En procès, la NSA s’excuse d’avoir détruit des preuves qu’elle se devait de conserver dans le cadre de son programme de surveillance

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Elle avait dit qu’elle conserverait ces preuves et assuré plusieurs fois, même, qu’elle le faisait bien. Pourtant la NSA, poursuivie dans un procès par des plaignants pour une surveillance qui outrepassait les droits de son programme, a déclaré avoir malencontreusement détruit ces preuves : une partie a été « retrouvée », l’autre demeure perdue… Incapacité ou duplicité ? Pour une agence gouvernementale, l’un comme l’autre sont très ennuyeux.
 
Une petite affaire qui n’a pas empêché Trump et le Congrès de ré-autoriser le programme de surveillance sans mandat de la NSA qui l’autorise à collecter massivement les renseignements étrangers, mais aussi fatalement américains.
 

Quel est le comble pour la NSA ? De détruire ses preuves !

 
C’est Politico qui relaye l’histoire. Jeudi dernier, la NSA a déposé une requête auprès du juge Jeffrey White, de la Cour de district des États-Unis, en vue d’obtenir une prolongation de son délai pour se conformer aux demandes de production de pièces dans le cadre des poursuites qui la touchent.
 
Son problème : une grande partie des données demandées ne peuvent plus être localisées… bien que l’agence fut soumise à une ordonnance du tribunal pour les conserver !
 
Le contenu des messages Internet interceptés sur l’ordre de l’ancien Président américain George W. Bush entre 2001 et 2007 (conséquence des attentats terroristes de 2001) aurait été tout bonnement effacé. Et, cerise sur le gâteau, l’agence n’a pas non plus de copies des bandes de sauvegarde, car elles ont été effacées en 2009, 2011 et 2016.
 
« La NSA regrette sincèrement de ne pas avoir pu empêcher la suppression de ces données. Pleinement consciente de cet échec, elle s’engage à prendre des mesures rapides pour répondre à cette perte ». Elle assure que l’impact sur les procédures judiciaires sera limité, car elle a retrouvé des métadonnées pour la période de 2003 à 2007, qui permettront de déterminer si elle a intercepté quelqu’une des communications des demandeurs.
 
N’empêche, il n’y a pas tout. Le mal est fait… ou peut-être le bien en ce qui la concerne !
 

Plus de place pour les données gênantes ?

 
Sa défense, en l’occurrence ? Le manque de place. La suppression des données n’aurait pas été intentionnelle et se serait produite dans le cadre d’un effort pour libérer de la place de stockage pour de nouvelles données, nous dit Politico, cité par The New American, dans le cadre de l’amélioration des performances du système de sauvegarde.
 
Le pire, c’est que l’Agence rassurait régulièrement le tribunal sur le maintien de ces données ! En 2014, un responsable avait assuré que la NSA « préservait les bandes magnétiques / numériques du contenu Internet intercepté en vertu du Programme de Surveillance Présidentiel depuis la création du programme, » les stockant « dans les bureaux de son Avocat général ».
 
Aujourd’hui, l’Agence parle de déclaration malheureusement « partiellement exacte ».
 

Un procès voué à l’échec

 
Pour un des avocats de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), l’organisation en charge du litige, « c’est vraiment décevant ». « Cela montre que malgré votre intention de respecter des restrictions importantes, ce peut être très difficile à mettre en œuvre … Cela montre qu’avec l’énorme quantité d’informations qu’ils passent à l’aspirateur, il est impossible d’être méticuleux. »
 
C’est même plutôt scandaleux, car entre le manque de rigueur et le savant calcul, qui peut trancher ? En apprenant la nouvelle, l’ancien lanceur d’alerte de la NSA, Thomas Drake, a tweeté que l’agence « entravait la justice » : « A détruit des preuves de ses propres activités criminelles. Ce n’est pas un accident ».
 
Comme le rappelle Politico, « Le non-respect d’une décision de justice peut entraîner des accusations d’outrage au civil ou au criminel, ainsi que des sanctions contre la partie responsable ». Mais gageons que la NSA passera entre les mailles du filet.
 

Un programme de surveillance anticonstitutionnel

 
Malgré cette preuve supplémentaire de l’absence de tout contrôle exercé sur cette Agence, Trump et le Congrès ont pourtant ré-autorisé, le 19 janvier, le programme de surveillance de l’Internet sans mandat de la National Security Agency. La loi le renouvelle pour six ans et avec des changements minimes, permettant de recueillir des informations sur des étrangers à l’étranger, mais aussi, accessoirement, un nombre inconnu de communications d’Américains.
 
Pour Thomas Drake, ancien cadre supérieur de la NSA et lanceur d’alerte, c’est une décision secrète qui a été « légalisée a posteriori », « malgré les abus et violations connus, un pouvoir hors de contrôle et les failles cachées ». Sous prétexte de « sécurité nationale », on peut faire beaucoup. Même détruire, laisser détruire, ou simplement oublier de conserver des preuves. L’affront à la Constitution américaine est permanent.
 
Et c’est encore plus simple quand il n’y a pas de loi-paravent. Actuellement, explose la récupération des empreintes vocales, c’est-à-dire la reconnaissance des citoyens par leur voix, rigoureusement unique. En matière d’espionnage, cette capacité d’identification se révèle encore plus intéressante que le contenu même de la conversation. Or, s’il est interdit d’enregistrer le contenu de conversations tenues sur le sol américain sans mandat, il n’existe pas de législation fédérale concernant la récolte et le traitement de ces données purement vocalesLa technique précède toujours la loi – ça facilite le travail.
 

Clémentine Jallais