Un nombre record de Danois quittent l’Eglise du Danemark

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Cathédrale de Ribe, la plus ancienne ville du Danemark.

 
On n’avait jamais vu cela au Danemark. Au deuxième trimestre de 2016, pas moins de 10.300 personnes ont volontairement quitté l’Eglise du Danemark, l’Eglise luthérienne officielle de cette monarchie nordique. C’est le chiffre trimestriel le plus important depuis 2007, date à laquelle on a commencé à tenir les statistiques officielles des départs volontaires des baptisés. Ce triste record – car il ne s’agit pas de conversions au catholicisme mais bien du choix de l’athéisme – serait dû au moins en partie à une campagne réussie de l’Association athéiste danoise. Ce sont tout de même des apostasies par rapport à un baptême au nom de la Sainte Trinité.
 
Entre avril et juin 2016, deux fois plus de Danois ont quitté l’Eglise du Danemark qu’au cours des trois mois précédents, et même quatre fois plus qu’au deuxième trimestre de 2015.
 

L’Eglise du Danemark ne mobilise plus les Danois

 
C’est au printemps que l’association des athéistes du Danemark, Ateistisk Selskab, a lancé une campagne publicitaire de grande envergure, avec affiches et bandeaux publicitaires sur les transports en commun posant des questions comme celles-ci : « Pourquoi croire en un dieu ? » « Pourquoi la foi devrait-elle entraîner des frais ? » « Jésus et Mahomet ont-ils parlé avec un dieu ? »
 
Ces questions sont intéressantes en elles-mêmes. Elles donnent une idée de l’ignorance religieuse dans un pays qui, comme tant de pays chrétiens d’Occident, a souffert d’un effarant manque de catéchèse et d’instruction religieuse de ses enfants, étant donné que la défaillance des églises chrétiennes protestantes n’y a rien à envier à celle de l’Eglise catholique sur ce plan. Elles rappellent rappelle combien il peut être astucieux d’en appeler au portefeuille : au Danemark comme dans l’Allemagne voisine, le principe de l’impôt ecclésiastique est toujours en vigueur, l’État se chargeant de sa collecte en même temps que celle de l’impôt sur le revenu. Enfin, mettre sur un même plan Jésus et Mahomet, dans un pays qui compte une forte population musulmane immigrée, c’est surfer sur la vague de la méfiance, voire du ressentiment à l’égard de l’islam.
 

Record d’apostasies des chrétiens du Danemark

 
La campagne publicitaire avait pour objet d’inciter les Danois à rendre visite à un nouveau site Internet, undmeldese.dk, pourvu d’un tutoriel simple et rapide pour formaliser leur départ de l’Eglise. Formulaires en ligne et autres aides à la paperasserie sont présentés sous l’angle du gain de temps et d’argent : selon l’association athéiste, quitter l’Eglise nationale économisera au Danois moyen la coquette somme de 133.000 couronnes danoises d’impôt ecclésiastique payé au cours d’une vie, soit près de 18.000 euros. « Vous pourriez consacrer cette somme à une cause que vous soutenez réellement », annonce le site, qui promet de formaliser un départ après remplissage d’un formulaire « méga simple », à envoyer par courriel d’un petit « clic » à son église d’appartenance.
 
Anders Stjernholm s’est dit enchanté du résultat de sa campagne, assurant que celle-ci donne la possibilité aux Danois d’exprimer ce qu’ils veulent vraiment. « Cela fait longtemps que nous voyons grâce aux enquêtes que peu de Danois sont des chrétiens pratiquants. Je vois tout cela comme exprimant le fait que les gens ne voient pas vraiment pourquoi il faudrait que nous ayons une institution comme l’Eglise du Danemark qui a une telle influence et qui nous prend notre argent. »
 

Ils quittent l’Eglise pour ne plus payer l’impôt

 
Les sujets du Danemark deviennent automatiquement membres de l’Eglise du Danemark, la Folkekirken, lorsqu’ils sont baptisés. Ils peuvent la quitter par notification écrite à leur paroisse de résidence, ou en se convertissant à une autre religion.
 
Le financement de l’église du Danemark se fait par l’impôt ecclésiastique automatiquement prélevé sur les contributions de ses membres : elle varie de 0,5 à 1,5 % selon les municipalités. Et l’Eglise est administrée par un ministère gouvernemental, l’Eglise et l’Etat n’étant pas séparés au Danemark.
 
Il y a pourtant un paradoxe : alors que les retraits de l’Eglise atteignent des records, le nombre de baptêmes est lui aussi en augmentation.
 

Anne Dolhein