Evaluation des systèmes scolaires

rapport PISA
I Le rapport PISA, qu’est-ce que c’est ?

Nous publions aujourd’hui le premier volet d’une enquête sur le rapport PISA récemment publié et l’exploitation faite par Vincent Peillon, intitulé « Le rapport PISA, qu’est-ce que c’est » ? La version 2012, produite par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a fait la une des médias français la semaine dernière. Le recul attendu de notre pays depuis 2009 a servi paradoxalement au ministre de l’éducation nationale à justifier sa politique de « refondation de l’école ». Mais personne n’a vraiment exposé ce que contient le rapport. La première question à se poser est : le rapport PISA, qu’est-ce que c’est ?
C’est une étude internationale menée depuis l’an 2000 tous les trois ans ; c’est dire que l’on dispose maintenant de cinq termes de comparaison. Y sont évalués, sur un échantillon de 510.000 élèves de quinze ans environ, leur niveau, les conditions socio-économiques dans lesquels ils se trouvent placés, et leur ressenti. Sont particulièrement examinées les performances moyennes des pays, mais aussi la performance des meilleurs et des moins bons, et ce que les auteurs nomment « l’équité », c’est à dire la relation entre la performance et le niveau socio-économique. Les meilleures notes moyennes (pour les maths) s’échelonnent entre 613 (Shangai) et l’Etat d’Alagoas, au Brésil.
Les mesures sont accompagnées d’interprétations et de préconisations. L’intention en est résolument économique : 34 pays de l’OCDE sont évalués, ainsi que 31 autres, le tout représentant 80% de l’économie mondiale. Le rapport parle de future compétitivité et de rapports de forces économiques. Le choix des mathématiques et de la compréhension écrite comme seules matières évaluées, avec les sciences, est une confirmation de ce parti pris idéologique et méthodique.
Mais ce n’est pas le seul parti pris.
Il y a par exemple dans les participants de grands absents, comme l’Inde et … la Chine ! Macao, Shangai , Hong Kong et Singapour, quatre grandes villes d’ethnie chinoise se trouvent dans le peloton de tête à la fois pour les performance et pour l’équité, mais on ne saurait évidemment en tirer le moindre enseignement sur la performance et l’équité du système scolaire chinois. Dans ce même ordre d’idées, le rapport présente en vrac villes, régions administratives comme la Campanie ou le pays de Galles, et pays, petits (Lichtenstein, bien placé) ou grands (USA, nettement au-dessous de la moyenne OCDE). Pour éviter de comparer des incomparables, il faut garder en tête que tous les grands pays développés se regroupent, pour les mathématiques, dans une zone comprise en gros entre vingt points de plus (Allemagne, 514) ou de moins (Etats-Unis, 481) autour de la moyenne (France, 495). Sauf un le Japon, loin devant avec 538.

L’incidence déterminante du travail

Malgré cela, et malgré les partis pris de méthode par lesquels plusieurs, dont les Français, s’estiment lésés, certains résultats ne souffrent nulle ambiguïté. Sur les 64 pays étudiés en mathématiques, 25 ont progressé depuis 2009, dont l’Allemagne, la Pologne, le Japon, et quinze seulement, dont la France ont régressé, A titre d’exemple, 31% des élèves coréens sont très performants en mathématiques, 15% en Finlande, 12% en France, 9% aux Etats-Unis…
On s’aperçoit en passant que la France est, avec la Hongrie, la Bulgarie, le Chili, l’Uruugay, le Pérou et la Slovaquie, le pays où l’équité est la moins respectée, c’est à dire où le niveau scolaire dépend le plus du milieu de l’élève. Au delà de ces particularités qu’il convient de relever pour ne pas mal interpréter, il y a toutefois des résultats très révélateurs dans l’échec ou la réussite de certains pays. Ce n’est pas une fatalité : parmi les grands pays, le Japon et la Corée montre qu’on peut conjuguer très bonne performance et très bonne équité.
Les méthodes pédagogiques ont leur incidence. La Finlande, par exemple, qui se distingue par une bonne performance moyenne accompagnée d’une bonne équité applique une discrimination salvatrice : les enfants en difficultés sont détectés le plus tôt possible et suivent un soutien renforcé. L’Allemagne réserve un traitement spécial aux élèves issus de l’immigration, surreprésentés parmi les élèves très en difficulté comme partout, en leur affectant des journées plus longues ou des groupes de travaux en plus : elle leur demande plus, pour s’adapter à l’école, et cela fonctionne : sa progression le prouve.
Par ailleurs tous les pays qui ont gratifié la fonction professorale en exigeant plus de pédagogie, en augmentant les salaires, en attirant les cerveaux ou en exigeant une formation continue ont de meilleurs scores.
Les résultats ne sont pas affectés par le niveau des budgets, mais par la liberté des enseignants. Selon le rapport « les établissements qui disposent de plus d’autonomie par rapport aux programmes de cours et aux évaluations tendent à afficher de meilleurs résultats que les établissements qui disposent de moins d’autonomie lorsqu’ils font partie de systèmes d’éducation ».
Intéressant également de noter que les élèves les plus persévérants et performants sont ceux pour qui l’on a de grandes ambitions, tandis que le manque de fermeté, d’autorité et le laxisme en matière d’absentéisme ou de retard sont facteurs d’échec. En revanche le ressenti des élèves n’influe pas, les écoliers coréens, finlandais, polonais et allemands se sentent mal à l’école, les Indonésiens, les Albanais et les Péruviens s’y sentent fort bien, mais ont des résultats déplorables.