SNCF : trafic Nord suspendu après l’incendie criminel d’un transformateur dans le 93

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Des membres de la Croix Rouge distribuent de l’eau aux voyageurs coincés à la Gare du Nord, le 19 juillet 2016 à Paris.

 
Mardi soir, tout le trafic Nord, y compris vers Londres et Bruxelles, a été bloqué à partir de Paris après l’incendie criminel d’un transformateur dans le 93. Un fait caractéristique d’une violence croissante que les dirigeants de l’entreprise masquent ordinairement, et de la fragilité technique et politique de la société française, qui n’est pas adaptée à la guérilla urbaine. Des gens décidés et organisés pourraient facilement bloquer la France entière.
 
Conformément au triptyque enjoliver – taire – masquer, les journaux ont d’abord parlé « d’incident technique » et de « pagaille générale » à cause du « courant coupé ». Puis on a dû se rendre à l’évidence, la SNCF ayant choisi elle-même de communiquer sur l’incendie criminel qui a fait exploser un transformateur dans le 93, privant tout le réseau ferré de courant dans un rayon de trente kilomètre autour de Saint-Denis. A l’origine de la chose, semble-t-il, une tentative ratée de vol de câbles, ce qui semble devoir orienter l’enquête vers les habituels fournisseurs de la  ferraille. Si l’on dit «  on sait qui fait ça généralement », est-on condamné pour racisme ? Quoi qu’il en soit, la coupure générale du trafic nord, y compris le Thalys et l’Eurostar, et le temps mis par les services de la SNCF pour relancer la machine montre l’extrême fragilité des connexions de nos sociétés complètement interconnectées. Et des populations qui en dépendent.
 

La SNCF perd le nord pour un transformateur dans le 93

 
Quinze mille personnes ont dû être évacuées d’une quinzaine de trains bloqués sur les voies, parfois près des gares, parfois loin d’elles. Tout le monde a été pris de court. Pour calmer les esprits, certains contrôleurs ont autorisé les fumeurs à se regrouper dans une voiture et à fumer, mais, remarquaient certains voyageurs non-fumeurs, cela faisait monter la température globale, déjà caniculaire en l’absence de climatisation. Au bout de deux heures, les portes ont donc été ouvertes et les voyageurs parqués en rangs d’oignon le long des voies, les uns en profitant pour s’enfuir à pied, les autres attendant qu’on leur fournisse un hôtel. Une dame, la quarantaine maussade, se plaignait : « Ils nous proposent à boire, mais où aller aux toilettes ensuite ? Et puis il n’y a personne pour donner des infos. » Pourtant, il y avait des agents supplémentaires vêtus de boléros rouges, des ambulances de la sécurité civile, des brancards au cas où, et le secrétaire d’État aux transports Vidalies s’était rendu sur place. Si la panne avait duré plus longtemps, c’est le président de la République qui serait venu. Enfin, la coupure ayant été faite à 18.30, la SNCF annonçait à 22.30 avoir « trouvé une solution technique » et le trafic nord reprenait peu à peu.
 

Incendie criminel : omerta à la SNCF sur la violence croissante

 
Si l’on prend un peu de hauteur, dira le lecteur, il ne s’agit que d’un fait-divers minime : mérite-t-il un commentaire ? Oui, parce qu’il met en lumière à la fois l’extrême douilletterie des populations hexagonales (un train qui s’arrête dans la canicule doit-il engendrer une cellule de suivi ?) et la fragilité de la société : il suffit d’un transformateur qui saute et tout le trafic nord, intérieur et international, se trouve bloqué. Le troisième élément digne d’attention est le silence des médias sur la personnalité des voyous qui ont tenté de voler les câbles et mis le feu au transformateur de Saint Denis. Les médias en l’espèce ne font qu’obéir à l’omerta de la SNCF elle-même. J’ai eu entre les mains dans les années quatre-vingt-dix deux rapports sur les accidents et l’insécurité à la SNCF fourni par des contrôleurs mal pensants, qui craignaient, déjà, pour leur santé et même pour leur vie. Les auteurs des méfaits, jeunes et sauvageons, y étaient clairement désignés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cela ne veut pas dire que la SNCF ne fasse rien pour la sécurité de ses agents et des voyageurs qu’elle transporte : elle a installé des moyens de mesurer l’insécurité, des audits d’insécurité, une enquête d’insécurité. Mais les critères et les catégories qu’elle a choisis pour classer l’insécurité dont elle est le lieu ne permette pas de décrire correctement la situation d’aujourd’hui, notamment la violence volontaire croissante qui s’exerce dans les trains, les gares, et sur les voies, ni d’en déterminer les auteurs.
 

Déni de réalité sur ce qui perturbe le trafic

 
En d’autres mots, l’appareil d’études statistiques ne dit rien de la guérilla urbaine qui a commencé. De même que le gouvernement s’intéresse plus à « l’insécurité routière » qu’à l’insécurité des banlieues, de même la SNCF se borne-t-elle à une approche technique de la sécurité qu’elle doit assurer : c’est quelque chose, mais ce n’est pas tout. On consultera avec intérêt les « open data » (en français dans le texte) de la SNCF concernant les « événements d’insécurité » survenus en 2016. Il y en a eu 1.559, dont plus de mille ESR, événements d’insécurité remarquables. Parmi eux, 202 franchissements de signal, 175 déraillements sans engagement de la voie principale et 51 « réceptions intempestives sur voie occupée », qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! Mais quant aux causes et aux agents qui ont causé ces accidents, motus et bouche cousue ! L’appareil de recueil des données statistiques reste muet à cet égard, il ne voit pas et ne veut pas voir tout ce qui ressort à une agression extérieure systématique. Il se bouche les yeux devant l’invasion et la guérilla civile. La loi lui impose cette cécité.
 

La SNCF lieu de toutes les violences

 
Les journaux, surtout les journaux populaires ou locaux, lèvent un coin du voile périodiquement, à l’occasion d’un fait divers qui choque particulièrement l’opinion. Ce fut le cas par exemple pour la flambée de racket qui inquiéta « tous les jours » les parents d’élèves à l’automne 2010 dans le train Paris Mantes. Mais le responsable local de la sécurité apaisa les appréhensions en notant que « 90 % des faits (concernaient) racket d’adolescents par d’autres adolescents ». Sous entendu : ce n’est rien ! De même en 2015, l’attaque d’un train de marchandise à Consolat dans le quartier de la Calade a remué les journalistes marseillais, par le procédé employé : une grosse poubelle pour bloquer la voie, et un commando qui se rue sur les wagons immobilisés, fait sauter les sceaux qui le ferment, avec une célérité de vrais professionnels. Mais là encore, tout est bien qui finit bien, les pillards n’ont rien emporté, le train contenait des meubles, et ils n’étaient pas équipés pour les transborder.
 

Qui sont les mystérieux « hommes jeunes » du Nord, du 93 et d’ailleurs ?

 
Il faudrait une enquête de bénédictin pour colliger tous ces faits divers. A la fin des années quatre-vingt-dix, des documents internes à la SNCF décrivaient de véritables attaques de trains en Paca, et établissaient que la majorité des incidents majeurs sur le réseau nord étaient dus à des actes de malveillance, du type bloc de béton placé sur la voie. Un rapport sur l’insécurité dans les transports ferroviaires datant de 2000 parle de 1.425 atteintes physiques contre les agents à la RATP, plus de 1.200 à la SNCF, dont les deux tiers en Île-de-France, et 950 dans les transports urbains de province. Avec l’usage d’armes blanches dans trois pour cent des cas et d’armes à feu dans plus d’un pour cent des cas. Il semble, d’après des articles de presse, que ces données aient régressé en conséquence des consignes données aux contrôleurs de préserver d’abord leur santé. Mais elles restent élevées en Île-de-France et dans les grandes villes. Quant à l’identité des agresseurs, rien : on apprend seulement que les trois quarts d’entre eux sont des « hommes jeunes ».
 

Pourquoi nous devons nous habituer à la barbarie

 
Quelles que soient leur origine, ces « hommes jeunes », en raison de la faiblesse des réponses qui leurs sont faites, se conduisent en voyous de plus en plus déterminés, de plus en plus ouvertement. Mettre le feu à un transformateur pour protéger sa fuite comme l’ont fait les « hommes jeunes » du 93 est un acte de la barbarie ordinaire à laquelle nous habituent chaque jour un peu plus les médias. Le chaos s’installe dans une société qui n’est pas faite pour le juguler. On l’a bien vu à Nice, quand rien ni personne n’a pu stopper le camion terroriste. Dans une France ouverte à l’invasion et dont le laxisme est la loi, rien ne saurait arrêter les agresseurs ni assurer la sécurité des citoyens. A vrai dire, étant donné l’extrême complexité technique et l’extrême fragilité des installations sur lesquelles reposent notre vie quotidienne, il était évident, pour l’observateur moyennement doué, que leur bon fonctionnement repose sur un civisme minimal des populations, donc sur leur homogénéité politique, culturelle et ethnique : rompre celle-ci devait amener la rupture du pacte sociale et plonger la société dans l’insécurité permanente, à laquelle « il faut s’habituer », comme à la menace terroriste, selon le mot de Manuel Valls.
 
A propos de celui-ci, on examinera avec soin ses coups de mentons, ses déclarations péremptoires et ses actes mi-chèvre mi-chou. Devant le chaos qui s’installe, il a une réaction triple : il le nie, il le combat, il l’accompagne. Le déni sert à justifier le vivre ensemble et refuser toute lucidité à ceux qui ont dénoncé la perversité intrinsèque du système, qu’on discrédite sous l’étiquette extrême droite. Le combat sert à justifier le gouvernement, et en même temps à installer peu à peu des moyens plus puissants de contrôle social au profit de la gouvernance mondiale, vidéosurveillance, loi renseignement, drones. Et l’accompagnement sert à la fois à remplacer la société française et à l’habituer à la gouvernance mondiale qui progresse. Comme la fusion à froid entend domestiquer les réactions thermonucléaires, la révolution à froid menée par l’humanisme maçon met la puissance d’un chaos maîtrisé au service du nouvel ordre en devenir.
 

Pauline Mille