Pour la CEDH, l’impôt ecclésiastique obligatoire en Allemagne n’est pas contraire à la liberté de religion

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Enfants allemands en costume régional pour leur première communion

 
Dans un arrêt rendu le 6 avril dans l’affaire Klein et autres c. Allemagne, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère que l’impôt ecclésiastique et toute autre redevance ecclésiale prélevés par l’administration fiscale allemande pour le compte des Eglises catholique et protestantes n’est pas contraire à la liberté de religion. Quitter l’Eglise pour cesser d’avoir à payer cette contribution obligatoire est en effet une simple formalité administrative chez nos voisins allemands : il suffit de se rendre à l’office de l’état civil ou au tribunal d’instance, et le requérant n’a pas à justifier sa décision. Certes, les conséquences peuvent être lourdes puisque dans l’Eglise catholique comme chez les protestants, se faire rayer du registre des croyants signifie aussi, même si c’est pour échapper à cette taxe supplémentaire égale à 8 ou 9 % (selon les lands) de l’impôt sur le revenu, renoncer à l’accès aux sacrements, au statut de parrain ou de marraine, à une cérémonie funéraire au moment du décès, ou encore au mariage religieux dans une certaine mesure.
 

Pour la CEDH, on ne peut refuser de contribuer à l’impôt ecclésiastique du conjoint en invoquant sa liberté de religion

 
Les cas que les juges de Strasbourg ont eu à examiner étaient un peu particuliers, puisque pour les cinq requérants, leur liberté de religion avait été selon eux violée par le fait, selon les cas, qu’ils avaient vu leur impôt sur le revenu influencé par la religion déclarée de leur conjoint, ou bien que leur propre impôt ecclésiastique avait été accru par le revenu du conjoint non membre de leur Eglise, les rendant dépendant de l’aide financière du conjoint pour financer leur appartenance à leur Eglise. Mais dans tous les cas, la CEDH, réunie en chambre ordinaire, a constaté que ces situations étaient dues au propre choix des requérants de bénéficier d’une imposition commune, celle-ci leur étant malgré tout globalement plus favorable. En outre, le calcul de l’impôt ecclésiastique ou des redevances ecclésiales relève en Allemagne de la responsabilité des Eglises elles-mêmes et non pas de l’Etat ou des régions qui ne jouent qu’un rôle d’intermédiaire dans la collecte de ces taxes. La CEDH a donc jugé irrecevables tous les griefs des requérants au titre des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 9 (liberté de religion), 12 (droit au mariage) et 14 (interdiction de la discrimination). Les parties disposent toutefois encore d’un délai de trois mois pour demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour de Strasbourg.
 

La redevance ecclésiale comme principale source de revenu de l’Eglise catholique et des Eglises protestantes en Allemagne

 
L’impôt ecclésiastique allemand, qui remonte au début du XIXe siècle, est une source majeure de revenu pour les cultes catholiques, protestants et juifs. Pour l’Eglise catholique, cela représente plus de 5,5 milliards d’euros par an, et un peu moins pour les Evangéliques. Ces dernières années, on accuse cet impôt d’être à l’origine d’une accélération de la fuite des fidèles. L’année 2014 a notamment connu une forte recrudescence dans ce domaine, avec plus de 200.000 personnes qui ont quitté l’Église catholique (en hausse de 22 % par rapport à 2013) et des chiffres comparables chez les protestants, du fait d’un changement de la loi en Allemagne : l’impôt ecclésiastique dû sur les revenus des capitaux est désormais prélevé directement par les banques.
 

Olivier Bault