La loi de l’Utah qui impose l’anesthésie des fœtus lors de l’avortement devrait s’appliquer aux animaux…

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Fin mars, l’Utah est devenu le premier Etat des États-Unis à exiger l’utilisation de l’anesthésie lors d’avortements pratiqués sur des fœtus capables de ressentir la douleur, c’est-à-dire au-delà d’un seuil fixé à 20 semaines de grossesse. C’est un texte qui soulève bien des questions, posées avec une réelle rigueur par un professeur de droit sur un blog du Huffington Post. De telles lois montrent toute l’ambiguïté qu’il peut y avoir dans la politique des petits pas contre l’avortement. En l’occurrence, le Pr Michael C. Dorf pousse le raisonnement jusqu’au bout et réclame une réflexion sur l’exploitation et l’abattage des animaux sensibles non-humains.
 
Il semble, d’après son blog personnel et ses autres écrits, que Michael C. Dorf soit favorable au « droit » à l’avortement et aux droits LGBT. Ce n’est pas la question ici. Il s’agit de comprendre comment l’incohérence d’un combat finit par desservir la cause que l’on veut défendre.
 

L’anesthésie des fœtus lors de l’avortement : une loi ambiguë

 
L’auteur remarque que le lobby « pro-choix » de l’Utah soutient que les fœtus humains ne ressentent la douleur qu’à 27 semaines, et ajoute que l’administration d’un anesthésiant peut avoir des effets néfastes sur la santé de la femme enceinte. « Ce sont des inquiétudes légitimes, mais elles ne constituent pas des arguments contre l’anesthésie fœtale. Personne ne peut nier qu’un moment précédant la naissance, le fœtus moyen ressent la douleur et d’autres sensations », remarque Dorf. Au mieux devrait-on alors modifier le délai à partir duquel l’anesthésie devient obligatoire, et développer des techniques pour rendre l’opération sans danger pour la femme.
 
Mais il pose la question : pourquoi ne pas interdire purement et simplement l’avortement de fœtus capable de ressentir la douleur, comme le font actuellement d’autres Etats ? Les « pro-choix » y voient une menace pour le « droit » à l’avortement, et avec raison, estime-t-il. Mais de telles lois menacent également la position traditionnelle des pro-vie, souligne le professeur. Celle-ci dénonce l’immoralité de l’avortement à n’importe quel stade de la grossesse, puisqu’il n’y a pas de différence de nature entre le zygote et un étudiant de 20 ans : tout deux sont des êtres humains uniques et irremplaçables.
 

L’Utah fait tuer les enfants à naître de manière moins cruelle…

 
« L’interdiction de l’avortement sur un fœtus capable de ressentir la douleur repose sur une logique très différente. Elle présuppose que le droit à la poursuite de l’existence dépend de la capacité à expérimenter la douleur. (…) Ces lois font de la sensibilité le diviseur entre une personne simplement potentielle est une personne en acte. La sensibilité est simplement la capacité à avoir une expérience quelconque. Elle constitue la différence entre être un quelqu’un et un quelque chose », écrit-il.
 
Notant que les zygotes, comme les embryons et les fœtus possèdent un ADN humain avant d’atteindre la sensibilité fœtale, le professeur souligne avec raison que l’interdiction de l’avortement à ce stade accorde à la sensibilité une signification morale dont la simple appartenance à l’espèce humaine serait privée.
 
Les conséquences sont multiples : « Après tout, les êtres humains ne sont pas les seuls êtres sensibles sur la planète. Et si la sensibilité, plutôt que l’appartenance à l’espèce humaine, fonde le droit à la vie des fœtus en fin de grossesse, pourquoi les autres animales sensibles n’aurait-il pas eux aussi un droit à la vie », d’autant plus facile à justifier aujourd’hui que l’éthologie ne cesse de découvrir de nouvelles « émotions » dont beaucoup d’animaux sont capables.
 

Si sentir la douleur justifie le droit à la vie, on considère les enfants comme des animaux

 
« La loi de l’Utah n’interdit pas l’avortement des fœtus capables de douleur. À cette aune, on pourrait faire l’analogie avec les lois qui permettent l’abattage des animaux selon des méthodes sans cruauté. On peut tuer, tant que cela se fait sans douleur », note le juriste.
 
Et de dénoncer des multiples cas où les lois sur l’abattage des animaux sont « tragiquement insuffisantes, par dessein » : aux États-Unis, par exemple, elles ne couvrent pas le cas des volailles abattues par milliards chaque année dans l’industrie alimentaire, et les lois qui existent n’assurent pas l’élimination totale de la souffrance des animaux.
 
Le Pr Dorf note certes que les lois de l’Utah et d’autres Etats visent principalement à limiter l’avortement du fait de l’impossibilité pragmatique et juridique, liée à la jurisprudence de la Cour suprême, de l’interdire tout à fait. C’est la politique des petits pas – qui aboutit, comme on le voit, à organiser et à encadrer la mise à morts d’êtres humains, ce qui est une manière d’affirmer que les victimes ne méritent pas d’être considérées comme tels.
 
Cela va finalement dans le sens de ceux qui réclament le « droit » à l’avortement, et aboutit également à rendre floues les frontières entre l’homme et l’animal. Avec deux effets : le premier, c’est qu’il renforce les revendications des défenseurs des animaux ; le deuxième, c’est qu’il apporte de l’eau au moulin de ceux qui veulent en finir avec le statut à part de la nature humaine pour en faire un simple animal parmi d’autres.
 

Anne Dolhein