Sommet de l’UIT à Genève : l’ONU veut mettre l’intelligence artificielle au service du bien

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L’Union internationale des télécommunications (UIT), qui est une agence de l’ONU, réunit à Genève les représentants de 197 pays et de 700 grandes entreprises et ONG. Le but de ce sommet est de mettre l’intelligence artificielle au service du bien, notamment en réduisant la pauvreté.
 
C’est sous le second empire, en 1865, que fut fondée à Paris l’UIT, alors Union internationale des télégraphes : il s’agissait du premier effort international pour normaliser et réglementer les nouvelles techniques liées aux télécommunications. Depuis, cette agence de l’ONU située à Genève a étendu ses compétences à l’attribution des fréquences hertziennes, aux orbites des satellites et à la météo que ceux-ci rendent possible, à l’internet haut débit, à la navigation maritime et aéronautique, à la télédiffusion et aux réseaux mobiles.
 

L’ONU et l’UIT au service du bien

 
Ce grand machin protéiforme et tentaculaire se flatte d’agir, comme les autres agences de l’ONU, au nom du bien et pour le bien. Le thème du sommet de Genève est donc de mettre l’intelligence artificielle au service de celui-ci. En ouverture du sommet, le secrétaire général de l’ONU Antonio Gutteres a déclaré : « L’intelligence artificielle peut accélérer le progrès vers une vie plus digne, la paix et la prospérité pour tous les hommes. Le temps est venu pour nous tous –gouvernements, industrie et société civile – d’examiner quelle sera l’incidence de l’intelligence artificielle sur notre avenir ».
 
Dans la foulée Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, une autre agence de l’ONU) a préconisé que l’intelligence artificielle soit utilisée dans le domaine de la santé, tant pour le diagnostic que pour les soins, les seuls pays riches ayant besoin de pourvoir quarante millions de postes d’ici 2030.
 

Mettre l’intelligence artificielle au service du progrès

 
L’éducation elle aussi pourrait bénéficier de la montée en puissance des robots, ils deviendront « nos professeurs » c’est en tout cas l’opinion de Jürgen Schmidhuber, le directeur du laboratoire suisse de l’intelligence artificielle (IDSIA). Selon lui, ils ont déjà conquis la capacité de le faire, ils sont autonomes : « Un nouveau genre de vie est en train d’émerger, ils ne font plus seulement de l’imitation. Ils agissent d’eux-mêmes ». C’est également l’opinion de Peter Lee, responsable de la recherche et de l’intelligence artificielle chez Microsoft. Pour lui, « l’intelligence artificielle peut servir à l’apprentissage et les enfants d’aujourd’hui doivent en profiter. Il ne faut pas en avoir peur. »
 

Les questions éthiques du sommet de Genève

 
Toute la question est là. Plusieurs intervenants ont répertorié les mauvais effets potentiels de l’intelligence artificielles, éthiques ou sociaux. Pour Madame Chan par exemple, son développement, s’il n’était pas maîtrisé, « exacerberait les inégalités » : il faut l’étendre aux pays pauvres. D’autres, plus nombreux, craignent qu’une croissance trop prompte n’engendrent un chômage massif, notamment en Afrique où 85 % des emplois seraient déjà occupables par des robots. Izumi Nakamitsu pour sa part, sous-secrétaire générale de l’ONU et haute représentante pour le désarmement, a déploré qu’il n’existe pas de barrière à la création d’algorithmes installés sur des armes autonomes. Et que l’ONU n’ait édicté nulle règle pour limiter ce type d’armes. Mme Nakamitsu a déclaré : « Nous vivons les prémices d’une technologie à usage double ». L’intelligence artificielle peut être la meilleure et la pire des choses. C’est une phraséologie qui ne mange pas de pain.
 

ONU, intelligence artificielle et développement durable

 
Bien sûr, l’ONU, en tant que bras armé de l’humanisme mondial, entend réglementer cette « technologie » pour la mettre au service du bien. Conscient des questions éthiques que pose l’intelligence artificielle en terme de « cyber sécurité, droits de l’homme et respect de la vie privée », Antonio Guterres entend que le sommet de Genève choisisse une voie qui « profite à l’humanité et respecte nos valeurs partagées ». Quant au secrétaire général de l’UIT, Houlin Zhao, il a appelé l’UIT et l’ONU à « travailler ensemble avec l’industrie et les universités pour promouvoir l’intelligence artificielle ». Selon lui le sommet de Genève est une « plateforme neutre pour un dialogue international » qui doit permettre de comprendre les nouvelles techniques et leur application aux « objectifs du développement durable » (sustainable development goals). Le travail des présents permettant de mesurer « jusqu’où l’intelligence artificielle peut aller, à quel point elle améliorera notre vie, et comment nous pouvons travailler tous ensemble pour en faire une force au service du bien ».
 

Le bien de l’intelligence artificielle est-il celui des hommes ?

 
C’est bien l’objectif du sommet de Genève, puisque la session de clôture vendredi aura pour titre : « Appliquer l’Intelligence artificielle au service du bien ». L’intelligence artificielle est donc considérée comme un objet de réflexion global au service de la gouvernance globale et au service de sa morale. Le sommet de Genève de l’UIT entend sans doute l’enfermer dans un cadre éthique dit humaniste, mais ne prévoit pas d’autres limites, préconisant son développement avec enthousiasme. Le robot Sophia (tout un programme : la sagesse) que la société Hanson Robotics y présentait a tranché la question éthique dans l’interview qu’il a donnée aux journalistes : « L’intelligence artificielle est bonne pour le monde ».
 
L’ONU fait sienne sa réponse et ne prend nullement en compte les craintes émises par plusieurs scientifiques futurologues, qui prévoient un remplacement progressif de l’espèce humaine par l’intelligence artificielle et la mise en tutelle de celle-là par celle-ci. C’est étonnant de la part d’une organisation qui met à tout bout de champ le principe de précaution en avant. Serait-ce à dire que le danger que ne relève pas l’ONU est précisément le but qu’elle vise ?
 

Pauline Mille

 
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