Il avait promis de limiter le déficit public et de viser un budget à l’équilibre en quatre ans. Au bout de quelques mois seulement au poste de Premier ministre du Canada, Justin Trudeau a déjà tourné le dos à tous ses engagements. Les analystes prévoient déjà un déficit record pour l’année fiscale qui démarrera au 1er avril, avec 30 milliards de dollars canadiens (22 milliards de dollars US) de dépenses au-delà des recettes escomptées – ce sera l’un des plus gros retournements fiscaux que le pays ait connu, d’après Bloomberg. Et la situation est aggravée par la chute des revenus causée par la baisse des prix du brut, dont le Canada est exportateur.
Le chiffre de 22 milliards de dollars est celui avoué par le ministre des Finances de Justin Trudeau. Il est dans la continuité de ce qui se fait depuis quatre mois : élu le 19 octobre dernier, le nouveau Premier ministre libéral a largué les amarres fiscales, espérant que les dépenses dans les infrastructures et « l’état de grâce » de l’après-élection feraient oublier les promesses de campagne.
Justin Trudeau oublie ses promesses de campagne
S’il est vrai que Trudeau s’est fait élire en critiquant le programme de rigueur fiscale, présenté comme responsable de la croissance de l’économie canadienne restée en demi-teinte depuis la récession 2009, il avait aussi cherché à rassurer les plus prudents en assurant que les déficits annuels ne dépasseraient en aucun cas les 10 milliards de dollars canadiens par an. Le retour à l’équilibre devait se faire en quatre ans, tandis que le poids du déficit par rapport au PIB devait aller en s’amenuisant.
Ce sont ces trois promesses qui sont rompues en même temps, comme l’a indiqué lundi le ministre des Finances Bill Morneau sans états d’âme. La « mise à jour fiscale » à un mois de la présentation du premier budget du nouveau gouvernement, les dépenses annoncées correspondent déjà à 18,4 milliards de dépenses, auxquels s’ajoutent les 11 milliards supplémentaires promis lors de la campagne, et, éventuellement, des mesures de « stimulus » que Trudeau et son équipe pourraient mettre en place. Cela correspond naturellement à une augmentation du poids de la dette par rapport au PIB.
Le déficit en forte hausse au Canada
Trudeau s’est justifié en disant que le fait de tenir ses promesses serait « pire » pour l’économie canadienne que de contenir les dépenses. Il estime en remplir d’autres en contribuant à renforcer l’investissement et à soutenir les classes moyennes.
De fait, le Canada est le pays le moins endetté du G7 et il le restera, même avec un déficit accru. Plusieurs agences de notation l’ont même encouragé dans cette voie, du fait de la modicité actuelle du coût de l’argent : c’est le moment d’emprunter. Les annonces faites par Bill Morneau n’ont d’ailleurs pas eu d’effet délétère sur la valeur de la monnaie canadienne, qui a gagné 0,4 % en fin de journée.
Le déficit canadien passera de 0,1 % du PIB à 1,5 % du PIB l’an prochain
Mais l’orientation générale des annonces devrait susciter l’inquiétude, selon Bloomberg : avec 30 milliards de dollars canadiens de déficit, celui-ci représenterait 1,5 % du PIB – contre 0,1 % de déficit pour l’année fiscale en cours.
C’est d’ailleurs un conseiller de campagne de Trudeau, Kevin Mulligan, professeur d’économie à l’université de British Columbia, qui tient ce langage : il parle de « sonnette d’alarme » qu’il faudrait savoir entendre lorsque le pourcentage de déficit grandit en temps de croissance économique.