son adversaire. Et, de fait, le rouble a perdu plus de 50% de sa valeur depuis le début de l’année 2014. Et les Américains comme les Européens d’applaudir…
 

Le « niet » de Vladimir Poutine

 
Mais, même si son analyse politique ou économique peut être fausse, les nerfs politiques de Vladimir Poutine sont manifestement d’une autre trempe que ceux d’un Barak Obama ou d’un François Hollande. S’exprimant samedi à l’occasion de la Journée des travailleurs des agences de sécurité, le patron du Kremlin a reconnu la nécessité de passer par « certaines difficultés » afin de parvenir à « donner une réponse adéquate à toutes les menaces contre la souveraineté, la stabilité et l’unité de la société ».
Et de lancer, comme un défi : « La Russie paye cher sa position indépendante et son soutien à ses compatriotes, à la Crimée, à Sébastopol, et il semble parfois pour le simple fait que nous existons. »
 
On peut spéculer – intellectuellement – à l’infini. Rien ne semble pourtant entamer le moral de Vladimir Poutine : « Evidemment, personne ne parviendra à nous intimider, à contenir ou à isoler la Russie. Personne n’y est jamais parvenu et personne n’y parviendra jamais. »
 
Apparemment, le peuple russe est d’accord.
 
Et on aimerait qu’un président français soit capable d’en dire autant…