La visite d’Obama à Hiroshima et le sommet du G7 au Japon sont l’occasion d’une mise en scène de l’horreur dans le dessein d’interdire les armes nucléaires et de renforcer la maîtrise de l’ONU sur la politique planétaire. En écho aux paroles du pape François en août dernier pour le septantième anniversaire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki.
Barack Obama a longuement serré la main d’un des rares survivants (on les appelle Hikabusha) du bombardement qui a réduit Hiroshima en poussière et en feu le six août 1945. Les deux êtres humains arrimés par leurs dix doigts « n’ont pas eu besoin d’interprète » pour comprendre ce que signifiait leur geste. Tant mieux. Cela fait une belle image, assortie au vocabulaire utilisé : exceptionnellement, le service de presse de la Maison blanche n’a pas parlé de « frappe » comme c’est devenu l’usage, mais de « bombardement », mot qui rappelle les temps reculés, l’horreur, les heures les plus sombres.
Le show d’Obama à Hiroshima
Puis Barack Obama s’est rendu au parc du mémorial de la paix en compagnie du premier ministre japonais Shenzo Abe, et les deux hommes ont jeté chacun une couronne blanche sur la pyramide blanche qui symbolise la paix.
Le temps de prendre la photo, le moment du recueillement légal écoulé, le président Obama a donné à la planète entière la leçon de morale qu’elle attendait : « Nous devons avoir le courage d’échapper à la logique de peur et fonder un monde sans armes nucléaires ». C’était, d’après le prospectus de la Maison Blanche, le but de cette visite d’Hiroshima, il s’agissait pour Obama de mettre en lumière son engagement permanent à « rechercher la paix et la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ».
Et c’est d’ailleurs pour cela que les Hikabusha l’ont invité. S’ils lui ont demandé de venir toucher du doigt leur « expérience d’un enfer indescriptible sur terre », c’est pour en tirer une conclusion géopolitique. Ils le pressent de « ratifier le traité d’interdiction complète des essais nucléaires dans le cadre de l’ONU afin de parvenir à un monde pacifique et sûr, délivré des armes nucléaires ».
L’Amérique a utilisé les armes nucléaires, elle sait !
La repentance est aujourd’hui le passeport universellement exigé pour accéder à l’extinction du ressentiment, mais, exceptionnellement, Obama en a été exempté par les Hikabusha. Survivants paradoxaux, ceux-ci ne demandent pas des comptes au successeur légal de leur bourreau Harry Truman, mais à leur propre gouvernement, successeur de celui de 1941, qu’ils estiment responsable d’avoir « commencé la guerre ».
Donc, le président Obama n’a pas fait repentance pour le double crime contre l’humanité d’Hiroshima et de Nagasaki, crime d’autant plus surprenant que la reddition du Japon impérial était acquise avant qu’il ne soit commis, mais cela ne l’a pas empêché de se sentir très concerné, comme il l’avait déjà dit à Prague le cinq avril 2009 :
« En tant que seule puissance nucléaire à avoir utilisé l’arme nucléaire, les Etats-Unis ont une responsabilité morale à agir (…) Aujourd’hui j’affirme clairement et avec conviction l’engagement de l’Amérique à rechercher la paix et la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ». On aura noté le retour lancinant des mêmes expressions, des mêmes éléments de langage, à la manière des mantras, des formules magiques, et de la propagande.
La manœuvre mondiale pour renforcer l’ONU
Le résultat est tout de même piquant : voilà un président des Etats-Unis qui vient rendre visite à une ville, Hiroshima, que ses prédécesseurs ont martyrisée, et qui excipe du crime contre l’humanité qu’ils ont commis pour imposer au monde sa vision politique ! Du style, je ne me repens pas, mais puisque les Etats-Unis ont seuls l’expérience du crime atomique, faites ce que je vous dis ! Un peu comme si le petit-fils d’Hitler venait fleurir Auschwitz en disant : « Plus jamais ça » ! Avec fanfares et larmes à la télévision.
Au-delà du ridicule et de l’odieux de la posture d’Obama, il faut comprendre le tour de passe-passe en cours. Le président des Etats-Unis et l’ONU exploitent sans vergogne l’horreur d’Hiroshima et la pitié qu’elle suscite naturellement pour imposer le projet tyrannique d’abolition des armes nucléaires. Juste avant qu’Obama ne vienne à Hiroshima faire son show, le sommet du G7 à Ise-Shima a produit une « déclaration finale » sur le désarmement nucléaire. On y lit notamment :
« Nous réaffirmons l’importance et la nécessité de construire une ONU plus forte, plus étroitement liée, plus efficace, et, à cette fin, nous notons l’importance d’un engagement continu sur des réformes de l’ONU, en particulier à propos du Conseil de sécurité ».
Interdire les armes nucléaires pour réduire les puissances moyennes
La cible de ce missile est claire : les puissances moyennes en général et la France en particulier sont visées. La réforme du Conseil de sécurité inclurait en effet une redéfinition du collège des membres permanents, au sein duquel la France et la Grande Bretagne sont assises sur des strapontins, la France ne gardant son siège qu’en échange d’un travail épuisant et sanglant de gendarme de l’Afrique. Et interdire les armes nucléaires reviendrait à mettre notre pays au niveau de l’Italie, en termes militaires et géopolitiques. Ce serait la fin des puissances moyenne au profit des superpuissances résiduelles et cela reviendrait à renforcer considérablement l’ONU. Ce serait aussi la naissance d’un monde régi par les Etats-Unis et la Chine, avec vraisemblablement en ligne de mire la réduction de la puissance russe.
Ban Ki Moon, docteur Folamour de l’ONU
Cette vision rappelle les plans de paix caressés périodiquement par les dirigeants américains depuis les années soixante. Pour préparer son allocution devant l’assemblée générale de l’ONU le 25 septembre 1961, le président Kennedy avait fait établir un document du département d’Etat (Programme des Etats-Unis pour un désarmement général et complet dans un monde en paix), où il est affirmé : « Aucun Etat ne doit atteindre la puissance nécessaire à défier une force de paix de l’ONU qui sera progressivement renforcée ». Voilà qui renvoie également à ce que disait le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, le 27 mars 2015, lorsqu’il appela 106 militaires de haut grade des principaux Etats affiliés à l’ONU à promouvoir une « force de maintien de la paix » mondiale pour exercer une « responsabilité globale et partagée ». Il se considérait ce jour là comme le commandant en chef de la deuxième armée du monde, en termes opérationnels : « Nous avons 130.000 soldats en opérations extérieures. Nous ne sommes dépassés que par les Etats-Unis ». Interdire les armes nucléaires, pour ceux qui en font la promotion, aboutirait donc à faire de l’Amérique et de l’ONU les deux puissances militaires dominantes de la planète.
Obama et le pape François sur la ligne de l’ONU
Les déclarations d’Obama et du G7 font écho à la récente interview du pape François dans La Croix où il condamnait la guerre et les marchands d’armes, à son message du onze avril à la Conférence sur la non-violence et plus encore à ce qu’il a dit en aout dernier à l’occasion du septantième anniversaire d’Hiroshima et Nagasaki. Déplorant « l’énorme pouvoir de destruction de l’homme lorsqu’il fait un mauvais usage des progrès de la science et de la technologie », le pape François affirme qu’Hiroshima et Nagasaki constituent « un appel incessant à l’humanité pour qu’elle rejette la guerre pour toujours et interdise les armes nucléaires, ainsi que toutes les armes de destruction massive ».
Le Saint Père se laisse ici abuser par le terme tétanisant « armes de destruction massive » et par l’assimilation des armes nucléaires à la guerre, et à l’horreur. Or la guerre n’a pas besoin des armes nucléaires, elle a existé avant elles, elle existe sans elles et les massacres de masse aussi. L’élimination des hommes de Neandertal n’a demandé que des haches de pierre taillées, l’interdiction de l’arbalète n’a pas freiné les guerres ni ne les a rendu plus humaines. Et le bombardement des villes allemandes et de la façade atlantique française à la fin de la seconde guerre mondiale a fait plus de morts qu’Hiroshima et Nagasaki, et dans des conditions tout aussi atroces. La rhétorique sur les armes nucléaires ressortit donc à la propagande.
Exploiter Hiroshima pour rénover la vieille propagande mondialiste
Cette propagande rappelle bien sûr celle des Etats-Unis pour convaincre l’ONU de les appuyer lors de l’agression de l’Irak en 2002 – 2003 : la menace d’armes de destruction massive fictives a permis une guerre de destruction bien réelle. Elle rappelle aussi la propagande des mouvements pacifistes (Pugwash, Pax Christi, etc.) au service de la désinformation soviétique des années soixante aux années quatre-vingt.
Et c’est ici que le pape François devient tout aussi intéressant que le prix Nobel de la Paix Barack Obama : l’un est un président américain influencé par le trotskisme, l’autre est un pape jésuite imbibé de théologie de la libération, un tiers-mondiste acquis à la vision mondialiste de l’ONU. Si l’on considère en même temps le synode sur la famille avec Amoris Laetitia, la condamnation du capitalisme, les sorties sur l’immigration, et l‘encyclique écologiste Laudato Si, on voit le pape François donner dans tous les trucs du progressisme, du communisme, du mondialisme, de l’humanisme maçon défendu par l’ONU. Pour lui aussi, interdire les armes nucléaire est un moyen de renforcer l’ONU et de faire avancer la gouvernance mondiale.