La Cour de Justice de l’UE a rendu mardi son jugement dans l’affaire des coupes d’arbres réalisées par la Pologne dans la forêt de Białowieża pour lutter contre un coléoptère parasite, le bostryche typographe. Dans cette affaire, la Commission européenne avait pris le parti des écologistes opposés à toute ingérence humaine dans cette forêt inscrite depuis 2008 sur la liste des Zones de Protection Spéciale (ZPS) Natura 2000, « d’importance communautaire ». Le gouvernement polonais, par la voix de son ministre de l’Environnement Henryk Kowalczyk – qui a remplacé Jan Szyszko en janvier dernier à l’occasion d’un remaniement ministériel suite au changement de premier ministre en décembre, a confirmé, comme il l’avait déjà dit, qu’il respecterait la décision des juges de Luxembourg. Selon les juges de la CJ UE, les coupes d’arbres réalisées par les autorités polonaises pour lutter contre la propagation du bostryche typographe violaient deux directives européennes : la directive « Habitats » et la directive « Oiseaux ».
La forêt de Białowieża au centre de deux conceptions opposées de la protection de l’environnement
La Cour de Justice n’a toutefois pas infligé d’amende à la Pologne dans la mesure où les Polonais avaient déjà retiré de la forêt de Białowieża les machines utilisées pour la coupe et le retrait des épicéas infectés par le parasite. La Pologne avait agi ainsi sous la contrainte d’une décision conservatoire prise par la CJ UE en novembre dernier après l’engagement de la procédure par la Commission européenne, avec à la clé la menace d’une astreinte d’au moins 100.000 € par jour. La décision défavorable à la Pologne de la CJ UE était attendue dans la mesure où l’avocat général de la Cour Yves Bot avait émis en février un avis en ce sens.
La Commission européenne avait d’emblée pris le parti des militants écologistes contre le gouvernement du PiS
En Pologne-même, les opinions sont partagées quant à la meilleure manière de lutter contre les ravages provoqués par le coléoptère, entre partisans d’une protection active de la forêt et partisans de la non-ingérence. Pour l’ancien ministre de l’environnement Jan Szyszko, la Commission européenne a été induite en erreur par « des groupes à tendance libérale-libertaire » selon lesquels la Pologne était en train de détruire la forêt primitive. Pour Szyszko, la lutte contre le bostryche typographe par élimination des arbres infectés était une obligation de la Pologne au titre des directives « Habitats » et « Oiseaux », à partir du moment où les autorités avaient constaté la disparition progressive des habitats naturels. Mais pour son successeur Henryk Kowalczyk, le débat est clos puisque la Pologne n’a pas d’autre choix que de se conformer à la décision de la Cour de Justice de l’UE, et sa priorité est désormais de préparer un nouveau plan de protection de la forêt primitive de Białowieża.
La décision de la Cour de Justice de l’UE intervient à un moment où la Pologne veut apaiser ses relations avec la Commission européenne
Le jugement rendu mardi est définitif et il intervient à un moment ou le gouvernement du PiS dirigé par Mateusz Morawiecki cherche à apaiser ses relations avec la Commission européenne. Reculer sur la question de la relocalisation des demandeurs d’asile étant hors de question à l’approche d’une série d’échéances électorales, le PiS voulait mettre fin au conflit sur la forêt de Białowieża et il a également accepté quelques concessions sur la réforme de sa justice avec des amendements aux lois contestées par Bruxelles votés ces derniers jours au parlement.
Espérons que la magnifique forêt de Białowieża ne fera pas les frais de la politique politicienne menée à Varsovie et à Bruxelles. Seul l’avenir dira aux Polonais qui, du ministre Jan Szyszko ou de la Commission européenne, avait raison dans cette affaire. En revanche, s’il s’avère que l’action de la Commission conduit à des destructions irréparables, les Polonais ne pourront malheureusement pas la sanctionner dans les urnes, non plus que les juges de la Cour de Justice de l’UE, et c’est bien là le problème avec l’Union européenne.