Le think tank “Friends of Europe” annonce une politique commune des migrations vers l’UE

think tank Friends Europe politique commune migrations UE
 
Le site Internet du think tank quasi institutionnel Les amis de l’Europe (Friends of Europe) vient de publier un article très révélateur signé de son fondateur et président, l’ancien journaliste du Financial Times Giles Merritt. Celui-ci livre sa pensée sur les prochaines discussions de la Commission de Bruxelles, qui s’annoncent animées, sur les migrations. On va, rappelle-t-il, vers la création d’une « Autorité européenne du travail », « puissant instrument nouveau qui ne s’intéresse pas spécifiquement au travail des migrants mais dont les objectifs comprennent la réinstallation des migrants et le soutien à leurs efforts de recherche de travail ». Merritt décrit la mise en place prochaine d’une nouvelle politique commune des migrations vers l’UE, qu’il appelle de ses vœux.
 
Merritt rappelle que Jean-Claude Juncker, président de la Commission, a annoncé cette initiative de taille presqu’en passant lors de son discours sur « l’état de l’Union » en septembre dernier, en termes sibyllins. On n’en sait pas beaucoup plus sur la « promotion du potentiel d’un marché du travail européen à la fois pour les entreprises et les travailleurs » qu’en attend Bruxelles. Possible pomme de discorde, alors que l’Europe n’arrive pas à se mettre d’accord sur le traitement du dossier des réfugiés, ou nouveau cadre pour la gestion de ce problème qui va grandissant, la nouvelle Autorité est considérée par « Les amis de l’Europe » de manière favorable à condition de la mettre en place de manière « adroite ».
 

Une politique commune des migrations vers l’UE grâce à la future Autorité européenne du travail

 
« Peu à peu, et souvent à contrecœur, ceux qui planifient les politiques à travers l’Europe commencent à se rendre compte que la tendance à l’accélération des départs à la retraite couplée avec une fécondité peu élevée signifie que la population active de l’UE de 240 millions de personnes aujourd’hui sera amputée de quelque 30 millions de personnes d’ici à 25 ans. Cela représente un gros morceau en termes de revenus d’impôts et de consommation en moins, en même temps qu’une charge supplémentaire en dépenses de soins et de pensions. Une productivité améliorée et un marché du travail plus efficace viendront à la rescousse, mais la solution de la plus évidente, c’est davantage de migration », note Giles Merritt.
 
Selon le président de Friends of Europe la Commission européenne en est bien consciente et l’a même annoncé discrètement depuis quelque temps, tout en évitant d’en faire des gros titres « de peur d’exacerber les disputes européennes à propos des réfugiés ». « Elle avance pourtant à tâtons vers une politique d’immigration commune, où les fonctionnaires envisagent les moyens d’échapper au blocage entre les gouvernements de l’UE à propos du plan de répartition des charges liées à l’accueil des réfugiés », notamment en raison des actions du groupe de Visegrad, analyse l’auteur.
 

Le think tank “Friends of Europe” présente des arguments « irréfutables » pour l’immigration massive

 
« La Commission devrait plutôt se concentrer sur une approche plus constructive et plus volontariste qui permet d’aller bien plus loin que les quotas de réinstallation. Les Etats membres devraient être invités à se mettre d’accord sur ce qui relève ou non des responsabilités nationales et des prérogatives en matière d’immigration. Cela permettrait mieux de définir les paramètres d’action collective au niveau de l’UE », écrit cet européiste convaincu. En donnant aux Etats l’idée qu’ils peuvent gérer certains aspects de la question, à définir par eux, de manière souveraine, les gouvernements seraient rassurés sur le fait que « Bruxelles a abandonné l’idée d’une répartition des charges rigides ».
 
La mise en place d’un mécanisme de solidarité européen permettrait par exemple de répartir les coûts de réinstallation, de relogement et de formation des migrants, avec notamment la possibilité pour les pays les plus pauvres de l’UE comme les « refuzniks de Visegrad » de contribuer « en nature » par la fourniture d’équipements et de personnels.
 

Une politique de migrations s’imposera à l’UE : la pression monte

 
Selon Merritt, cependant, ce sont jusqu’ici « les populistes qui ont gagné toutes les batailles relatives à l’immigration », eux qui ont joué du discours sur les entrées anarchiques et l’arrivée de djihadistes, dit-il, pour « promouvoir la nécessité des murs plutôt que de l’intégration des nouveaux venus ».
 
« Mais cela ne réglera pas les difficultés de l’Europe qui a besoin de bras, ni les pressions irrésistibles exercées par les explosions démographiques à la fois en Afrique et dans les pays arabes. Les arguments en faveur d’une stratégie de migration mesurée, à long terme et pan-européenne sont irréfutables, et doivent être mis en avant par la Commission de manière plus audible et avec une plus grande conviction que cela n’a été fait jusqu’à présent », assure Giles Merritt.
 
Il faut savoir que Friends of Europe n’est pas quelque obscur groupe de pression fédéraliste : il compte de nombreux anciens responsables européens qui vont de Pat Cox, ancien président du Parlement européen à Mario Monti, Sylvie Goulard, Pascal Lamy ( ancien directeur de l’OMC), Herman van Rompuy, prédécesseur de Juncker à la tête de la Commission de Bruxelles et Guy Verhofstadt.
 
Friends of Europe affichait un budget de 2.774.000 euros en 2016, constitué par les adhésions (18 %), les subventions institutionnelles, gouvernementales et issues du monde de l’entreprise, et les fonds récoltés en vue de projets particuliers. Les institutions internationales, et notamment européennes, ont contribué cette année-là à hauteur de 10 % du budget.
 

Anne Dolhein