Trump ressuscite la Ex-Im Bank : l’aide à l’exportation qui profite aux plus gros

Trump Ex Im Bank aide exportation ressuscite
 
De Boeing à General Electric en passant par Caterpillar, les plus gros manufacturiers américains peuvent se frotter les mains. Si Donald Trump avait laissé entendre très clairement qu’il ne ferait rien pour la Ex-Im Bank, la banque d’aide à l’export-import accusée de toutes parts de profiter à des entreprises parasites, il vient de changer son fusil d’épaule en nommant de nouveaux administrateurs. Pour The New American, le président américain a choisi de ressusciter l’établissement qu’il avait précédemment accusé dans un tweet de symboliser le copinage de Washington : « Elle vole au contribuable pour subventionner les grosses corporations. Stop ExIm. Nettoyons le marécage ».
 
Le plus étonnant, c’est que l’Export-Import Bank était à l’agonie. En 2015, la Chambre des représentants a refusé de renouveler sa charte pour la première fois depuis 1945. Elle est pour ainsi dire sous assistance respiratoire – seules les subsides aux transports qu’elle a finalement reçues lui permettaient d’espérer fonctionner jusqu’à septembre 2019, pas davantage. Mais avec seulement trois conseillers d’administration sur les cinq prévus par sa charte, elle ne pouvait garantir les prêts cautionnés par les contribuables au-delà d’un montant de 10 millions de dollars.
 
Trump lui-même l’accusait volontiers d’assurer aux politiques et aux plus grosses entreprises une « surprotection » bien confortable.
 

Ex-Im Bank, fleuron du capitalisme des copains, profite aux plus gros

 
Il a suffi, semble-t-il, d’une conversation du nouveau président américain avec le PDG de Boeing, Dennis Mullenburg, pour que Trump soit complètement retourné. L’entretien a eu lieu dans le domaine présidentiel de Mar-a-Lago à Palm Beach en décembre : c’était le moment où Trump s’était plaint bruyamment du devis présenté par Boeing pour le nouvel Air Force One. Il s’était engagé à faire construire le nouvel avion présidentiel pour nettement moins que les 4 milliards de dollars annoncé par Boeing, dont le chiffre d’affaires de près de 100 milliards de dollars dépend assez largement des dépenses fédérales.
 
Vendredi dernier, Bloomberg a fait savoir que Mullenberg est réputé avoir « aidé le président à changer son point de vue » sur Ex-Im Bank – dont Boeing se trouve être le plus important bénéficiaire en tant qu’exportateur. Trump l’a vaguement confirmé : « Instinctivement, on aurait tendance à dire : n’est-ce pas quelque chose de ridicule ? Mais en fait, c’est une très bonne chose ». Il voulait parler de la possibilité « ridicule » de subventionner, sous caution du contribuable, des sociétés qui peuvent se financer elles-mêmes.
 
Vendredi encore, Trump a annoncé son intention de nommer Scott Garrett à la présidence de la banque, tandis que Spencer Bachus rejoindra le conseil d’administration. Ce dernier, représentant de l’Alabama, a toujours soutenu l’Ex-Im Bank, tandis que Garrett, représentant du New Jersey pendant sept mandats consécutifs, ceci est toujours montré frontalement opposé, au nom de la dénonciation du « capitalisme des copains ». Garrett se serait-il lui aussi laissé convaincre ? Ce qui est sûr, c’est que si Trump n’avait rien fait, la banque, qui a statut d’agence fédérale depuis 1945, serait morte de sa belle mort.
 

Trump ressuscite l’Ex-Im Bank à la suite d’une volte-face spectaculaire

 
A l’époque, l’institution créée sur ordre exécutif de Franklin Roosevelt une dizaine d’années plus tôt, était présentée comme offrant aux petites entreprises la possibilité de s’agrandir grâce aux marchés internationaux mais ne disposant pas de capital suffisant, ou incapables de prendre les risques associés à ce type d’aventure ou de trouver une banque privée capable de garantir les investissements en cas de défaut de paiement des clients étrangers – c’est, en gros, ce que fait la COFACE française en assurant le paiement des marchandises exportés.
 
Mais en définitive, ce sont les plus grosses sociétés américaines, telles Boeing, General Electric, Caterpillar, Bechtel, Exxon Mobil, Applied Material et Westinghouse qui ont bénéficié le plus largement du système. Entre 2007 et 2013, Ex-Im a subventionné leurs ventes à hauteur de quelque 100 milliards de dollars, dont les deux tiers pour Boeing.
 
Même Barack Obama s’en était ému en tant que candidat, affirmant : « Je ne suis pas un Démocrate qui pense que l’on peut ou que l’on doit défendre tout programme gouvernemental simplement parce qu’il existe. Il y en a qui ne fonctionnent pas comme nous l’aurions voulu, tel… l’Ex-Im Bank qui n’est guère plus qu’un fonds pour sociétés parasites ».
 
Arrivé à la Maison Blanche, il avait lui aussi opéré une volte-face, notamment en raison de sa relation avec le président de General Electric, Jeffrey Immelt, qu’il avait nommé dans son Conseil pour la relance économique. Obama avait alors soutenu que l’Ex-Im Bank fonctionne bien : « Elle est indépendante. Elle se finance elle-même ».
 

L’aide à l’exportation n’est pas une compétence fédérale

 
Mais en réalité les contribuables ont beaucoup… contribué. Les prêts garantis à Solyndra, fabricant de cellules photovoltaïques qui a fait faillite en 2011, ont coûté des millions. Tout comme ceux consentis à Enron, la société énergétique qui a déposé son bilan la même année.
 
Tout cela se discute et s’argumente d’un point de vue économique, mais il suffit de noter, souligne The New American, qu’aucune disposition constitutionnelle ne justifie l’existence d’un tel établissement.
 
Il reste une possibilité : que Donald Trump ait décidé de saboter l’Ex-Im Bank en nommant à sa tête un de ses plus farouches détracteurs. Nomination qui reste à confirmer par le Congrès et qui pourrait être de ce fait rejetée par les Démocrates. Ceux-ci, du même coup, suprême ironie, contribueraient à tuer la banque des copains. Est-ce ce qu’il désire ? Ses décisions semblent aujourd’hui tellement erratiques qu’il est difficile de le croire d’emblée.
 

Anne Dolhein