Les regrets et la souffrance des pères après l’avortement racontés dans la grande presse… au Royaume-Uni

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Le tabloïde britannique Daily Mail publie un long article sur les regrets et la souffrance des pères après l’avortement. Sujet largement tabou au nom du politiquement correct qui impose la reconnaissance de l’avortement comme « un droit des femmes », il fait ainsi son entrée dans un journal de la grande presse du Royaume-Uni, qui vise un public populaire et qui y réussit d’ailleurs fort bien, puisqu’il annonce aujourd’hui quelque 2 millions d’exemplaires vendus quotidiennement dans les pays anglophones.
 
C’est à travers quelques exemples poignants que le Daily Mail se fait l’écho d’associations de soutien aux personnes qui regrettent leur « IVG » : Rachel’s Vineyard, notamment, organisme catholique qui aide de nombreuses femmes à prendre conscience de la réalité de l’avortement et à rechercher le pardon à travers cette vérité qui seule rend libre. L’association dispose d’antennes à travers le monde et elle s’est tôt ouverte aux hommes qui souffrent aussi du syndrome traumatique post-avortement. Chez Abortion Recovery Care, également sollicité par les journalistes qui ont réalisé l’enquête, on estime qu’aujourd’hui une personne sur 10 venant trouver un soutien et une aide à la suite d’un avortement est un homme.
 

Après l’avortement, les regrets, la souffrance, la culpabilité

 
Les mots qui reviennent ? L’impossibilité d’oublier, l’idée d’une cicatrice qui ne guérit pas, le regret ou la colère quand la décision d’avorter était celle de la compagne du moment, le remords lorsqu’elle a été imposée par l’homme, parfois contre la volonté de la mère de son enfant.
 
Alors qu’on estime à 200.000 le nombre d’avortements annuels en Grande-Bretagne – il reste hors-la-loi en Irlande-du-Nord – c’est une réalité qui affecte un très grand nombre de personnes.
 
Tony, la quarantaine, père de deux enfants, décrit la conscience de savoir qu’il ne connaîtra jamais l’enfant qu’il aurait pu avoir avec son amie il y a quelque 15 ans. C’est elle qui avait décidé d’avorter – il espérait, lui, qu’elle garderait le bébé : « C’est comme si on portait un sac à dos – la plupart du temps, on sait qu’il est là, mais certains jours, c’est comme un lourd poids qui vous empêche d’avancer », reconnaît Tony. La mère de son enfant disparu lui avait avoué à l’époque qu’elle ne l’aimait pas assez pour poursuivre cette grossesse. Le jeune homme l’avait accompagnée pour son rendez-vous, mais leur relation ne devait pas se remettre de cette violence.
 

La presse au Royaume-Uni lève le tabou qui pèse sur la souffrance de l’homme après « l’IVG »

 
Pour les journalistes du Mail, il est certes normal que l’on se focalise sur les femmes qui ont recours à l’avortement puisque c’est dans leur corps que cela se passe. Et elles décrivent – non sans courage – comme « bien documenté » le fait qu’elles sont « nombreuses à ressentir de la culpabilité et les effets du traumatisme pendant le restant de leurs jours ». Mais Clare Goldwin et Angela Carless soulignent que l’impact de l’avortement sur les hommes est trop souvent ignoré, d’autant qu’ils n’ont pas vraiment leur mot à dire lorsqu’une femme décide y avoir recours.
 
Et de citer Charlie Conner, membre de Rachel’s Vineyard : « Pour chaque enfant avorté, il y a un père – on n’a pas besoin d’être mathématicien pour comprendre qu’il y a là un énorme problème caché. » Problème aggravé par le fait que le deuil est impossible : il n’y a pas de funérailles, pas de tombe, juste « la culpabilité et la honte ». « Cette culpabilité sera d’autant plus grande si l’homme est celui qui a imposé l’avortement. Même s’ils n’ont rien de religieux, ces hommes peuvent se sentir punis lorsque d’autres difficultés vont se faire jour dans leur vie. S’ils ont d’autres enfants, ils peuvent ressentir la peur de voir ceux-ci victimes d’un malheur en raison de ce qu’ils ont fait il y a longtemps. »
 
Parmi les symptômes reconnus par certains thérapeutes – malgré le poids du tabou – on note une diminution de la libido, la colère, la dépression, l’abus d’alcool ou de drogue.
 

Après l’avortement, les relations de couples se fracassent face à un deuil impossible

 
L’article présente ainsi le cas de Carl Miller, 50 ans, qui a contraint sa fiancée de l’époque à avorter alors qu’elle ne le souhaitait pas. Furieux, il avait refusé de tenir compte de ses larmes, l’accusant d’avoir délibérément cessé de prendre la pilule pour tomber enceinte de lui. Son bébé a été avorté à 11 semaines, et leur relation s’est achevée un an plus tard. Miller n’aura jamais d’enfant hormis celui-là : trois ans après sa rupture avec cette amie qu’il avait « passionnément » aimée, il s’est affirmé homosexuel et s’est mis en ménage avec un père de deux enfants, grand-père de trois petits-enfants : « Je les adore, et cela ne fait que raviver la culpabilité à propos de cet avortement ; je me demande comment aurait été mon enfant… Ce n’est qu’avec le passage du temps que je me suis rendu compte de l’énormité de ce qui s’est passé, et de ce que j’ai perdu. »
 
Paul O’Callaghan, 47 ans, est aujourd’hui célibataire et sans enfants. C’est lui qui a fait pression sur son amie « Charlotte », il y a 15 ans, pour qu’elle avorte, après qu’elle était tombée enceinte de lui au cours d’une « brève liaison romantique ». Elle avait près de 40 ans, elle n’avait jamais eu d’enfants, et elle rêvait de donner le jour à celui qu’elle portait enfin. Le père décida pourtant que ce n’était pas le moment, malgré la douleur qui se lisait sur le visage de son amie. Il devait l’accompagner lors de son premier rendez-vous à la clinique, où elle sortit bouleversée de l’échographie en disant qu’elle avait « vu le bébé ».
 
« Je l’ai prise dans mes bras mais mes raisons de ne pas vouloir un enfant étaient toujours les mêmes. Charlotte s’est fait avorter une semaine plus tard, à neuf semaines. Je n’en étais pas fier, mais j’étais soulagé de pouvoir passer à autre chose. » Il ne l’a jamais revue, mais au fil du temps il s’est rendu compte de ce qu’il avait perdu en voyant ses proches et ses amis avec leurs jeunes enfants. Son amertume est double : il ressent de la souffrance à l’idée qu’il aurait pu et même dû avoir un enfant, et de la culpabilité à l’égard de l’amie d’alors, qu’il a peut-être privée pour toujours de la joie de la maternité.
 
Le Daily Mail va jusqu’à citer le Pr Arthur Shostak, professeur émérite de sociologie à Drexel University à Philadelphie, qui a mené de multiples entretiens avec les hommes dont les partenaires avaient subi un avortement. 90 % d’entre eux ont vécu cela comme un des moments les plus emplis de stress de toute leur vie ; 9 % ne s’en remettent jamais.
 

Jeanne Smits