Ces réfugiés syriens coincés dans une île d’Ecosse

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Ils sont arrivés au Royaume-Uni il y a huit mois. Aujourd’hui, ils se morfondent dans une île au large de l’Ecosse, entourés de « vieillards qui attendent la mort ». C’est le triste lot dont se plaignent plusieurs familles syriennes accueillies à Bute, 7.000 âmes. Un désenchantement qui révèle l’utopie d’une politique de bras ouverts à des populations qui n’ont pas de véritable avenir ici – à moins de devenir majoritaires. En attendant, ce sont des déracinés. Ce qui n’est bon pour personne.
 
Les familles accueillies à Bute ont profité d’un dispositif du ministère de l’Intérieur qui prévoit le placement de 20.000 Syriens au Royaume-Uni d’ici à 2020, un plan de « Réinstallation des personnes syriennes vulnérables » qui prévoit un statut de protection humanitaire valable cinq ans, assorti d’un permis de travail et de l’accès aux allocations publiques, tous frais payés pendant un an grâce à une subvention prise sur le budget de l’aide au tiers monde.
 

Sur l’île de Bute en Ecosse, la population « attend la mort »

 
Mais au bout de six ou sept mois dans l’île de Bute, deux familles se sont tournées vers les médias pour se plaindre de leurs conditions de vie. Bien sûr, disent-elles, les Ecossais ont été très accueillants. Le froid, la pluie, la bruine, le long hiver ? Abd, 42 ans, père de quatre enfants ne s’en plaint pas : il apprécie. Mais l’isolement, l’impossibilité de trouver un emploi, la difficulté d’apprendre l’anglais dans ces conditions, le sentiment de n’avoir rien à faire, le dépriment.
 
« J’ai l’impression de n’avoir plus qu’un choix : mourir ici. Mourir, il n’y a rien d’autre », dit-il : « Il n’y a pas de mouvement, il n’y a rien. Ce n’est même plus que je m’ennuie. Je suis en pleine dépression. » Il se sent « humilié » par les employés municipaux ; il a même bu une bouteille entière de whisky dans une tentative ratée de suicide… L’histoire ne dit pas s’il est musulman, bien que ce soit une information cruciale. Le chrétien d’Orient trouve forcément des repères en terre chrétienne.
 

Des réfugiés syriens pour prendre la place d’une population en voie de disparition ?

 
Le conseil d’Argyll et Bute fait partie des 16 autorités locales qui ont décidé de participer au plan de relocalisation des réfugiés syriens vulnérables. Abd, lui, rêvait de Londres ou de Manchester. Au pire, de Glasgow, où il s’est rendu régulièrement dans l’espoir de trouver un travail. Mais lorsqu’il parle à Bute de son désir de quitter l’île, on lui répond : « Nous avons dû dépenser beaucoup d’argent pour vous faire venir ici. » C’est comme une « assignation à résidence », se plaint Abd : « Je me sens humilié. Je ne suis pas venu ici pour qu’on me contrôle. »
 
La désillusion pourrait bien laisser la place à la colère… On ne s’étonne pas de voir Abd dire tout le bien qu’il pense du Royaume-Uni, « mère de la liberté ». Pays des droits. Il a fui un pays en guerre, sous la coupe d’une tyrannie autrement plus « humiliante » que celle d’un conseil municipal occidental.
 
Un autre couple, Hassan, 41 ans et Fatima, 31, et leurs deux filles sont tout aussi déçus. Ils avaient misé sur Glasgow et Manchester, et rêvaient de faire leur nouvelle vie là-bas – l’idée de pouvoir retourner un jour chez eux en Syrie ne semble pas les effleurer.
 
Ils seraient plus heureux, disent-ils tous, de vivre en un lieu où la population arabe serait plus importante, et les perspectives plus professionnelles. Leur logique est communautariste. Bute ne compte que 0,5 % de personnes appartenant à des « minorités ethniques ». Les « Syriens vulnérables » ne s’en contentent pas.
 

Anne Dolhein