Des professeurs d’université verraient bien le président des Etats-Unis entouré d’un conseil d’historiens

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Niall Ferguson

 
L’idée est celle des professeurs Graham Allison et Niall Ferguson, tous deux de Harvard : ils viennent d’appeler solennellement le prochain président des États-Unis, quel qu’il soit, à créer une commission de conseillers historiens qui auraient la tâche de l’aider à s’attaquer aux problèmes contemporains en regardant d’abord le passé. Ce conseil des meilleurs historiens des Etats-Unis – mais comment les choisirait-on ? – compenserait l’ignorance abyssale des leaders actuels des pays, dont les deux professeurs affirment qu’ils ont un manque de connaissance alarmant quant à l’histoire de leur propre pays et de celle du monde.
 
Cette inculture ne frappe pas seulement des candidats à la Maison-Blanche, mais un grand nombre des hauts responsables actuels des États-Unis, assurent-ils.
 

Une commission d’historiens pour conseiller le président des Etats-Unis ?

 
Il appartiendrait ainsi à la commission d’historiens, en cas de lutte contre un groupe terroriste par exemple, d’écumer les archives pour trouver les formations similaires, et de vérifier quelles stratégies se sont avérées efficaces par le passé pour en venir à bout. Ou encore de s’intéresser aux crises financières de jadis pour en tirer les leçons et présenter celles-ci au locataire du moment de la Maison-Blanche, le moment venu.
 
On a d’emblée envie de se demander comment il est possible que cela ne se fasse pas déjà. Mais s’il faut en croire les deux professeurs, il y aurait aujourd’hui pléthore de tâches pour une commission de spécialistes d’histoire appliquée, à l’heure où le « déficit d’histoire » dans les hautes sphères du pouvoir s’est manifesté, entre autres, à travers le manque de juste appréciation de ce qui se passe au Proche-Orient, et des implications de la présence américaine dans ces régions.
 
Sans surprise, ni les responsables de campagne de Hillary Clinton ni ceux de Donald Trump n’ont répondu à l’interpellation lancée début août dans le cadre d’un manifeste public. La Maison-Blanche elle-même n’a pas voulu faire de commentaire.
 

Connaître le passé pour comprendre le présent : le rôle du conseil d’historiens

 
Le député Tom Cole, élu républicain de l’Oklahoma et lui-même professeur d’histoire estime que la commission n’aurait d’intérêt que si les présidents étaient prêts à l’écouter ; mais pour autant il est favorable à l’idée, assurant que la plupart des responsables politiques ne comprenne pas l’importance qu’il y a à prendre des décisions fondées sur une bonne connaissance de l’histoire.
 
D’autres soulignent combien il serait difficile à des professeurs d’histoire de parvenir à un consensus sur un problème donné ; pour Jon Alterman, du Center for Strategic and International Studies, un think tank américain, et ancien membre du cabinet de George W. Bush, il y a aujourd’hui « de moins en moins d’historiens qui étudient l’histoire qui pourrait être utile aux personnes chargées de prendre des décisions politiques ».
 

Deux professeurs de Harvard favorables à un conseil d’historiens pour éviter les erreurs du passé

 
Cela dit, tout le monde trouve normal que des conseillers économiques, dont le consensus est tout aussi illusoire, assistent le président des Etats-Unis dans sa tâche – encore que les faits ne démontrent pas que ses décisions soient toujours parfaites pour autant !
 
Du moins la proposition peut-elle faire renaître l’intérêt pour les études d’histoire appliquée, aujourd’hui en disgrâce, sans doute dans la mesure où il est de bon ton de croire en un sens de l’histoire et à un « progrès » inéluctable interdisant tout retour en arrière.
 
Pour ce qui est de bien comprendre le passé pour mieux affronter le présent, c’est une notion finalement assez réactionnaire. Sans elle, on peut allègrement ouvrir les frontières, s’accommoder d’une dénatalité catastrophique et favoriser la corruption des mœurs sans comprendre qu’on se prépare le sort de la Rome décadente face aux Barbares.
 

Anne Dolhein