Fresno, Etats-Unis : la surveillance de police à l’aide de logiciels qui évaluent la dangerosité de chacun

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Chef de la police de Fresno, Jerry Dyer.

 
La police de la ville de Fresno en Californie a opté pour l’utilisation du logiciel Beware développé par la firme Intrado pour aider au mieux ses agents qui interviennent sur le terrain à la suite d’appels d’urgence. Beware rassemble un très grand nombre d’informations et de renseignements sur les individus, censés renseigner les forces de l’ordre sur la dangerosité potentielle de l’intervention. De moins en moins chère, ce type de technologie est de plus en plus utilisé aux Etats-Unis. En 2014, on estimait à 90 % la proportion des 14.000 services de police américains ayant recours à ce type de logiciel d’évaluation. Mais elle n’est pas exempte d’erreurs et risque d’être utilisée à des fins de surveillance des citoyens innocents, voire de « profiler » tout un chacun en vue d’évaluer la probabilité d’un comportement criminel.
 

La police des Etats-Unis a massivement recours aux logiciels « profileurs »

 
Pour John Dyer, chef de la police de Fresno, l’important est de fournir autant de renseignements que possible à ses agents sur le terrain afin qu’ils puissent intervenir dans les meilleures conditions de sécurité. L’argument sécuritaire de Beware est le premier cité par les partisans de ce type d’outils qui traitent des milliards de données tels les rapports d’arrestations, les titres de propriété, les données cachées du Web et les achats par cartes bancaires, mais aussi les propos tenus sur les réseaux sociaux, pour associer un niveau d’alerte à trois couleurs : vert, jaune et rouge à chaque individu évalué. La « note » peut baisser en fonction des messages mis en ligne sur les réseaux sociaux : selon le président d’Intrado, même « tout commentaire pouvant être considéré comme offensant influe sur le résultat ».
 
Un journaliste du Washington Post a pu constater que les services de police de Fresno sont également équipés de 57 écrans permettant d’accéder aux images enregistrées par les 200 caméras de police réparties dans la ville, mais aussi celles des caméras des commerces et bientôt celles des caméras dont seront bientôt équipés les agents de police. Ce quadrillage visuel est renforcé par les 800 caméras de trafic routier et celles installés dans les établissements scolaires de la ville. Le centre névralgique de la surveillance policière recourt à une gigantesque base de données privée qui scanne les plaques d’immatriculation de véhicules : des milliards d’informations en temps réel, là encore. Grâce au programme ShotStopper, la police peut activer à distance des micros disséminés un peu partout dans la ville pour repérer des coups de feu. Enfin, elle surveille l’activité des réseaux sociaux au moyen du dispositif Media Sonar à la recherche d’activités illégales des gangs ou de menaces contre les écoles par exemple.
 

A Fresno, la police est prévenue de la supposée dangerosité des individus avant chaque intervention

 
Selon Rob Navarro, avocat des droits civils, le danger réside dans la façon dont le logiciel Beware établit la qualification de la supposée dangerosité des individus. Or, seul Intrado en connaît la formule. La collecte de données peut ainsi s’avérer erronée et donner lieu à une réaction disproportionnée des forces de police lors d’une intervention. Une habitante de Fresno s’est ainsi inquiétée d’avoir posté des commentaires sur Twitter concernant un jeu baptisé « Rage ». Dans quelle mesure ce mot ne pourrait-il pas conduire à augmenter la supposée dangerosité de cette personne ? Autre exemple de la faillibilité du système : un membre du conseil municipal de la ville, en visite au centre de police, a demandé au chef de la police de lui sortir son profil, lequel s’est avéré « vert » – mais son domicile était classé « jaune », peut-être en raison des activités du précédent propriétaire des lieux. 
 

Surveillance et identification « proactive »

 
Bien que les forces de police se défendent en assurant qu’elles n’utilisent le logiciel qu’une fois le suspect identifié, il n’est pourtant qu’un petit pas à franchir pour envisager une utilisation de l’outil au titre d’une identification « proactive » de suspects. C’est là où la fiction de Minority Report rejoint la réalité, en permettant la supposée identification de délinquants potentiels en réalité parfaitement innocents.
 

Nicklas Pélès de Saint Phalle