L’islam adapté à la spiritualité globale : le plaidoyer d’un Iranien

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Ramin Jahanbegloo est un philosophe iranien, partisan de la démocratie et du pluralisme. Il vit aujourd’hui au Canada, ayant eu en tant que dissident à subir des périodes de vexations et d’emprisonnement en Iran. Fort de ses liens culturels avec le monde islamique, il vient de publier sur le site The World Post un plaidoyer pour le visage « pluraliste » de l’islam : traduisez, « humaniste », ou mieux encore, « compatible avec la maçonnerie ». Il s’agit en fait d’imaginer un islam compatible avec la nouvelle forme de spiritualité globale, où toutes les religions sont les bienvenues – à la condition de renoncer à leurs dogmes, à leur prétention à la vérité.
 

Ramin Jahanbegloo publié par le « Huf »

 
Le texte, très révélateur, de Ramin Jahanbegloo a été publié sur un site qui résulte d’un partenariat : le Huffington Post, source considérée sérieuse, un peu comme Le Monde, et l’Institut Berggruen sur la gouvernance. Ce dernier est un laboratoire d’idées fondé en 2010 par Nicolas Berggruen, richissime homme d’affaires et collectionneur d’art. Le poids de cet institut est fonction de la qualité de ses membres : de Tony Blair à Pascal Lamy, il réunit grand nombre d’anciens chefs d’Etat du monde entier, des économistes et des entrepreneurs d’avant-garde. Des gens qui « comptent ».
 

L’islam et la libre pensée

 
Voici donc un philosophe iranien qui plaide pour une réponse négative à la question : « L’islam est-il incompatible avec la libre pensée ? »
 
Pour Jahanbegloo, l’opinion généralement partagée selon laquelle « l’islam est une religion de violence » – opinion pourtant interdite au peuple par les castes dirigeantes, faudrait-il ajouter – n’est qu’une « nouvelle forme d’intolérance et de barbarie ».
 
Car l’islam, tel Janus, dit-il « a deux visages » : tolérant et pacifique, ou intolérant et violent. « Les deux visages de Janus de l’islam sont inévitables (comme dans n’importe quelle autre religion), spécialement lorsque d’énormes transformations se produisent à une échelle globale sans précédent ». Et pour mettre en avant le visage « tolérant » de l’islam, il est sans doute bon de retourner au Coran et à la Sunna, mais il faut autre chose pour garantir la renonciation des « islamistes radicaux » à la violence et à « l’interprétation monolithique des textes religieux ».
 
On sait que le Coran, parole « incréée » d’Allah, ne souffre aucune interprétation, et que son application à la lettre caractérise la « gouvernance » des pays islamiques, alliés ou non de l’Occident, peu importe. Pour Jahanbegloo, l’important est que le monde musulman en arrive à accepter son propre « processus de civilisation », la « vitalité culturelle et le dynamisme » propres à l’islam que les « islamistes radicaux » sont en train de détruire en détruisant les « gênants symboles de la libre pensée ». « En vérité, leur culture de mort islamiste a résulté en la mort de la culture islamique », assure le philosophe. C’est donc qu’il existe une culture et une civilisation islamiques qu’il importe de sauvegarder, de même valeur que la culture et la civilisation d’autres religions, acceptables pourvu que celles-ci ne s’en prennent pas aux « symboles de la libre pensée »…
 

L’islam, les autres spiritualités et la spiritualité globale

 
« Si les musulmans veulent continuer de se tourner vers l’islam comme source d’identité personnelle et communautaire et guide moral, ils doivent réussir à dépasser le jeu des critiques réciproques. Ils doivent au contraire revitaliser les éléments de la philosophie, de la science et des arts islamiques dans un nouveau partenariat dialogique avec les membres d’autres spiritualités traditionnelles » : c’est un plaidoyer pour un islam modifié, qui se fonderait dans une spiritualité nouvelle, facteur de paix globale.
 
L’extrémisme musulman est un problème, reconnaît le philosophe. « Mais la plus grande part de la cruauté qui sévit dans le monde, y compris contre des musulmans, s’exerce au nom d’une vue réductrice de l’humanité. Ce processus de dégradation et de réduction est notamment fondé sur la présomption selon laquelle la qualité d’être humain implique d’appartenir à une division religieuse comme le christianisme, l’islam, l’hindouisme, le judaïsme ou le bouddhisme. Cependant, l’acceptation sans discussion d’identités religieuses ou culturelles comme mode uniques de la représentation des concepts d’humanité et de civilisation peut, évidemment, être non seulement une source de distorsion belligérante, mais aussi une négation des aspects essentiels de la “communalité” humaine. »
 

Pour la paix globale, partager les mêmes valeurs

 
Il faut que tous, les musulmans et les autres, « partagent les mêmes valeurs », qui devront s’exprimer dans « l’empathie et la négociation ». Et voici la phrase clef : « Les cultures de l’intolérance ne laissent quasiment aucune place au dialogue parce que celui-ci implique deux partenaires qui sont également libres de soutenir ce qu’ils pensent être vrai et juste. »
 

Le dogme, ennemi de la maçonnerie

 
Exit donc la vérité objective : « La question n’est pas celle de ce que nous devons croire, mais de ce que nous devons faire de nos croyances. » Elles doivent céder le pas au relativisme, quelles qu’elles soient…