Un député conservateur britannique appelle son gouvernement à soutenir les demandes de réparations de guerre de la Pologne à l’Allemagne

réparations guerre Pologne Allemagne
 
Daniel Kawczynski est un député conservateur britannique avec des racines polonaises. Il a adressé le 9 octobre une lettre ouverte à Angela Merkel pour lui demander de répondre positivement aux demandes polonaises de réparations de guerre. C’est en ces termes qu’il a expliqué son geste au site conservateur américain Breitbart : « L’Allemagne évoque légitimement nos obligations financières vis-à-vis de l’UE au moment où nous quittons cette structure, mais elle fait semblant de ne pas voir ses obligations pourtant nettement plus claires vis-à-vis de la Pologne pour les destructions et les souffrances qu’elle lui a causées. Il doit être demandé des comptes à l’Allemagne car elle dicte aux autres ce qu’ils doivent faire sans prendre elle-même ses responsabilités ».
 

Le grand-oncle polonais du député conservateur britannique exécuté avec sa femme et sa fille pour avoir aidé des Juifs

 
Le 18 septembre dernier, le député conservateur britannique avait promis de faire pression sur son gouvernement pour qu’il soutienne les demandes polonaises qui ont refait surface cette année à l’occasion des commémorations du 73e anniversaire de l’Insurrection de Varsovie. Une insurrection de deux mois au cours de laquelle les forces allemandes avaient rasé la ville et massacré les civils, faisant environ 200.000 morts. L’intervention de Daniel Kawczynski avait eu lieu lors de la remise des décorations Antonina et Jan Żabiński qui sont accordées aux Polonais ayant sauvé des Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale. Cette année, ces décorations ont été remises aux sœurs franciscaines d’un couvent dont les 120 religieuses avaient sauvé environ 750 Juifs (quatre d’entre elles seulement ont été honorées de la médaille des Justes parmi les nations remises par l’Institut Yad Vashem), et également, à titre posthume, au frère du grand-père du député Daniel Kawczynski, Jan Kawczyński, assassiné par les Allemands avec sa femme Helena et sa fille de 10 ans Magdalena pour avoir aidé des Juifs.
 

C’est en Pologne que l’occupation allemande a été la plus brutale, mais les Polonais ont perçu moins de 1 % des réparations versées par l’Allemagne

 
La Pologne est le pays qui a le plus souffert de la Deuxième guerre mondiale, avec des destructions énormes et surtout la perte de 6 millions de vies (dont 3 millions de Juifs) sur environ 35 millions d’habitants que comptait la Pologne d’avant-guerre. Pourtant, les compensations versées par l’Allemagne aux victimes polonaises de la guerre ne totalisent, selon une étude récente du Bureau des analyses de la Diète polonaise, que 600 millions de marks, soit moins de 1 % des sommes payées par la République fédérale d’Allemagne aux pays d’Europe occidentale, aux Etats-Unis et à Israël.
 
Le ministre des Affaires étrangères allemand Sigmar Gabriel a répondu à la question des réparations soulevée à nouveau cette année par la Pologne que celle-ci y avait définitivement renoncé en 1953. Mais l’analyse juridique remise aux députés de la Diète polonaise en septembre constate que la renonciation de 1953 violait la constitution polonaise de l’époque, qu’elle était le fait d’un gouvernement communiste non souverain agissant sous la pression de Moscou et qu’en outre elle ne visait que la RDA est-allemande. Or l’Allemagne actuelle est l’héritière légale de la République fédérale d’Allemagne (RFA), pas de la RDA.
 

Du point de vue polonais, la demande de réparations de guerre sert aussi à rappeler aux Allemands une réalité historique un peu oubliée

 
Dans un entretien avec l’hebdomadaire Gazeta Polska publié le 4 octobre, le leader du PiS Jarosław Kaczyński affirme que la Pologne explore en ce moment les voies possibles pour obtenir le versement de réparations, et que l’une de ces voies pourrait passer par les tribunaux américains. Il redit aussi que si la Pologne parle à nouveau aujourd’hui de réparations de guerre, c’est à la fois pour bâtir des relations d’amitié fondées sur la vérité et la justice, mais aussi pour contrer la montée d’un certain révisionnisme allemand qui voudrait rendre la Pologne et d’autres pays occupés en Europe centrale et orientale co-responsables du génocide commis par les nazis à l’encontre des juifs.
 
Dans un entretien pour l’hebdomadaire Do Rzeczy du 9 octobre, le président polonais Andrzej Duda souligne quant à lui que la question de la demande de réparations de guerre à l’Allemagne n’est pas nouvelle et que l’Allemagne n’a effectivement jamais versé de réparations de guerre à la Pologne. Concédant qu’il est important pour la Pologne d’entretenir de bonne relations avec son voisin allemand, le président Duda a rappelé que c’est aussi à l’Allemagne de soigner ses relations avec la Pologne, et que la défaite aux élections du SPD, dont les leaders attaquaient la Pologne gouvernée par le PiS, est une chance à saisir pour améliorer ces relations.
 
Dans sa lettre au chancelier Angela Merkel, le député conservateur britannique Daniel Kawczynski compare lui aussi les sommes versées par l’Allemagne à Israël et les demandes de la Pologne qui sont nettement en deçà du préjudice subi. Il ne s’agit en effet pas pour la Pologne de compenser ce qui ne peut pas l’être, mais de contraindre l’Allemagne à la traiter de manière équitable pendant que les derniers survivants de l’horreur nazie sont encore en vie.
 

Olivier Bault