Au Royaume-Uni, les personnes âgées dépendantes obligées de s’endetter pour leur soins, payables à leur mort

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C’est une autre façon d’étatiser les biens privés : au Royaume-Uni, les personnes âgées dépendantes sont de plus en plus souvent contraintes à passer des accords avec les collectivités locales afin de pouvoir conserver leur propriété immobilière. Elles sont nombreuses à reprendre une hypothèque sur leur bien, à s’endetter, donc, lorsqu’elles ne disposent pas d’assez de revenus pour payer leur séjour dans un établissement spécialisé. Ou alors la collectivité locale se réserve une part de l’héritage : elle se paie à la mort du patient.
 
Le système du « payez quand vous mourez » (pay when you die) rappelle le plus classique « pay as you earn » (payez selon vos revenus) qui a installé la vente d’équipements dans le paysage britannique. Mais ici, il s’agit de faire face à des dépenses directement liées à l’allongement de la durée de la vie et non de consommation, pour financer des mouroirs où l’on passe de plus en plus de temps, en moyenne.
 
L’an dernier, on a estimé à 19.000 au moins le nombre de personnes âgées qui avaient choisi au cours des 5 dernières années de laisser le conseil communal payer leurs frais de séjour en résidence spécialisée sous réserve de se rembourser à la mort du bénéficiaire, avec une nette accélération au cours de la dernière année de la période. Ces données concernent les trois quarts des conseils communaux seulement.
 

Les personnes âgées dépendantes spoliées de leur patrimoine par les soins payables à leur mort ?

 
Hypothèque classique ou « emprunt » à la collectivité locale : ce sont des options qui ne se présentent avec insistance qu’aux personnes ayant un certain patrimoine. Les classes moyennes, en clair, déjà en première ligne pour les impôts et les taxes, sont visées car les personnes sans épargne et sans patrimoine immobilier sont prises en charge par la collectivité. Parmi les classes moyennes, ce sont celles qui ont des revenus modestes mais un patrimoine qui a pris de la valeur en raison du boom immobilier qui en soi ne leur rapporte rien, qui se trouvent le plus souvent acculés à cette solution.
 
La durée du séjour moyen dans un établissement spécialisé a progressé de 13 % au cours de la dernière décennie, passant de 829 à 955 jours. C’est aussi un facteur qui augmente le nombre de personnes qui ne peuvent plus faire face à leurs frais de résidence faute de liquidités.
 
Plus largement, c’est l’avenir du financement des soins aux personnes âgées dépendantes qui est aujourd’hui en question au sein d’une population vieillissante. Certes les gens vivent plus longtemps en bonne santé et n’ont pas de difficultés à l’heure de cesser le travail mais la durée moyenne de la retraite est déjà passée à 17 ans et la demande de soins en fin de vie va croissant.
 
Cela va de pair avec des coupes dans les dépenses sociales publiques, mettant les retraités actuels devant des problèmes inattendus : comment financer la dépendance qui, au contraire de la maladie, n’est pas prise en charge par les assurances sociales alors qu’ils ont payé toute leur vie pour en bénéficier ?
 
Ils peuvent tout au plus espérer que le gouvernement tiendra sa promesse de limiter à 72.000 £ par personne (hors 12.000 £ par an pour frais de séjour et de restauration) les dépenses à la charge des patients pour éviter, précisément, de devoir vendre leur patrimoine, alors qu’à l’heure actuelle toute personne possédant plus de 23.250 £ d’actifs est exclue de toute forme d’aide publique.
 

Au Royaume-Uni comme en France, l’endettement des personnes âgées pour leurs soins est un système

 
On peut regretter que les jeunes générations ne prennent plus en charge leurs aînés, sans oublier qu’elles y contribuent en fait lourdement par le biais des charges et des impôts qui ne leur laissent aucun choix. On peut dire que les personnes âgées, comme n’importe qui, doivent logiquement se prendre en charge elles-mêmes dans la mesure de leurs moyens. On peut regretter l’inhumanité d’un système où les vieillards, trop souvent, ne peuvent rester chez eux parce que le moindre soin et la moindre aide sont devenus payants.
 
Mais en définitive, tout cela est le résultat d’un système délibérément socialisé, où l’action caritative a été prise en mains par l’Etat, où les « assurances sociales » font la pluie et le beau temps au détriment des libertés individuelles.
 
La France connaît des systèmes semblables : pour les personnes âgées dépendantes, les conseils généraux peuvent prendre en charge les frais mais à la mort du patient, ils se servent prioritairement sur l’héritage au détriment de la transmission, les descendants des vieillards n’ayant pas forcément les liquidités suffisantes pour payer leurs frais d’accueil.
 
De telles situations s’annoncent de plus en plus tendues. Viendra le jour où – le nombre et la proportion des personnes du troisième et du quatrième âge augmentant – les moyens manqueront. Car quel que soit le scénario, ce sont les actifs qui paient pour les non-actifs. La réflexion, on peut le prévoir dès maintenant, glissera vers le coût en soi de la dépendance. Cela se devine déjà dans les pays comme les Pays-Bas où l’euthanasie est légale, où l’on constate une pression accrue en faveur de la « mort choisie » en cas de démence ou tout simplement par « fatigue de vivre »…
 

Anne Dolhein