A l’Université pontificale grégorienne, un colloque sur l’« Illumination » et « l’Eucharistie depuis la perspective tantrique »

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Dans le cadre de sa journée interreligieuse, et marquant la plus importante des fêtes hindoues, le Deepawali ou Divali célébré cette année le 19 octobre, l’Université pontificale grégorienne organisait mercredi un colloque qui portait notamment sur le thème : « Esprit et Shakti : la célébration eucharistique en tant que rituel depuis la perspective tantrique. » L’événement s’est ouvert par une « cérémonie de la lumière » suivie d’allocutions du cardinal Jean-Louis Tauran et de l’ambassadeur d’Inde à Rome. La rencontre était placée sous le signe du défi des migrations et du « pluralisme interreligieux » en Europe.
 
Sous le titre Illuminazione e via tantrica (« Illumination et voie tantrique »), la réunion universitaire eut les honneurs de l’Aula Magna de la Grégorienne où l’on réfléchit au destin de l’homme dans le tissu cosmique, à la déification selon les Saiva Agamas du Cachemire et selon les Pères de l’Eglise, à la manière d’atteindre la vie éternelle selon la doctrine et la pratique Śaivasiddhānta (illumination par la grâce de Shiva, dieu de la destruction et de la création représenté notamment par un symbole phallique, et qui permet de transcender la différence entre l’esprit et la matière), et au tantrisme comme lieu de dialogue avec le christianisme.
 

L’Université pontificale grégorienne compare Eucharistie et voie tantrique

 
Puis on a parlé du « dialogue entre hindouisme et christianisme en tant qu’enrichissement mutuel : le thème de la corporéité masculine-féminine dans la tradition tantrique et dans la spiritualité catholique des derniers deux siècles ».
Une quatrième session était consacrée à « Abhinavagupta, maître cachemirien médiéval », « l’esthétique de la libération » et ses « résonances chez Maître Eckhart ».
 
La cérémonie de la lumière est un rituel hindou de la fête de Divali qui célèbre plusieurs divinités hindoues et qui commémore le retour victorieux du roi Rama dans sa capitale avec son épouse Sita – deux avatars de Vishnou et de Lakshmi – enlevée par un démon. Elle commémore ce retour fêté par la population qui alluma de nombreuses lampes dans les rues. Cette tradition de l’allumage des lampes – auquel assistait le cardinal Tauran tandis qu’un prêtre catholique allumait la flamme de petites lampes sur un « arbre », en présence de dignitaires hindous – célèbre aussi le retour du soleil après la saison des moussons et joue un rôle de charme pour éloigner la mort.
 
Retournant à sa place, le cardinal Tauran a déclaré : « Que cette fête de la lumière apporte dans votre vie et dans le monde, par la grâce de Dieu qui est Lumière suprême, davantage de joie et davantage de paix… Que notre réunion aujourd’hui et nos réflexions sur le thème fassent grandir en nous l’estime pour tout ce qui est noble, beau et bon dans nos traditions religieuses respectives, de manière à pouvoir tous contribuer au bien commun et à la paix. »
 

Le cardinal Tauran participe à une cérémonie d’illumination tantrique pour fêter le Divali

 
L’allocution consacrée à l’Eucharistie considérée du point de vue du tantrisme était particulièrement dérangeante. Selon l’hindouisme, le Shakti, sorte de divinité multiforme, est le véhicule permettant à la conscience individuelle de s’unir avec la conscience pure ou la divinité. Shakti, épouse de Shiva, est conçue notamment comme une libre énergie de la divinité qui s’empare de la personne et en jouit comme elle l’entend, où l’individu est simplement appelé à jouer son rôle minuscule, dirigé à son insu par une énergie impersonnelle. On est véritablement aux antipodes de l’union avec le Christ dans la communion…
 
Le tantrisme est l’une des traditions ésotériques orientales les plus en vogue aujourd’hui. Il vise à utiliser les désirs matériels comme un chemin de spiritualité, notamment à travers des techniques de méditation et de ritualisation de l’acte sexuel.
 

Un colloque interreligieux à Rome fait la part belle aux cultes orientaux

 
Dans le document pontifical (très critique) sur le « New Age » publié en 2003 par le Conseil pontifical pour la culture et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, la véritable nature de ces pratiques était rappelée :
 
« On fait appel à la psychologie pour expliquer l’élargissement de la conscience comme expérience “mystique”. Le yoga, le zen, la méditation transcendantale et les exercices tantriques mènent à l’expérience de la pleine réalisation de soi ou illumination. Les expériences extraordinaires (le rebirthing qui consiste à revivre sa propre naissance, les voyages aux portes de la mort, le biofeedback, la danse et même les drogues, tout ce qui peut produire une altération de l’état de conscience) mènent à la conscience de l’unité et à l’illumination. Comme il y a un seul Esprit, certaines personnes peuvent servir de canal pour approcher les êtres supérieurs. Chaque partie de cet unique être universel est reliée à toutes les autres parties. L’approche classique au Nouvel Âge est celle de la psychologie transpersonnelle, dont les principaux concepts sont l’Esprit universel, le moi supérieur, l’inconscient collectif ou personnel et l’ego individuel. Le moi supérieur, qui est notre véritable identité, jette un pont entre Dieu comme intelligence divine et l’humanité. Le développement spirituel est ce contact avec le moi supérieur qui permet de dépasser toute forme de dualisme entre sujet et objet, vie et mort, psyché et soma, moi et aspects fragmentaires du moi. Notre personnalité limitée est comme une ombre ou un rêve projeté par le moi authentique. Le moi supérieur contient le souvenir des (ré)incarnations précédentes. »
 
On peut lire ou relire cet important document ici. Cela devient de plus en plus indispensable par les temps qui courent…
 

Jeanne Smits