Salah Abdeslam n’a pas peur de la démocratie aux mains molles : il a raison

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Jugé à Bruxelles pour un procès annexe, une fusillade en Belgique, Salah Abeslam, le survivant des terroristes du onze novembre, sort d’un silence assourdissant par une déclaration fracassante. Il n’a « pas peur » des juges. Il a raison : la démocratie aux mains molles n’est pas armée contre ses pareils.
 
C’est Joseph Druon, neveu de Kessel, résistant, député, puis ministre gaulliste avant de devenir secrétaire perpétuel de l’Académie française, qui déplorait l’impuissance de « la démocratie aux mains molles » face à ses adversaires totalitaires. Dans un autre registre, quelques décennies plus tard, le ministre de l’intérieur Charles Pasqua se prit à rêver que « la peur change de camp », qu’elle passe du citoyen au terroriste. C’est resté un vœu pieux. Justice et police ne font déjà pas peur aux petits voyous de banlieue, on voit mal comment elles pourraient terroriser un Salah Abdeslam et toute la tribu des candidats à l’attentat suicide.
 

Allah est grand et préserve Abdeslam de toute peur

 
 Abdeslam, d’ailleurs, prend la justice belge de très haut. Il a tenu à assister au procès, mais il ne répondra à « aucune question », même sur son identité. Il donne des leçons de procédure : « Mon silence ne fait pas de moi un criminel », et demande qu’on se fonde sur « des preuves tangibles, scientifiques » pour apprécier son cas. Suit une prédication politico-religieuse courte mais claire : « Les musulmans sont jugés, traités de la pire des manières, impitoyablement, il n’y a pas de présomption d’innocence (…) Je témoigne qu’il n’y a pas de divinité à part Allah, Mohammed est son serviteur et son messager (…) Maintenant, jugez-moi, faites ce que vous voulez de moi, moi c’est en mon seigneur que je place ma confiance. Je n’ai pas peur de vous, je n’ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c’est tout ». 

Abdeslam fait confiance à la démocratie aux mains molles

 
 Il place aussi sa confiance dans les contradictions de la démocratie aux mains molles, dans son formalisme pointilleux, dans une volonté qu’il sait minée par une repentance permanente. On peut présumer que, si les faits dont est soupçonné Abdeslam et son procès avaient lieu, disons en Israël (ou en Chine), il troquerait sa superbe contre une peur bien compréhensible. Mais tout est mal conçu dans le procès actuel. Abdeslam se trouve inculpé de « tentatives d’assassinat sur plusieurs policiers » et « port d’armes prohibées », ce qui est hétérogène, ridicule et laisse croire que le principal chef d’accusation n’est pas fondé, alors que tout donne à penser qu’il a trempé dans pire, les attentats de Paris. La démocratie européenne, pour avoir voulu en faire trop, se condamne à faire mal : elle a déployé un appareil de protection sans mesure, avec blindés et policiers cagoulés, elle fait droit à la requête de l’avocat d’Abdeslam, de ne montrer aucune image du prévenu.
 
 Salah

Abdeslam a raison : la démocratie a juste la force de mourir

 
 Tout ça pour recevoir quelques mots méprisants. Et que risque Abdeslam au bout du compte ? A Bruxelles, vingt ans de prison sont requis. A Paris, dans le meilleur des cas ce sera la perpétuité. Mais très probablement l’accusation risquera de s’embrouiller, comme cela a commencé, donnant lieu à toutes les pleurnicheries imaginables sur les failles de la justice et les conditions de détention du prévenu. Avec à la clé d’autres déclarations possibles, c’est-à-dire de la propagande islamiste. Et cette propagande victorieuse, de tous les instants, de voir une crapule parader, impavide, devant une justice qui n’a pas prise sur lui. Et, dans les banlieues, des milliers de gamins qui l’admirent de mettre en Allah toute sa confiance, face à un Occident pourri et pétochard. La démocratie aux mains molles n’a que la force de se suicider.
 

Pauline Mille