Relation sexuelle entre un adulte et mineur de onze ans : une loi à refaire ?

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A Pontoise, le procès d’une relation sexuelle entre un adulte et un mineur de onze ans, une fillette, est reporté à février prochain : le parquet poursuit pour atteinte sexuelle, et la famille lui demande de requalifier les faits en viol. C’est la loi elle-même qu’il faut revoir.
 
Le cas n’est pas simple. Une fillette de onze ans a suivi chez lui un homme de vingt-huit ans, qui l’avait déjà abordée à deux reprises, et ils ont eu une relation sexuelle. Constatant que n’était alléguée par l’accusation « ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise », le parquet a poursuivi l’adulte, en appliquant strictement la loi, pour « atteinte sexuelle sur mineur de moins de quinze ans », la petite en ayant onze.
 

A onze ans, un mineur peut-il être consentant face à un adulte ?

 
Techniquement, l’incrimination est irréprochable, et l’on doit tenir pour simple fleur de rhétorique l’affirmation de l’avocate de la plaignante selon laquelle il y a eu viol parce qu’« il a menacé de ruiner sa réputation dans la cité s’il parlait ». On tiendra plus compte, déjà, de la description que fait la mère de la petite Sarah de sa fille, tétanisée, incapable de se défendre.
 
Et l’on s’interrogera surtout sur la loi elle-même. Elle considère toute relation sexuelle entre un adulte et un mineur de moins de quinze ans, même consentant, comme une atteinte sexuelle. Celle-ci est aggravée si l’adulte a des relations de famille ou d’autorité quelconque avec le mineur. Et, pour les mineurs en « très bas âge », la cour de cassation répute en tout cas la contrainte et requalifie la chose en viol. Mais, s’il n’y a pas contrainte apparente et si l’adulte n’a pas de liens particuliers avec le mineur, alors il y a une zone grise, qui va de onze à quinze ans, en gros la préadolescence et la prime adolescence.
 

Quand la relation sexuelle pédophile était une libération !

 
On sait que la question n’est pas considérée de la même manière partout. La majorité sexuelle, l’âge où un jeune peut décider de sa vie sexuelle, variant de treize ans en Espagne à dix-huit aux Etats-Unis. Et que le souci de la protection de l’enfant a beaucoup varié en quarante ans. J’ai rappelé ici même voilà quelques jours combien les intellectuels de gauche, Tony Duvert, Cohn-Bendit, Polac, Goupil et quelques autres se flattaient de leur pédophilie, combien la fleur de l’intelligentzia parisienne, de Sartre à Kouchner, Sollers, Glucksmann, Jack Lang et Simone de Beauvoir avait pétitionné en faveur de trois pédophiles, comment coucher avec un enfant était alors considéré par ce qui croit penser comme un acte de libération révolutionnaire, pourquoi les associations politiques homosexuelles relayées par Libération militaient pour la suppression de la barrière d’âge qui interdit aux adultes de corrompre des mineurs.

Le mineur incapable de se défendre contre le viol

 
Depuis le milieu des années quatre-vingt, un peu de bon sens est revenu. Mais la loi n’en tient pas complètement compte et certains juges demeurent ignorants des questions qu’ils ont à trancher. Pour Me Diebolt, « Beaucoup de magistrats n’ont pas été formés à ces questions et ne connaissent pas les mécanismes du cerveau lors d’un viol. La sidération et la dissociation conduisent à l’anesthésie. On ne ressent plus sa peur, comme l’a analysé la psychiatre Muriel Salmona. C’est d’autant plus vrai pour un enfant. Dans les films, on se débat. Mais dans la vie réelle, on est souvent tétanisé. Comme le disait Gisèle Halimi, “Subir, ce n’est pas consentir”. Et l’agresseur n’a pas pu se méprendre sur le rejet et la détresse de Sarah ».
 

Changer la loi ou réformer les mœurs et former les juges ?

 
Ce n’est pas à une journaliste de juger en l’espèce, mais l’argumentation de l’avocate est juste. L’absence de contraintes apparentes ne suffit pas à établir le consentement. C’est pourquoi le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (pourquoi lui ?) a demandé à ce que la loi fixe à 13 ans l’âge en dessous duquel il y a « présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur victime d’actes sexuels ». En Suisse, en Angleterre, il est de seize ans.
 
Est-ce la solution ? Pas forcément. Prenons le cas de l’affaire Polanski. Mon intime conviction est qu’il y a eu séduction la plus vile et corruption manifeste, mais que la chose aurait pu s’exercer sur n’importe quelle femme, en raison du statut du séducteur, et qu’il y a eu consentement, et non viol. Sans doute la victime s’est-elle sentie avilie, mais elle était consentante, ce pourquoi d’ailleurs son avilissement a dû lui être encore plus pénible.
 
Cette fragilité du consentement, peut-on la fixer à un âge particulier pour l’ensemble de la population des coupables et de celle des victimes ? Qu’apporterait vraiment un changement de loi ? Ne vaut-il pas mieux qualifier les faits au cas par cas en fonction des circonstances et des personnalités ? C’est un casse-tête. La chose qu’on peut demander à l’instruction, c’est une extrême précision, et aux juges une justice sans faiblesse.
 

Pauline Mille