Sarkozy, Montebourg, Juppé, Hollande, Macron candidats : la France n’a pas de bol

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La pléthore de candidats à la présidentielle, passant par une primaire (ils sont seize à droite dont Sarkozy et Juppé), ou non (Montebourg et Macron ne s’y soumettront pas), masque un fait capital : l’offre politique, monotone, reflète l’idéologie des élites et non les aspirations du peuple. Pour parler comme Hollande, la France « n’a pas de bol ».
 
Les sondages ont un roi, Juppé. A peine Sarkozy avait-il annoncé qu’il était candidat, ce que chacun sait depuis deux ans, un sondage tombait : Juppé caracole toujours en tête et Sarkozy dévisse de seize points parmi les « sympathisants les Républicains ». Cette catégorie d’humains n’est pas beaucoup plus claire que la syntaxe dont on se sert pour la décrire, mais ce que chacun comprend, c’est que si Sarkozy, avec l’appui de Christian Jacob, François Baroin et la sortie de son livre Tout pour la France, a mis les moyens pour faire le buzz (mon américain date terriblement, il faut parler de blast aujourd’hui), Juppé garde la cote auprès de certains grands médias : c’est le champion naturel des élites mondialistes. Telle est la difficulté à surmonter pour Sarkozy – elle peut être aussi sa chance : il lui suffit de se faire passer pour un candidat anti-système, et il s’y essaie en axant sa campagne sur l’identité, comme au bon vieux temps de Patrick Buisson. La question est de savoir si les Français sont assez bêtes pour se laisser prendre deux fois au même piège, si en tenant des propos que les bobos jugeront excessifs Sarkozy réussira à siphonner une deuxième fois l’électorat du Front National.
 

En France, parmi tous les candidats, aucun n’est clairement anti-système

 
Cela paraît difficile, mais une chose pourrait y aider, la normalisation du Front national entreprise par Marine Le Pen et Florian Philippot sous le nom de dédiabolisation. Sur un grand nombre de thèmes, y compris l’immigration, nous l’avons vu ici-même cette semaine à propos de la nouvelle loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, l’action et la doctrine du Front national deviennent trop peu (ou trop bien, au contraire) lisibles. Ce qui a une conséquence inattendue : parmi les quelques trente candidats déclarés non groupusculaires à la présidentielle, pas un n’est clairement contre le système, contre le projet des élites mondialistes. Le discrédit où Hollande est tombé a ouvert d’innombrables et insoupçonnables appétits, tous les hommes politiques français sont candidats potentiels (sauf Nicolas Hulot, le seul non-candidat officiel), mais aucun ne peut prétendre représenter de manière crédible et fiable les intérêts du seul peuple français. C’est une innovation capitale : jusqu’à 2012 inclus, le nom de Le Pen et le label Front National garantissaient la chose, ce n’est plus le cas.
 

La normalisation du Front National profite à Sarkozy

 
Cela va avoir deux conséquences paradoxales dans la conjoncture politique particulière que nous connaissons. La percée de Trump aux États-Unis, la popularité d’Orban en Hongrie, le vote pour le Brexit, l’élection présidentielle en Autriche le montrent : les populations d’Euramérique commencent à se lasser des sirènes de l’immigrationnisme et du multiculturalisme, elles renâclent enfin devant le projet des élites mondialistes. Comme l’a dit non sans un cynique sens de la formule le président allemand Joachim Gauck après le vote du 23 juin en Angleterre : « Ce ne sont pas les élites qui posent problème, ce sont les peuples ». Les peuples ne votent plus bien et refusent qu’on les change.
 
Ce mouvement général influera sur l’élection présidentielle en France, le destin et la stratégie des candidats. Premièrement, le flou qui gagne l’image de Marine Le Pen permettra peut-être à Nicolas Sarkozy, au moins le temps d’une primaire, de se poser en candidat de l’identité française et de piquer les voix nationales qui lui sont nécessaires pour éliminer Alain Juppé. En d’autres termes, la dédiabolisation du Front National peut servir à faire élire Sarkozy.
 

Macron, Montebourg, Juppé, tous les candidats doivent donner le change

 
Deuxièmement, pour tenter de profiter du ras-le-bol inspiré par les élites qui mènent les États, les institutions supranationales, les grandes banques et les entreprises multinationales, tous les candidats à la présidentielle doivent se maquiller en amoureux du peuple et se donner pour ce qu’ils ne sont pas. Les chevaux de retour se griment en perdreaux de l’année, les arrivistes en hommes de convictions, tous n’ont plus que la France sur les lèvres, à défaut de la connaître et de l’aimer. On a vu ainsi Emmanuel Macron, avec sa tête de garçon de café de Labiche qui aurait fait un héritage, aller se donner en spectacle au Puy du Fou pour y déclarer qu’il n’était « pas socialiste », alors qu’il mène activement depuis deux ans la politique économique du gouvernement socialiste. Arnaud Montebourg, pour sa part, nuance la chose : il proposera un programme « socialiste mais pas seulement ». Il se veut le champion du socialisme de l’espèce nationale, préconisant le rétablissement du service militaire, lui qui, cela commence à se dire, s’est tranquillement planqué durant le sien, et le héraut du made in France, lui qui fait héberger son site de campagne aux Pays-Bas. Inutile de passer en revue les autres candidats : chacun à son tour voudra se faire une tête de Français, et, par quelque coup de menton bien placé, ramasser une miette du ras-le-bol populaire. Même Juppé, le grand méchant mou, s’essaie entre deux siestes à quelques paroles viriles.
 

François Hollande chef d’État exemplaire

 
Et François Hollande, ajoutera-t-il sa face de lune réjouie à l’imposante cohorte des candidats ? Beaucoup en doutent. Il n’a pas eu de « bol » avec l’inversion de la courbe du chômage, comme il l’a confié à deux journalistes dans ses « conversations privées ». Et comme il a fait d’une amélioration de l’emploi la condition sine qua non de sa candidature, plusieurs en tirent la conséquence qu’il s’effacera, laissant le soin de porter les couleurs socialistes à de plus fringants daguets. Cependant, c’est prendre ses paroles pour argent comptant (la persistance du chômage n’est pas l’effet d’un manque de chance, mais la conséquence de la politique économique de François Hollande), et, à mon sens, mal poser le problème. Je crois au contraire qu’il figurera parmi les candidats sérieux à l’élection présidentielle.
 
D’abord, pour une raison très simple, à la fois arithmétique et psychologique : l’éparpillement des candidats à gauche fait qu’il sera, le moment venu, étant président en exercice malgré toutes ses erreurs, ses bévues, et son manque de « bol », le rassembleur naturel de cette gauche en petits morceaux.
 
La seconde raison est beaucoup plus importante et profonde, elle tient au bilan de François Hollande, et à la nature de la fonction de président de la république aujourd’hui. Eric Zemmour publie ces jours-ci un livre intitulé Un quinquennat pour rien. Comme d’habitude, il se trompe : pas plus que la France ne se suicide, le quinquennat de François Hollande n’est inutile. Le suicide est un assassinat et Hollande y contribue magistralement, à son poste. Son quinquennat a été exemplaire, parfaitement rempli. Il en a d’ailleurs reçu la confirmation officielle par le prix que lui a décerné The appeal of Conscience le 16 mai 2016, en tant « qu’homme d’État mondial de l’année » et qui lui sera remis en septembre prochain lors d’un grand banquet citoyen au Waldorf Astoria de New York, siège de la fondation interconfessionnelle qui le récompense.
 

Pourquoi la France n’a vraiment pas de bol

 
Sans doute ce prix a-t-il fait rigoler toute la France. Nos compatriotes, qui n’osent plus fronder, ont pour tout exutoire l’exercice de leurs zygomatiques. En pensant au guignol boudiné dans ses costumes qui porte sa montre à l’envers, ne sait pas défendre la France du terrorisme, mène à l’extérieur des guerres calamiteuses, ruine toujours plus l’économie française avec son manque de bol, déconsidère la fonction présidentielle avec ses parties de jambes en l’air, ils ont eu du mal à le reconnaître sous le masque de l’homme d’État mondial de l’année.
 
C’est qu’ils ne se demandent pas quelle est la véritable mission de François Hollande, la véritable fonction du président de la république aujourd’hui. Un homme d’État mondial n’a pas pour job de veiller à la souveraineté, à la liberté, à la prospérité, à l’identité, de son pays. Cela, c’était du temps des nations. Aujourd’hui, le devoir fixé à l’État par les élites mondialistes est précisément de détruire la nation pour faire advenir la révolution, l’invasion en étant un des principaux moyens. Ce pourquoi The appeal of conscience admire et loue François Hollande, ce n’est pas de s’occuper de la France, c’est d’œuvrer pour « la paix, la liberté, la tolérance, la dignité humaine ». C’est de s’entendre avec d’autres chefs d’État pour « bâtir ensemble un monde meilleur ». C’est son « leadership dans la sauvegarde de la démocratie ».
 

De tous les candidats soumis à l’idéologie mondialiste, Hollande est le meilleur

 
Autrement dit, c’est son attachement à la désastreuse Europe de Bruxelles qu’ils récompensent, ses choix désastreux en Syrie et en Ukraine, sa volonté forcenée de faire poursuivre l’invasion par les migrants malgré la douleur des Français, son militantisme en faveur des LGBT et du « mariage pour tous ». C’est la catastrophe dont souffre la France, et qui ne doit rien au manque de bol, c’est la catastrophe réussie par Hollande qui se trouve encensée. C’est cela, être l’homme d’État mondial de l’année. C’est soumettre la France à l’utopie et à l’idéologie mondialistes malgré le cri de la réalité. C’est cela qu’on attend maintenant d’un président de la république Française, et c’est pourquoi tous les candidats, Juppé, Macron avec enthousiasme, Sarkozy et Montebourg avec des postures de rebelles, se soumettent tous à ce souhait. Et c’est pourquoi aussi Hollande me semble bien placé parmi tous les candidats possibles, à condition qu’il ait un petit coup de bol pour se remettre en selle : il a fait la preuve, pour reprendre le vocabulaire délicieux de Joachim Gauck, qu’il sait résoudre le problème que pose au projet des élites mondialistes le peuple de France. En se fichant carrément de lui.
 

Pauline Mille