Le média russe Sputnik parle de la nostalgie de l’Union soviétique et du communisme

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Le site Sputnik, élément de l’arsenal de médias russes proches du pouvoir – il a remplacé « la Voix de la Russie » – publie ce mardi les résultats d’un sondage réalisé par cette source, aux termes desquels une majorité des habitants âgés de plus de 35 ans de neuf ex-Républiques soviétiques sur onze pensent que la vie était meilleure dans l’URSS avant son éclatement. Cette nostalgie de l’Union soviétique et du communisme serait la plus fréquente en Arménie et en Azerbaïdjan (64 %), suivis de près par le Kazakhstan, l’Ukraine – si, si : on y enregistre 60 % de nostalgique de l’âge soviétique, comme dans le Kirghizistan. Dans le Bélarus et la Géorgie la proportion avoisine une personne sur deux. Ce n’est qu’au Tadjikistan et en Ouzbékistan que les habitants de plus de 35 ans estiment la vie meilleure aujourd’hui. Quant aux moins de 25 ans, qui n’étaient pas nés ou à peine au moment de la dislocation de l’empire communiste, ils pensent partout que la vie est meilleure aujourd’hui.
 

Le communisme et l’Union soviétique : c’était donc le bon temps ?

 
Sputnik apporte son explication quant aux résultats de ce sondage qui le réjouit (et qui ne saurait être exempt, comme tous les sondages, d’éléments de manipulation liée notamment à la manière de poser les questions). Pour la source russe, l’image de la réalité que dressent ces réponses nostalgiques est très éloignée de ce que peut imaginer l’Occident en considérant la dislocation de l’URSS comme une « révolution de la démocratie ».
 
L’article cite l’historien russe Richard Pipes qui dès 2004, dans le New York Times, affirmait que 64 % des Russes regrettaient la fin de l’Union soviétique, notamment avec la démantèlement de la garantie de l’emploi, des soins de santé et autres services sociaux, sans compter l’élimination du contrôle des prix dans un nouveau système économique « de marché », et la disparition des subventions alimentaires, de logement, d’habillement, de transports et autres services. On percevait le système capitaliste comme « injuste », plus « problématique » que le « collectivisme communiste ».
 
Les analystes interrogés par radio Spoutnik pour commenter le sondage, tel Michael Parenti, auteur d’études sur « l’effondrement du communisme », voient dans la « thérapie de choc » imposé à l’URSS par le FMI la responsable de la formation d’une nouvelle « élite » qui allait s’emparer de l’ancienne propriété collective, entraînant une chute dramatique du niveau de vie pour les Russes. « Les oligarques devenaient plus riches, les pauvres devenaient plus pauvres. »
 

La propagande de Sputnik, média russe proche du Kremlin

 
Voilà qui occulte délibérément les systèmes de nomenklatura propre à toutes les économies communistes : au plus, peut-on en tirer la conclusion que le démantèlement de la Russie soviétique a été mis à profit par certains – sinon organisé à cette fin – pour permettre leur enrichissement démesuré sur le dos d’une population qui préfère encore les affres de la tyrannie aux horreurs de l’anarchie. Cela voudrait plutôt dire que le système n’a pas été fondamentalement changé.
 
Le terrain de cette analyse reste glissant : Sputnik s’empresse de préciser qu’« évidemment, la Russie n’est pas dans le même état aujourd’hui qu’elle ne l’était au cours des années 1990 ». « Le président Vladimir Poutine jouit d’un taux d’approbation de 91 %, ce qui indique qu’il fait au moins quelque chose de bien », et s’il est « diabolisé » par l’Occident c’est parce que sa réussite sur le chemin du développement est considérée par ce dernier comme « dangereuse et représentant en danger pour le capitalisme impérialiste ». C’était mieux avant, mais c’est tout de même beaucoup mieux sous Poutine !
 

La nostalgie de l’Union soviétique prouve qu’elle diffusait des valeurs propres à assurer la paix mondiale !

 
L’article poursuit : « Certains libéraux pro-occidentaux affirment que la nostalgie de l’Union soviétique est constituée par le désir de revenir au communisme ou au goulag. D’autres sont prêts à reconnaître que la raison en est plus complexe : ils citent la paix et l’amitié entre les nations comme une réussite propre à la société soviétique. Ceux qui ont été éduqués selon les valeurs soviétiques affirment qu’il leur arrive souvent de regretter le respect populaire à l’égard de la science et de l’éducation. »
 
Voilà qui sent très fortement la propagande. Il est intéressant de voir un site médiatique contrôlé par le Kremlin se livrer à cette sorte de réflexion.
 
On retiendra particulièrement la conclusion : « La plupart reconnaissent, cependant, qu’il ne serait pas réaliste de souhaiter la renaissance de l’Union soviétique. Ce que l’on peut tirer de l’histoire soviétique, cependant, c’est l’expérience, la mémoire, les technologies sociales et les valeurs éternelles, tous ces aspects d’une société qui peuvent donner la paix au monde entier. »
 
L’horreur du communisme, ses millions de morts, sa société bâillonnée, sa misère, ses pénuries, sa gabegie… son athéisme : voilà ce qui est présenté aujourd’hui comme un exemple pour le monde entier. On croit rêver. Mais non… La rhétorique soviétique et les promesses communistes n’ont pas changé d’un iota, et le socialisme international ou plutôt l’internationale socialiste demeure manifestement un objectif bien partagé dans une certaine classe dominante russe.
 

Anne Dolhein