Benoît XVI réitère son appel à la célébration de la messe “ad orientem”, au nom de l’œcuménisme

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Le pape émérite Benoît XVI a renouvelé son soutien déjà ancien à la célébration de la messe face à Dieu à l’occasion d’une lettre de réflexions en hommage au patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, qui fêtera bientôt les 25 ans de son élection. Le pape émérite a redit combien la célébration ad orientem a pour lui de l’importance, soulignant que cette manière de dire la messe peut être un élément favorable à l’œcuménisme.
 
La prise de position du pape émérite vient après les difficultés vécues par le cardinal Sarah, « rappelé à l’ordre » en juillet par la salle de presse du Vatican après avoir prononcé une conférence sur la sacrée liturgie à Londres, où il invitait les prêtres à refaire l’expérience de cette célébration « tournée vers le Seigneur ».
 

Tournés vers le Seigneur : Benoît XVI y voit une manière de faciliter l’œcuménisme

 
Les bruits venant de Rome à propos du sentiment du pape François à l’égard de ces propositions de « réforme de la réforme » sont contradictoires. On sait le peu d’intérêt du pape présent pour la liturgie ; on sait aussi que le cardinal Sarah a été écarté de la cérémonie d’ouverture de l’année universitaire de l’Institut Jean-Paul II le 27 octobre prochain, où le pape lui-même a décidé de le remplacer en bouleversant l’ordre prévu. A ce titre au moins, la prise de position du pape émérite est intéressante, et ce d’autant qu’elle se place dans le cadre d’un hommage au patriarche de Constantinople, là où le pape François privilégie les rapports avec le patriarche Kirill de Moscou. (Même s’il est vrai que le pape François a écrit la préface du livre d’hommage dont la lettre de Benoît XVI fera partie.)
 
Jan Bentz de LifeSiteNews rapporte les paroles de Benoît XVI à propos de la célébration ad orientem, telles qu’elles ont été publiées par L’Osservatore Romano le 12 octobre dernier.
 
« Dans l’orientation de la liturgie vers l’Est, nous voyons que les chrétiens, ensemble avec le Seigneur, veulent progresser vers la rédemption de la création tout entière », écrit Benoît XVI. Peut-on se permettre de voir un peu de malice dans l’emploi du verbe « progresser »? Manière de montrer que la célébration « vers le peuple » est figée, sinon passéiste…
 

Célébration « ad orientem » : une symbolique solaire

 
Benoît XVI poursuit sa réflexion en réfléchissant à la symbolique solaire : « Le Christ, le Seigneur crucifié et ressuscité, est à la fois aussi le “ soleil” qui illumine le monde. La foi elle aussi est toujours dirigée vers la totalité de la création. Ainsi, le patriarche Bartholomée remplit un aspect essentiel de sa mission sacerdotale à travers son engagement vis-à-vis de la création. »
 
Mais cet engagement, le pape émérite lui donne une portée qui va bien au-delà de l’idée écologique. Soulignant que cet élément potentiellement unificateur des traditions liturgiques de l’Orient et de l’Occident qui se traduisaient autrefois par l’orientation vers l’Est, universalisée dans l’Eglise latine, il explique : « Un pasteur du troupeau de Jésus-Christ n’est jamais orienté simplement vers le cercle de ses propres fidèles. La communauté de l’Eglise est universelle également en ce sens qu’elle inclut toute la réalité. »
 
Ainsi, se tourner le soleil levant consiste fondamentalement à se tourner vers le monde entier, et non pas vers un cercle fermé : « C’est se placer sur le chemin de la rédemption de la création tout entière. »
 
Pour ceux qui rêvent d’aller aux « périphéries » il y a là une indication intéressante… Narquoise ?
 

Le pape émérite veut toujours la réforme de la réforme, et la messe face à Dieu

 
Cette option liturgique du pape émérite a été peu visible pendant son pontificat pour la double raison que l’autel de Saint-Pierre – comme d’autres autels à Rome – est à la fois tourné vers le peuple mais surtout vers l’Orient, et qu’il a célébré dans de nombreuses églises dont l’autel a été déplacé au cours de la révolution liturgique après Vatican II. Mais il a délibérément choisi de célébrer à l’autel de la Chapelle Sixtine de cette manière pendant son pontificat, et c’est aussi ad orientem qu’il disait la messe dans sa chapelle privée.
 
Dès 1966, celui qui était encore le cardinal Joseph Ratzinger disait aux catholiques allemands : « Est-il vraiment si important de voir le visage du prêtre, ou n’est-il pas propice à la vraie guérison de penser qu’il est un chrétien comme tous les autres et qu’il se tourne avec eux vers Dieu pour dire avec tous, “Notre Père” ? »
 
C’est aussi en tant que cardinal qu’il préfaçait le livre du P. Michael Uwe Lang, Se tourner vers le Seigneur, pour écrire : « Dans l’Eglise antique, il était habituel pour l’évêque ou le prêtre d’appeler les fidèles : “Conversi ad Dominum” – “tournés vers le Seigneur” – à la fin de l’homélie. Cela signifiait d’abord : se tourner vers l’Orient, la direction du soleil levant. (…) “Conversi ad Dominum” : sans cesse nous devons nous tourner hors de nous-mêmes, pour sortir des mauvaises directions où nous nous engageons si souvent par la pensée et par l’action. Sans cesse nous devons nous tourner vers Lui, qui est le Chemin, la Vérité et la Vie. »
 
Jan Bentz rappelle encore les mots du cardinal Ratzinger dans L’Esprit de la liturgie, où il redit que la célébration « vers le peuple a transformé la communauté en un cercle refermé sur lui-même ». « De la même manière que la congrégation à la synagogue regardait ensemble vers Jérusalem, de même dans la liturgie chrétienne la congrégation regarde ensemble “vers le Seigneur” », concluait-il.
 

Anne Dolhein