Le président de la Roumanie a rejeté la nomination de la musulmane Sevil Shhaideh comme Premier ministre

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D’origine tatar et de religion musulmane, Sevil Shhaideh avait été proposée par les vainqueurs des dernières élections législatives.

 
Elle est la candidate des sociaux-démocrates du PSD roumain, le parti de gauche qui vient de remporter les élections en Roumanie. La musulmane Sevil Shhaideh, 52 ans, est implantée de longue date dans le pays mais cette femme d’origine turque, ancien ministre, a été blackboulée par le président Klaus Iohannis, sans que celui-ci ne donne le motif précis. Pour la presse, c’est bien l’identité religieuse de la candidate qui a conduit à son rejet, et plus encore ses liens conjugaux : elle est mariée avec un homme d’affaires syrien.
 
C’est par une déclaration télévisée que le président de la Roumanie a fait savoir son refus mardi en déclarant, laconiquement : « J’ai dûment analysé les arguments pour et contre et j’ai décidé de ne pas accepter cette proposition. J’appelle la coalition PSD à faire une autre proposition. »
 

La musulmane Sevil Shhaideh ne sera pas Premier ministre de Roumanie

 
Ledit PSD a remporté l’élection législative le 11 décembre dernier en rassemblant 45 % des voix qui lui donnent, avec son allié de toujours, l’ALDE, la majorité absolue de 250 des 465 sièges que totalisent les deux chambres du Parlement roumain. En théorie, cette majorité assure l’élection automatique du leader du parti au poste de Premier ministre. Mais Liviu Dragnea c’est retiré de la course parce qu’il est sous le coup d’une condamnation pénale de deux ans avec sursis, pour fraude électorale.
 
Mme Shhaideh, qui fait partie de la petite communauté de 65.000 musulmans présente sur le territoire roumain, a une expérience politique limitée. Elle a été ministre du développement pendant six mois dans le précédent gouvernement PSD qui avait démissionné fin 2015. Mais elle est très proche de Dragnea à titre personnel. Celui-ci était témoin lors de son mariage en 2011, raison pour laquelle l’opposition la voit comme une possible marionnette du leader en délicatesse avec la justice. Mais surtout, ce mariage avec un homme d’affaires syrien dérange : selon le projet « Rise », qui fait partie d’un projet communautaire de journalistes d’enquête travaillant sur le crime organisé et la corruption (Organised Crime and Corruption Reporting Project), il n’a pas hésité à poster des messages favorables à Bachar al-Assad sur sa page Facebook, rapporte Al-Jazeera. L’homme serait également favorable au mouvement chiite libanais, le Hezbollah.
 

Le président de la Roumanie a rejeté la nomination de l’épouse d’un Syrien pro-Bachar

 
Il a travaillé pendant 20 ans au ministère syrien de l’agriculture avant d’émigrer vers la Roumanie en 2011 et d’y épouser Shhaideh la même année, selon les explications données par le parti de son épouse. Et ce sont les services de sécurité qui auraient sérieusement mis en garde le président roumain à ce propos. Membre de l’OTAN, la Roumanie ne saurait avoir un Premier ministre qui aurait un pied dans ce camp-la, ce qui fait dire à certains analystes que les Etats-Unis pourraient bien être derrière la décision de Iohannis de rejeter la nomination de Sevil Shhaideh.
 
En attendant, la Roumanie va peut-être au-devant d’une nouvelle crise politique, Liviu Dragnea ayant indiqué que son parti pourrait demander la destitution du président qu’il accuse d’avoir pris une décision sans fondement constitutionnel en refusant sa candidate. Le PSD et l’ALDE pourraient profiter de leur majorité parlementaire pour suspendre Klaus Iohannis et appeler un référendum en vue de l’écarter du pouvoir. Mais des initiatives similaires visant jadis le président Traian Basescu en 2007 et 2012 avaient capoté, faute de participation suffisante aux référendums appelés par le PSD.
 
Reste à dénoncer la Roumanie comme raciste et coupable de discrimination…
 

Anne Dolhein