Directeur de l’Institut australien de recherche sur la population, Bob Birrell vient de publier une analyse qui critique vivement le programme d’immigration qualifiée mise en place par les pouvoirs publics. Il fonctionne mal pour recruter des migrants dont l’Australie, terre peu peuplée, peut rechercher les compétences. La preuve, selon cet expert, est qu’une bonne proportion des nouveaux venus ne trouve pas de travail.
Les partisans de l’immigration massive mettent souvent en avant l’intérêt de faire venir des étrangers qui apportent leurs talents devenus rares dans le pays d’accueil, souligne Bob Birrell. Mais en faisant venir des « migrants qualifiés », ce ne sont pas les talents nécessaires qui arrivent – cette idée-là est un « mythe » selon lui.
« Seule une petite proportion de migrants récemment arrivés sont actuellement employés à titre professionnel », affirme son rapport publié sous le titre : Australia’s Skilled Migration Program : Scarce Skills Not Required (« Le programme australien d’immigration qualifiée : on n’exige pas les qualifications rares »). Le programme ne donne nullement la priorité aux profils qui font défaut, et de ce fait de nombreux professionnels qualifiés arrivent avec une formation dont ont bénéficié pléthore de personnes déjà présentes dans le pays.
Immigration : l’Australie fait venir des migrants qualifiés qui ne trouvent pas de travail
Il en va ainsi des comptables, des ingénieurs et de nombreux professionnels dans le domaine de la santé.
Au départ, la liste des qualifications recherchées était beaucoup plus limitée : en 2010, date de lancement du programme, on cherchait vraiment à trouver des personnes pour des postes affectés par une « pénurie nationale » : peu à peu, les limites ont été éliminées. Sans doute, estime Birrell, pour maintenir un niveau d’immigration élévé « après le ralentissement du boom minier ». Du côté du Trésor, on a estimé que l’Australie avait besoin des taxes et des impôts que les nouveau-venus qualifiés seraient amenés à payer – freiner l’immigration coûterait un milliard de dollars australiens par an !
C’est évidemment sans compter le coût des mesures sociales en faveur de ceux qui ne trouvent pas d’emploi.
Dans le même temps, les conditions d’inscription des étrangers dans les universités australiennes ont été durcies depuis 2011 : de ce fait, assure le rapport, de nombreux étudiants venus d’ailleurs choisissent des filières comme la comptabilité ou l’ingénierie, officiellement désignés comme des formations dont l’Australie aura besoin à moyen ou long terme, qui puissent leur assurer le droit de rester en Australie après leurs études. Ce qui ajoute encore au problème : « L’Australie déborde de diplômés, à la fois d’origine domestique ou venus par l’immigration ; la demande est susceptible de progresser mais l’offre progressera aussi. »
L’expert Bob Birrell dénonce un programme pour migrants qualifiés qui fonctionne mal
Quant au sous-emploi des migrants qualifiés, il se constate pour tous mais affecte plus gravement les étrangers non anglophones. Le rapport de Bob Birrell est formel : le recensement de 2016 montre que seuls 24 % des immigrés de 25 à 34 ans arrivés de pays non-anglophones entre 2011 et 2016 avaient trouvé un emploi qualifié en 2016 ; 5 % seulement avaient obtenu un poste de cadre ». Ces pourcentages étaient de 50 % et de 13 % respectivement pour les immigrés de pays à dominante anglophone.
A comparer avec les jeunes nés en Australie : 58 % des diplômés du même âge avaient un emploi qualifié, et 10 % étaient cadres.
L’auteur du rapport estime, pour conclure, qu’il vaudrait mieux encourager les jeunes Australiens à suivre des formations qualifiantes dans les domaines où pénurie il y a, plutôt que de faire appel à l’immigration. Mais c’est un bon sens qui ne fait pas seulement défaut aux antipodes.