DRAME Le Disciple •


 
Le Disciple est un disciple autoproclamé du Christ. Il n’est guère exemplaire. Il illustre parfaitement le danger de vouloir se construire soi-même un Christianisme par la lecture seule de la Bible. Les Saintes-Ecritures sont soumises à l’interprétation de l’Eglise. Un homme laissé à ses seules lumières multiplie les erreurs, contresens, ce qui peut conduire jusqu’à des dérives meurtrières. Ce lycéen russe, élevé comme elle a pu par sa mère divorcée, seule, sans aucune instruction religieuse, réinvente sans le savoir l’anabaptisme des années 1520-1530, les mêmes causes – lecture sans discernement, avec littéralisme et exaltation de la Bible – conduisant aux mêmes effets. Il déconcerte sa pauvre mère, se conduit de manière odieuse avec elle. D’élève médiocre, sans aucun relief, il devient un cancre qui amuse ses condisciples dans son lycée. Il perturbe les cours à l’aide de citations bibliques, souvent peu adaptées au contexte, et de commentaires moralisants.
 
Le Disciple est inspiré d’une pièce de théâtre paraît-il matérialiste et antichrétienne. Mais le film est en fait, selon nous, beaucoup plus équilibré. Tous les personnages ne sont guère flattés. Le lycéen prosélyte ne rencontre aucun succès ou presque – le seul conquis est le crypto-homosexuel du lycée – et est manifestement perturbé. La majorité du corps enseignant décide au fond d’ignorer ses extravagances, de ne sanctionner que les perturbations des cours les plus manifestes ou de noter ses résultats scolaires, volontairement sabotés : de telles notes amèneraient à son exclusion logique du lycée, sans perdre son temps à des dialogues impossibles. Son professeur de biologie seule s’obstine à vouloir lui répondre point par point, en développant un matérialisme qui sent l’héritage soviétique athée, finalement tout aussi absurde et superficiel qu’un littéralisme biblique systématique. Le personnage le plus dans le vrai est celui de la directrice de l’établissement, qui multiplie les mesures de bon sens face au problème, et sait démonter les deux discours antagonistes incohérents. Par exemple, prétendre avoir la preuve de la fausseté de la Bible en soutenant qu’elle classe les chauves-souris parmi les oiseaux, et non les mammifères volants, est ridicule : les chauve-souris volent parfaitement, et c’est ce qu’a vu et voulu dire l’écrivain sacré.
 

Le Disciple dépeint les lycées russes d’aujourd’hui entre legs postsoviétiques et renouveau patriotique

 
Le film n’en reste pas moins dur, parfois difficile pour le public chrétien. Certaines images, rares, réservent le film à un public adulte et averti. Les citations bibliques du lycéen sont répertoriées en sous-titres ; elles sont justes, mais des assemblages absurdes de citations de deux lignes ne démontrent que l’absurdité d’un tel discours littéraliste composite, certainement pas celui du Christianisme. C’est ce que soutiennent à juste titre la directrice et le pope du lycée, chargé de cours de culture russe orthodoxe et faisant fonction d’aumônier sans l’être exactement. Le Disciple peut déplaire mais nous l’avons trouvé véritablement intéressant. Il donne aussi un certain aperçu intéressant des lycées russes d’aujourd’hui, entre legs postsoviétiques et renouveau patriotique, avec pour public des jeunes peu motivés par leurs études, comme probablement partout ailleurs dans le monde…
 

Hector JOVIEN

 
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