Si le congrès américain vote une loi permettant l’incrimination de l’Arabie saoudite dans le 11 septembre 2001, celle-ci vendra 750 milliards d’actifs placés aux Etats-Unis, provoquant ainsi une gigantesque pagaille financière. Un chantage en forme d’aveu ? Mais quel aveu ? Si l’Arabie saoudite a commandité l’attentat, étant donné qu’elle est l’alliée des Etats-Unis, le vrai cerveau de l’affaire ne se situerait il pas dans les services américains, ou même plus haut ? Obama s’oppose à la loi : c’est peut-être un indice pour répondre à la question.
L’affaire passionne la presse américaine. Il faut dire que le 11 septembre reste aux Etats-Unis une question hyper sensible et pour ainsi dire toute fraîche. L’histoire commence au Congrès. Celui-ci prépare une loi visant à limiter l’irresponsabilité pénale des Etats étrangers dans le cas où « des citoyens américains ont été tués sur le sol américain ». Les rapporteurs en sont deux sénateurs, l’un démocrate, Chuck Schumer, l’autre républicain, John Cornyn. Pour celui-ci, les Etats-Unis se trouvant confrontés à « de nouveaux réseaux terroristes qui visent (les) citoyens, stopper le financement des terroristes est plus important que jamais. » Or, quand on parle de financement, les yeux se tournent naturellement vers l’Arabie saoudite.
La version officielle du 11 septembre en question
Les médias américains relèvent que 15 des 19 terroristes officiellement mis en cause dans les attentats du 11 septembre en sont originaires. Et, à la demande des familles des victimes qui demeurent là-bas un groupe de pression sentimentale puissant, de nombreuses voix, dans la presse et parmi les politiques, exigent la publication d’un rapport d’enquête de 28 pages datant de 2002 classé secret mettant en cause, à ce qu’on en dit, l’Arabie saoudite. L’un de ses corédacteurs, l’ancien sénateur démocrate de Floride Bob Graham, n’hésite pas à impliquer le royaume wahabbite dans l’affaire. Selon lui, il aurait financé un réseau de soutien aux terroristes du 11 septembre sur le sol des Etats-Unis. Et d’expliquer :
« Il n’est pas crédible que 19 personnes, dont la plupart ne parlaient pas anglais, n’avaient pas mis les pieds aux Etats-Unis et n’avaient aucune instruction, aient mené une telle mission à bien sans aide sur place. »
Bill Graham donne ainsi l’autorité d’un ancien enquêteur officiel aux objections nombreuses et solides formulées depuis quinze ans par les adversaires de la version officielle des faits. Le 11 septembre n’a pu se passer comme les médias et le gouvernement des Etats-Unis ont prétendu le faire croire au monde.
Le rapport classé secret met en cause l’Arabie Saoudite
Cela acquis, une question se pose. Pourquoi ce semi aveu officiel tardif ? Pourquoi ressortir aujourd’hui un document vieux de quatorze ans, alors que les rapports officiels affirment toujours qu’aucun lien ne peut être établi entre l’Arabie saoudite et les attentats du World Trade Center ? Une première réponse tient dans le changement d’alliances que les Etats-Unis opèrent au Proche et au Moyen Orient. Depuis les années cinquante, ils soutenaient inconditionnellement Israël d’une part, et de l’autres les fondamentalistes musulmans d’Arabie saoudite et du Pakistan, dans un désir de maîtriser les sources de pétrole et de contenir la puissance russe, communiste ou non. Aujourd’hui, cela paraît fini. Obama a donné des signes d’ouverture vers l’Iran, et d’attiédissement pour Israël. Cela s’accompagne d’un lâchage partiel de l’Arabie saoudite, dans le cadre de la construction d’un nouvel ennemi public n° 1, le terrorisme islamiste, protagoniste indispensable du choc des civilisations cher aux néo-conservateurs.
L’interview de l’ancien sénateur Graham va clairement dans ce sens, puisque affirme :
« Je suis convaincu qu’il existait une ligne directe entre au moins une part des terroristes du 11 septembre et le gouvernement d’Arabie saoudite. »
L’Arabie saoudite pose une question à 750 milliards aux Etats-Unis
La loi préparée par le congrès américain va elle aussi clairement dans ce sens. L’Arabie saoudite l’a parfaitement compris, puisque son premier ministre Adel El-Joubeir aurait menacé le mois dernier lors d’une visite à Washington de procéder à la vente de 750 milliards d’actifs saoudiens aux Etats-Unis, en bons du trésor américains et autres placements, si elle passe. La menace n’est peut-être pas facile à exécuter : on ne vend pas 750 milliards de valeurs comme cela, et la pagaille engendrée affecterait sans doute le dollar, en quoi sont constituées les réserves saoudiennes. Mais elle a une cohérence. Un prétexte : il s’agirait d’éviter qu’ils ne soient gelés si la justice des Etats-Unis lançait une procédure contre l’Arabie Saoudite. Et un objectif : empêcher que la loi ne soit votée. Graham voit dans ce chantage un aveu. Cette interprétation n’est pas certaine. Le royaume wahabbite étant un Etat souverain, il entend peut-être seulement préserver cette souveraineté en refusant de se soumettre à une loi qui prétendrait la limiter. Le président Obama s’oppose d’ailleurs à la loi en arguant qu’elle pourrait inciter d’autres nations à en voter de semblables, qui limiteraient à leur tour la souveraineté des Etats-Unis.
Le 11 septembre commandité par Riyad ou par Washington ?
Cependant l’intuition de l’ancien sénateur Graham est peut-être la bonne, et l’argumentation d’Obama un simple prétexte. Elle a d’ailleurs soulevé l’indignation des familles, qui se plaignent que le président des Etats-Unis soit « du côté de l’Arabie saoudite » plutôt que de celui de ses concitoyens. Et les deux candidats à la candidature démocrate pour la prochaine présidentielle, Hilary Clinton et Bernie Sanders, ont pris position en faveur de la loi. Une question se pose en effet. Il y a aujourd’hui un froid entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, mais, lors du 11 septembre, ils étaient unis comme les doigts de la main. Si donc l’Arabie saoudite a commandité et financé le 11 septembre, ne faut-il pas que les Etats-Unis l’aient su, ou même décidé ? Les services secrets sont derrière, et peut-être bien la Maison Blanche : voilà que les révélations de Graham et le rapport de 28 pages viennent donner une sérieuse consistance à ce qui était jusqu’alors décrit comme « des thèses complotistes ». On comprend qu’Obama, président en exercice, veuille mettre cette inquiétante chose sous le boisseau.
Règlement de compte politique aux Etats-Unis ?
Mais alors, pourquoi Sanders et Hilary Clinton se prononcent-ils pour la loi ? C’est une autre question, qui vaut peut-être encore plus que les 750 milliards d’actifs que l’Arabie saoudite menace de liquider. Par simple démagogie, parce qu’ils ont reçu des assurances qu’elle ne passerait pas ? Ou bien s’agit-il d’un règlement de comptes dans les cercles qui tiennent le pouvoir aux Etats-Unis ? La gauche socialisante profiterait-elle de l’affaire du 11 septembre, très chère au cœur de l’Américain moyen, pour faire un grand ménage ? Dénoncer les turpitudes de ses prédécesseurs, des Républicains, des services secrets, du « complexe militaro-industriel » ? Le tout pour dérouter un peu plus le citoyen américain et poursuivre tranquille la socialisation de l’Amérique ? C’est une hypothèse à suivre de près, car l’Arabie saoudite n’est certainement pas la seule cible de la manœuvre en cours.