Immigration, « déportation » : Trump piégé par l’électorat hispanique

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Les démocrates reprochent à Donald Trump une politique d’immigration « agressive », et notamment le mot « déportation » qu’il a employé. Piégé par son vocabulaire, il tente de l’adoucir tout en se défendant de faire « volte-face ». Enjeu : l’électorat hispanique et la crainte de paraître raciste.
 
Pour guérir son pays de la gangrène causée par l’immigration, Donald Trump ne souhaite pas seulement ériger un mur entre les États-Unis et le Mexique, ce qui lui a valu d’être traité de « mauvais chrétien » par le pape François, il a inscrit à son programme, en anglais dans le texte, la « deportation » des onze millions de clandestins infiltrés aux États-Unis. Or, quand il s’agit d’immigration, le mot se traduit en Français au choix par expulsion, ou reconduite à la frontière, et correspond à peu près à ce qu’on entend en français par le néologisme « remigration », c’est-à-dire la migration inverse, les immigrés retournant à leur pays d’origine. Mais les bobos bien pensants lui en font un crime raciste car « deportation » signifie aussi déportation, un mot très mal connoté depuis la seconde guerre mondiale.
 

Piégé par le mot « deportation » Trump adoucit son langage

 
Piégé par le politiquement correct, Donald Trump essaie donc de changer son vocabulaire en matière d’immigration sans changer sa pensée, mais l’exercice est difficile. A Fox and Friend, le candidat républicain a claironné : « Nous devons être très fermes, nous devons être très très forts quand des gens arrivent illégalement ». Dans l’émission The O’Reilly Factor, il a tempéré la chose : « Je veux juste suivre la loi. ». Et lors d’une réunion de travail le week-end dernier sur la politique d’immigration avec son conseil hispanique, il a parlé de traiter « humainement » les clandestins déjà présents aux États-Unis, spécialement les familles. Il a précisé : « Nous travaillons avec des tas de gens de la communauté hispanique pour trouver la bonne solution. », Quant à la « deportation force », le corps chargé de procéder aux expulsions, interrogé sur le point de savoir s’il était toujours inscrit à son programme, son directeur de campagne Kellyane Conway a répondu que cela « restait à déterminer ». Bref, il semblerait que Trump et son équipe aient mis de l’eau dans leur vin, reprenant la rhétorique politiquement correcte, et lissant ce qui peut déplaire. Ce qu’il résume d’une phrase : « Je ne fais pas volte-face. Nous voulons trouver une solution à la fois très humaine et très ferme. »
 

L’électorat hispanique ne votera pas Trump

 
Si le but visé est de récupérer l’électorat hispanique, cette nouvelle tactique est déjà compromise. Pour le président de la chambre de commerce hispanique des États-Unis, Javier Palomarez, Trump perd sa peine en essayant de modérer son langage. Il n’a pas oublié que le candidat a commencé sa campagne en juin 2015 en traitant de « violeurs » certains membres de la communauté hispanique. L’homme est implacable : « Quand votre famille, votre boulot, votre rêve américain est menacé par un bouffon doté d’un micro national, il n’y a pas de pardon ni d’embrassade au bout. Donald Trump est fichu côté hispanique. Aucun baratin ne changera cela. » Et de fait un sondage récent publié par Fox News donne une avance de 46 point pour Hillary Clinton sur Donald Trump dans l’électorat hispanique (66 % contre 20 %).
 

Trump veut rassembler l’Amérique profonde contre l’immigration

 
Pourtant, sans méconnaître l’importance de l’électorat hispanique (celui qui croît le plus vite et qui pèse de plus en plus sur la politique américaine : l’invasion est un mouvement qui s’accélère lui-même, plus d’immigration entraîne une politique plus favorable à l’immigration), la cible de la nouvelle tactique de Trump est sans doute l’électorat américain traditionnel, celui que les Américains appellent « l’électorat blanc ». C’est l’opinion de Frank Sharry, le fondateur du lobby pro-immigration America’s Voice : « Mon hypothèse est qu’il essaie une rhétorique un peu plus douce et gentille dans l’espoir de rallier les Blancs des banlieues qui ne seraient pas à l’aise en élisant un raciste ». C’est aussi l’opinion de Jon Feere, analyste au Centre d’études de l’immigration, selon qui l’électorat hispanique se répartit toujours deux tiers pour le Démocrate et un tiers pour le Républicain, quels que soient les candidats. Si elle vise l’électorat blanc, cette nouvelle tactique peut marcher. En tout cas, lui-même est convaincu : « La politique de restriction de l’immigration doit être humaine et correcte. Mais cela ne signifie pas que les gens puissent mépriser nos lois. » Dans cette hypothèse, pour ne pas se retrouver piégé par l’électorat hispanique en particulier et le poids des minorités instrumentalisées par les Démocrates en général, Trump doit rassembler une vaste majorité de l’Amérique profonde contre l’immigration.
 

Pauline Mille