Ballerina est un conte narrant l’histoire d’une jeune fille orpheline, une préadolescente d’environ douze ans, qui rêve de devenir danseuse à l’Opéra de Paris, soit le Palais Garnier alors tout récent. Le contexte historique est censé être celui des années 1880. Aussi sont montrés les décors urbains du Paris de l’époque, et la Tour Eiffel en construction au Palais du Trocadéro néo-mauresque – soit l’état antérieur, radicalement différent de l’actuel datant de l’Exposition Universelle de 1937-. Les immeubles haussmanniens forment la norme absolue à l’époque ; les détails sont justes, avec les escaliers typiques, les appartements de réception luxueux, les logements modestes des domestiques, les petites cours intérieures. Certains costumes sont aussi justes, en particulier les très singulières robes des années 1880. Par contre, d’autres tenues, à commencer par celle de l’héroïne, qui porte le plus souvent un improbable short-jean, constituent au contraire des anachronismes flagrants. Des véhicules ont parfois des décennies d’avance, comme des motocyclettes. Mais si l’on considère qu’il s’agit d’un conte, s’adressant avant tout aux enfants, et non d’un drame historique véritable, on peut tolérer ces erreurs, même si une démarche un peu plus sérieuse de reconstitution historique n’aurait pas nui du tout à Ballerina.
 
La future Ballerina réussit donc à s’évader, grâce à un compagnon d’infortune de son âge, d’un orphelinat en Bretagne. Le vaste bâtiment superficiellement néogothique, en pierre sombre locale, peut encore renvoyer à un contexte historique reconstitué avec un minimum d’attention. Par contre, on regrettera le regard peu sympathique envers les sœurs encadrant l’institution charitable ; elles ont fait preuve historiquement d’un dévouement magnifique aux orphelins, même si toutes n’ont pas forcément été douces et patientes en permanence. S’évader de l’orphelinat envisagé comme une prison est une démarche puérile et irresponsable en soi, mais qui constitue un passage obligé de nombreux contes pour enfants.
 

Ballerina, un conte pour enfants

 
Après un voyage clandestin en train, les deux enfants réussissent à rejoindre Paris, à trouver un logement, et des occupations – sinon, point trop délicat, du travail au sens strict. L’héroïne, via une lettre subtilisée à des gens méchants, réussit à intégrer les classes de danse de l’opéra de Paris. Ces classes imposent des efforts absolument redoutables aux élèves, hier comme aujourd’hui. Pour être une bonne danseuse, il faut énormément travailler. Seules les meilleures sont sélectionnées par le maître de danse pour se produire sur scène. Oser louer le sens de l’effort, envisager la sélection par les aptitudes, sans exclure une sensibilité, voilà un excellent message devenu inattendu, trop rare, en France.
 
Il faut reconnaître un grand dynamisme dans les aventures des deux jeunes héros. Une femme insupportable, tyrannique, qui ressemble beaucoup à la Cruella des 101 Dalmatiens, réussit parfaitement son rôle de personnage mauvais indispensable à l’histoire. Les nombreuses péripéties ne se dispersent pas, font progresser régulièrement l’action. Ballerina est donc réussi comme conte pour enfants.
 

Hector JOVIEN