DOCUMENTAIRE
Le Vénérable W ♥


 
Le Vénérable W dont il est question est le Vénérable Ashin Wirathu. Ce moine bouddhiste birman est une célébrité, une référence morale dans son pays, la Birmanie ou Myanmar. Il est considéré comme un maître à penser, d’où ce titre de « Vénérable », du reste assez commun. Le Vénérable W s’est fait connaître dans les années 1990 en osant protester contre des méthodes de méditation nouvelles et un peu ridicules – les vidéos montrées en font foi – proposées par des moines proches du pouvoir militaire. Vexés, ces moines ont veillé à ce qu’il effectue quelques années de prison. Il en est résulté un grand prestige pour Wirathu dans la population. S’il s’en vante, il n’a semble-t-il pas joué le moindre rôle dans le grand mouvement de protestation des moines bouddhistes contre la dictature en 2007. En fait Wirathu et son bouddhisme populaire et intransigeant sert de troisième force politique et sociale entre le pouvoir militaire et socialiste, ou ses héritiers d’aujourd’hui, et la Ligue pour la Démocratie d’Aung San Suu Kyi. Cette dernière est actuellement au pouvoir, ou plutôt en situation complexe et opaque de partage du pouvoir avec les militaires. Wirathu reste la troisième force dans ce pays composé à 90 % de bouddhistes et à 70 % de birmans ethniques. Le bouddhisme sert de ciment à une unité nationale précaire. Wirathu se situe dans un rapport de force permanent, ce qui ne veut pas dire hostilité et encore moins hostilité déclarée, avec les uns comme les autres.
 

Le Vénérable W, passionnant et irritant

 
Le Vénérable W s’est distingué encore et surtout, et tel est le cœur de ce documentaire même si on ne saurait limiter le personnage à cet aspect, dans sa la lutte contre l’islam. Il a développé ce combat à partir de 2010 environ. Selon lui, la Birmanie serait menacée par une explosion démographique de la population musulmane. Cette théorie est démentie par les statistiques officielles, qui déclarent un niveau constant sur des décennies à 4 % de mahométans, soit. Mais sont-elles plus fiables qu’en France ? Le Vénérable W déteste l’islam, en le connaissant, et mieux que les journalistes ou humanitaires européens qui ne peuvent s’empêcher de le contester après coup, avec des commentaires tenant du politiquement correct le plus ridicule, et peut-être intéressés pour les journalistes occidentaux redevables à la chaîne qatarie Al-Jazeera.
 
En 2012 un soulèvement de la minorité ethnique et religieuse musulmane des Rohingyas éclata dans la province occidentale de l’Arakan. Les révoltés massacrèrent des Birmans ethniques et des Arakanais bouddhistes. Il en est résulté des massacres de représailles contre les musulmans dans la province en question, puis dans toute la Birmanie. C’est là certainement une triste chose. Mais il n’existe absolument pas de solution simple, admissible par tous, pacifique, à cette question des Rohingyas. Le Vénérable W n’est certainement pas un être innocent ou doux. Le montage du film met en valeur certaines de ses déclarations qui, sorties de leur contexte, peuvent être absurdes ou de mauvais goût mais ceci tient au procédé connu et peu honnête.
 
Si la matière du Vénérable W est passionnante, avec un sujet rarement abordé en France, le point de vue systématiquement pro-musulman, et donc hostile au Vénérable, agace quand même. Un ton plus neutre aurait été infiniment préférable.
 

Hector JOVIEN

 
Vénérable W Documentaire Film