Les prix à la pompe restent élevés en France mais sur le marché mondial, le pétrole part à la baisse. Les prix ont atteint leur plus bas niveau cette année alors que les producteurs américains de gaz de schiste ne cessent d’augmenter leur débit et que les stocks de brut gonflent en conséquence. Cette politique pourrait bien neutraliser les réductions volontaires de production sur lesquelles s’étaient accordés plus ou moins sincèrement les membres de l’OPEP et les compagnies russes en novembre. Pour Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph de Londres, la tendance est telle que toute remise à niveau des prix ne saurait intervenir avant 2018 au plus tôt.
Le brut léger du Texas cotait 48,90 dollars le baril jeudi, une chute de 8 % en trois jours déclenchée par l’augmentation surprise des stocks américains. Les prix s’en ressentent en bourse tandis que les hedge funds dont les positions spéculatives avaient atteint des records s’empressent de vendre.
Le gaz de schiste américain de moins en moins coûteux à extraire
La nouveauté aux Etats-Unis, c’est la baisse tendancielle des coûts de production du gaz de schiste, due comme toujours à des progrès technologiques que les écologistes refusent par principe de considérer dans leurs prédictions catastrophiques. Au Texas, le prix de la production du baril a chuté pour atteindre 35 dollars ou moins, assurant des revenus confortables même au prix actuel, alors que les terres des zones concernées s’achètent désormais à 15.000 dollars les 1.000 mètres carrés. C’est une tendance que l’on retrouve dans d’autres champs jusqu’ici jugés moins intéressants comme dans le Colorado, où l’on estime désormais les réserves 40 fois supérieures aux premières estimations.
Il y a donc des profits immédiats à faire, ce qui explique sans doute la frénésie de forage des « frackers » américain, au risque de submerger l’ensemble des producteurs. Aux Etats-Unis, certains commencent même à affirmer que le pays joue désormais quasiment d’égal à égal avec le cartel de l’OPEP : « Il nous faut faire attention de ne pas être en surproduction. Cela doit se faire de manière mesurée, sans quoi nous tuerons le marché », a déclaré Harold Hamm de Continental lors du forum énergétique CERAWeek en cours à Houston.
Le nombre de puits en activité ne cesse d’ailleurs d’augmenter après avoir chuté fortement, à mesure que la productivité par unité augmente grâce à des techniques améliorées ; du coup les sociétés récupèrent leurs pertes de ces derniers temps. Si les cours du pétrole augmentent, la production se mettra à l’unisson, selon Raghdaa Hasan de Statoil US.
Le pétrole baisse alors que les stocks américains augmentent
Dans le même temps, le marché du pétrole a été secoué par l’annonce faite à CERAWeek par le ministre du pétrole d’Irak, Jabbar Ali Al-Luiebi, d’une augmentation probable de la production dans son pays de quelque 25 % pour atteindre les 5 millions de barils par jour au second semestre 2017. La Libye vient elle aussi d’augmenter sa production qui a été doublée ces derniers mois pour atteindre 700.000 barils par jour. Son objectif est d’arriver à 2,2 millions de barils par jour.
Tout cela provoque la colère du noyau dur de l’OPEP qui accuse concurrents internes et externes de profiter de sa décision de baisser la production dans l’espoir d’augmenter les prix. Les Etats du Golfe ont joué le jeu, d’autres non : « L’Arabie saoudite n’acceptera pas d’être utilisée par d’autres. L’accord est pour le bénéfice de tous, et doit être respecté par tous », a déclaré lors de la même réunion le ministre de l’énergie de ce pays, Khalid al-Falih. Il n’a pas parlé de la Russie ; celle-ci est loin de respecter les coupes de 300.000 barils par jour promises, selon les traders.
Le marché bientôt submergé par le pétrole irakien et libyen
La menace est claire et d’ailleurs elle a été clairement exprimée : al-Falih a rappelé que l’accord ne court que jusqu’en juin et que les producteurs de gaz de schiste et tous ceux qui rêvent d’un boom à venir auraient tort de penser que le royaume wahhabite « garantira leurs investissements » en continuant de réfréner sa production.
Beaucoup d’analystes pensaient que l’Arabie saoudite ferait tout ce qu’il faut pour faire remonter le prix du baril à 60 ou 70 dollars alors qu’elle s’apprête à privatiser partiellement sa compagnie publique Aramco l’an prochain, histoire de mieux préparer cette vente historique.
Les pays de l’OPEP vont devoir accepter de réduire leur production bien au-delà de la durée de l’accord actuel, estime pour sa part Patrick Pouyanné, président de Total – une mauvaise nouvelle pour de nombreux pays du cartel pour qui les revenus du pétrole restent essentiels dans leur budget et ne peuvent leur éviter de se servir de leurs réserves de devises qu’à condition de dépasser les 100 dollars le baril.