Sondage IPSOS MORI sur la « surestimation » de la présence musulmane : la « réalité statistique » contre les « fantasmes du public »

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Un sondage sur la surestimation de la présence musulmane par les autochtones en Occident, mené cet été par l’institut britannique IPSOS MORI, est exploité par la gauche intellectuelle pour convaincre l’opinion que la « réalité statistique » contredit les « fantasmes du public » : la perception naturelle d’un phénomène doit s’incliner devant le discours des élites et des médias.
 
Le sondage IPSOS MORI publié par le Guardian porte sur quatorze pays, France, Belgique, Canada, Australie, Grande Bretagne, Italie, Etats-Unis, Espagne, Allemagne, Suède, Hongrie, Pologne, Corée du Sud et Japon. Pourquoi cet échantillon ? Pourquoi pas !
 
Il s’intéresse en général à la mauvaise perception par l’opinion des phénomènes sociologiques (« Perception is not reality ») et comporte plusieurs questions. Par exemple, quelle est selon vous la proportion, dans la population de votre pays, de plus de soixante-cinq ans, d’abstentions aux élections, de chômeurs, d’immigrés, de musulmans. Pourquoi ces thèmes ? Pourquoi pas !
 
Onze mille personnes ont été interrogés par l’équipe du sondage IPSOS MORI. Est-ce assez ? C’est aux statisticiens de répondre. Ce qui est sûr c’est que les résultats ont été présentés de façon très spéciale. De façon à accuser la France, ou plutôt les Français. A les en croire, ceux-ci croient que la proportion des musulmans en France serait de 31%, alors qu’elle n’est, dans la « réalité statistique », que de 8%. Pour « les Américains », les données correspondantes sont de 15% et 1%.
 

La France championne de surestimation de la présence musulmane ?

 
Aussi le sondage IPSOS MORI classe-t-il la France championne de la perception fausse, avec une erreur de 23% (31-18), et les Etats-Unis en septième position seulement, avec une erreur de 14% (15-1). Une présentation plus juste aurait placé les Américains « devant » les Français, puisqu’ils perçoivent 15 fois plus de musulmans qu’il n’en existe dans la « réalité statistique », alors qu’en France la surestimation de la présence musulmane n’est que de un à quatre. Et ils mettraient sur le podium les Polonais, qui pensent que la part des musulmans dans la population polonaise serait de 7%, quand elle n’est, selon le sondage IPSOS MORI, que de 0,1% : ainsi la Pologne multiplierait-elle la réalité par soixante-dix ! Doit-on y voir le signe d’un excès de vodka ? En tout cas, « montrer du doigt la France » n’a aucun fondement dans la « réalité statistique ».
 
A partir de cette étude que l’on doit déjà prendre avec précautions, nous y reviendrons, la gauche intellectuelle francophone s’est focalisée sur la seule surestimation de la présence musulmane pour y déceler des « fantasmes du public » particulièrement pervers : d’après la sociologue Nacira Guéniff-Souillamas dans l’Obs, « l’idéologie raciste fait son chemin ». Elle serait le résultat de quarante ans de « discours public corrosif » présentant « l’immigration comme un problème ».
 

Fantasmes du public ou tarte à la crème des intellos ?

 
Ce thème est repris par un bon nombre de journaux et d’intellectuels à gauche. A l’inverse, une autre sociologue, Michèle Tribalat, explique dans le Figaro que cette interprétation du sondage IPSOS MORI est tendancieuse. Elle note que l’on trouve des écarts de la même ampleur entre la réalité statistique et la perception du public sur les plus de soixante-cinq ans, le taux de chômage ou l’abstention : faut-il y voir un « racisme anti-vieux », ou anti-chômeurs, ou anti-élections ? Et elle se range à l’opinion de Bobby Duffy, le directeur d’IPSOS MORI, pour qui les erreurs de perception ont deux causes principales : « une combinaison de l’expression de craintes pour soi-même ou pour la société » et « l’inculture statistique générale », sans négliger « le rôle néfaste que jouent les politiques et les médias ». Mais, pas plus que Duffy ou Guéniff-Souillamas, elle ne met en cause le sondage IPSOS MORI lui-même.
 
Or, deux questions au moins se posent à son propos. Qu’en est-il d’abord de la « réalité statistique » ? Si la proportion de musulmans peut-être mesurée en Angleterre en aux Etats-Unis, où les recensements en fonction de l’origine religieuse (et ethnique) sont permis, il n’en va pas de même en France, où ils sont interdits par la loi. On en est réduit aux estimations, celle du PEW que reprend le sondage IPSOS MORI, ou celle de Michèle Tribalat elle-même. Ces estimations convergent à peu près sur un nombre de cinq millions en 2014 (soit 8% de la population totale en effet).
 

Une analyse critique du sondage IPSOS MORI

 
Mais, question subsidiaire, peut-on faire confiance à la solidité scientifique de telles estimations ? Chacun pourra porter sa pierre à une telle controverse, mais le sage saura rester prudent. En Belgique, l’estimation vulgarisée par le sondage IPSOS MORI est aujourd’hui de 6%. Soit. Mais l’on s’inquiète quand Brigitte Maréchal, spécialiste de l’islamologie à l’université (réputée) de Louvain la neuve s’écrie : « Cela fait des années qu’on répète ce chiffre de 6%, et pourtant ce n’est toujours pas intégré ! C’est dire combien la place des imaginaires est énorme. » De deux choses l’une : ou le chiffre de 6% est valable aujourd’hui, et cela suppose que depuis « des années » la proportion des musulmans n’a pas évolué en Belgique. Qui le croira ? Ou alors l’évaluation de 6% n’a pas de valeur aujourd’hui. Autrement dit, les gens prétendument sérieux ne sont pas sérieux, la science n’est invoquée ici que par argument d’autorité pour que les « fantasmes du public » cèdent devant une « réalité statistique » fixée arbitrairement.
 
La deuxième question est encore plus dérangeante : qu’est-ce qu’un « Français », un « Américain », un « Polonais », un « Coréen du sud » ? Autrement dit, comment sait-on, en interrogeant onze mille personnes à travers quinze pays, ce que pensent les ressortissants de ces quinze pays ? On aimerait en savoir un peu plus sur les méthodes utilisées par le sondage IPSOS MORI. Avez-vous déjà entendu, même chez le salafiste le plus optimiste ou le skin le plus complotiste, quelqu’un vous dire qu’il y a 31% de musulmans en France ? Et si la moyenne est à 31%, c’est que certains, en nombre important, y voient 60 ou 80 % de la population ! Autrement dit, on fait dire au peuple de grosses bêtises pour le convaincre facilement de son erreur.
 

Réalité statistique ou omerta statistique ?

 
Maintenant, puisque Tribalat a parlé « d’inculture statistique généralisée », tâchons d’en démêler les raisons, en France du moins. Notre sociologue reconnaît elle-même, dans son livre Assimilation, la fin du modèle français, « l’inappétence et même la répulsion de la statistique publique pour la collecte des affiliations et pratiques religieuses ». Elle l’a éprouvée en tant que chercheuse. Autrement dit, c’est l’Etat et ses statisticiens, l’Insee en particulier, qui sont responsables de « l’inculture statistique » des Français. Et les rares données fournies par l’Insee qui ont permis les évaluations actuelles proviennent de l’Etude Teo (Trajectoires et origines), qui n’a été menée qu’en 2008, au bout de trente ans de polémiques sur l’immigration ! En d’autres termes encore, les grossières erreurs de ces gros ploucs racistes de Français sont directement provoquées par la rétention d’informations sciemment organisée par l’Etat et par les élites parisiennes. En 1985, dans son livre sur la préférence nationale, le Club de l’horloge avait mis en évidence les défauts de l’appareil statistique français : il avait été montré du doigt par les associations d’encouragement à l’immigration. Dès lors, peut-on honnêtement parler « d’inculture statistique » du peuple français, ou plutôt « d’omerta statistique » du système dirigeant français, Etat, « scientifiques », et médias conjugués ? Longtemps, les recherches sur le nombre d’immigrés, d’étrangers, puis de musulmans en France ont été bloquées pour ne pas donner de l’eau au moulin du Front National. Trois ou quatre millions d’immigrés, deux ou trois millions de musulmans, c’était encore trop. Pour empêcher la colère populaire de croître et de le balayer, le système a nié certains phénomène en en interdisant la mesure, ce qui a mécaniquement mené le public à en grossir l’ampleur et discrédité la vérité officielle.
 
Naguère, pour détourner l’attention du peuple de l’accroissement des vols, des meurtres, des viols, des incendies de voitures, le système parlait de « ressenti sécuritaire ». Aujourd’hui il dénonce les « erreurs de perception » qui révèlent les « fantasmes du public ». C’est, sous les auspices de la science, une simple manipulation politique. Il s’agit de dire aux Français – et aux autres : ce que vous voyez, ce que vous éprouvez, n’a aucune importance : la seule vérité qui compte est la nôtre.