Amour fou est une rareté en France, un film allemand, à apprécier évidemment exclusivement dans la langue de Goethe. Loin de la langue relâchée, vulgaire de l’Allemagne d’aujourd’hui, les dialogues, à la diction soignée, reproduisent la belle langue germanique du début du XIXème siècle. Un délice de germaniste. Un auteur romantique à Berlin, Heinrich von Kleist, propose à sa belle cousine non de l’épouser, mais de se suicider avec lui, ce qu’il juge une plus belle et véritable démonstration d’amour. Pris à juste titre pour un pur extravagant ou un fou dangereux, et éconduit, il cherche à trouver une remplaçante pour son projet. Il y parvient, convainquant une mère de famille souffrante, plus ou moins condamnée par la médecine. Le sujet, morbide, n’inspire aucune sympathie. Toutefois, il ne tend nullement vers l’apologie du suicide.
Amour fou, un spectacle rare
Amour fou propose une véritable étude de caractères, au-delà des principaux, à la fois touchants et froids pour la plupart. Le contexte politique troublé de 1811, des réformes en Prusse, avec les protestations des aristocrates, et de la domination française détestée de l’Allemagne est bien rendu… tout comme l’indifférence totale du poète suicidaire, mauvais sujet et mauvais Allemand. Le romantisme, aux phrases si belles, tient parfois en effet quelque peu de la maladie sociale. Amour fou propose donc un spectacle délicat, rare, bien que tragique, triste.
Octave Thibault