La Libye, foyer régional d’une déstabilisation qui menace l’Occident, a « formé » l’islamiste de Sousse en Tunisie

La Libye, foyer régional d’une déstabilisation qui menace l’Occident, a « formé » l’islamiste de Sousse en Tunisie
 
Plongée dans le chaos depuis la guerre de 2011 décidée par l’Occident, la Libye est devenue un pôle d’attraction pour les islamistes du monde entier : l’islamiste qui a tué 38 personnes dans la Tunisie voisine à Sousse y a été formé. Toutes les conditions sont réunies en Libye depuis que l’Occident l’a déstabilisée pour qu’elle puisse servir de foyer de troubles en Afrique du Nord, créant en même temps une forte menace contre l’Europe. Les candidats migrants vers les côtes italiennes s’y amassent, éventuellement mêlés de djihadistes. Ceux-ci y reçoivent un entraînement militaire dans des camps ad hoc avant de lancer des attaques meurtrières à l’étranger, comme celle de Tunisie.
 
C’est par l’action de l’Europe et de l’Occident que la Libye riche pays pétrolier, a sombré dans le chaos : deux parlements et gouvernements rivaux s’y livrent une guerre tribale tandis que de nombreux groupes armés s’y affrontent depuis la chute de Mouammar Kadhafi.
 

La Libye, nouvelle plaque tournante du djihadisme islamistes, elle-même déstabilisée par l’Occident

 
On sait maintenant que l’attaque terroriste de Sousse, qui a coûté la vie à 38 personnes, a été menée par un jeune Tunisien qui s’était préalablement entraîné en Libye, tout comme les auteurs de l’attentat contre le musée du Bardo à Tunis, qui avaient tué 22 personnes. Les deux attaques ont été revendiquées par l’Etat islamique, et visaient sciemment des touristes européens. D’après les autorités tunisiennes, les trois djihadistes impliqués dans ces attaques auraient séjourné dans un camp du groupe djihadiste Ansar al-Charia en 2014, dans la ville libyenne de Sabratha.
 
La Tunisie a d’ailleurs déclaré l’état d’urgence le 4 juillet dans la foulée de l’attaque de Sousse : opération déstabilisation réussie…
 
« Sabratha est au bord d’une région appelée Jefara, à cheval sur la frontière tuniso-libyenne, qui se caractérise par un réseau d’anciennes tribus nomades vivant de trafics et de contrebande », explique Philip Stack, analyste au Verisk Maplecroft. Pour lui, Sabratha n’est pas nécessairement un camp d’entraînement de nature militaire : « Il y a une grande chance que son principal objectif soit la radicalisation », a-t-il souligné.
 

La Libye, foyer régional du terrorisme, a formé l’islamiste de Sousse en Tunisie. Rien ne se serait fait sans la guerre contre Khadafi.

 
Il faut dire que le contexte est favorable aux islamistes dans la nouvelle Libye où le désordre a facilité la mise en place d’une sorte de base arrière du djihadisme. Selon des responsables de la sécurité à Tripoli, ville dans laquelle sont basées les autorités libyennes non reconnues par la communauté internationale, des centaines de combattants étrangers ont profité du chaos pour entrer en Libye ces derniers mois.
 
Le chaos libyen « a de graves implications pour la région sur le long terme sur le plan de la sécurité » estime ainsi Michael Nayebi-Oskoui, analyste pour Stratfor, une société de conseil basée aux Etats-Unis. « La Libye a vu arriver un flot réduit mais continu de combattants de retour de Syrie », a-t-il précisé.
 
Mais la Tunisie voisine, avec sa réputation de démocratie laïque, n’en est pas moins le principal fournisseur de djihadistes en Syrie, en Irak et en Libye : 2 à 3.000 ressortissants tunisiens seraient actuellement dans ces zones de conflits. Parmi eux, quelque 500 personnes sont rentrés en Tunisie, après leur formation, et représentent désormais l’une des principales menaces pour la sécurité du pays. L’analyste politique tunisien Slaheddine Jourchi en tire cette conclusion : « La Tunisie ne reviendra à la normale qu’une fois réglée la situation en Libye. »
 

La Tunisie et l’Egypte menacées par la Libye déstabilisée : ce sont l’Europe et l’Occident qui trinqueront

 
Le gouvernement tunisien pourrait donc prendre de nouvelles mesures et intensifier sa guerre contre les activités religieuses des salafistes, risquant de provoquer une plus grande radicalisation encore dans les milieux concernés. Le nombre d’attaques similaires pouvant impliquer des victimes étrangères, nombreuses dans le tourisme mais également dans le secteur économique, pourrait augmenter considérablement ces six prochains mois, et gagner l’Egypte ou le Maroc. Et une bonne part de l’Afrique du Nord, déstabilisée à la faveur de la déstabilisation en Libye, se transformerait en immense zone d’émigration vers l’Europe, avec tous les dangers que cela représente.
 
En Libye, l’Etat islamique est également présent, profitant largement de la présence de groupes islamistes rivaux ou alliés : il a récemment pris le contrôle de la ville de Syrte, berceau de Kadhafi, à quelque 500 km de Sabratha. Syrte pourrait devenir une nouvelle Fallouja, terrain d’entraînement pour des djihadistes du monde entier, selon des experts.
 

Béatrice Romée